« La gourmandise, tout le monde est d’accord là-dessus depuis longtemps, commence quand ce n’est plus l’estomac qui crie mais la bouche qui parle. »
Inscrit dans la savoureuse collection des « Petits éloges », l’essai de Grégoire Polet intitulé Petit éloge de la gourmandise renoue en tous points avec la tradition antique de l’édification publique. Maniant le dithyrambe aussi bien que le paradoxe, l’auteur promeut la gourmandise, distincte de la faim ou de l’appétit, au rang de vertu universelle : « Cet amour du monde qui se mange est tout de même aussi un amour du monde tout court ».
Et l’assiette, philanthrope, de rassembler les peuples par la découverte –et la cohabitation– de contenus issus du monde entier. Et le verre (de vin) de déployer la mémoire des vignes et des pas qui les ont foulées, le grain de farine, « inaperçu dans la rainure du meuble », d’étendre sa quête à un périple à travers les continents, avant que de pleurer, lamentable, sur le sort de ses frères… carbonisés.
Féru, entre autres, d’histoire de l’art, l’auteur étudie la représentation picturale de la gourmandise. Si Le Caravage ou Goya représentent des mets de choix, l’esthète affirme que « toutes les peintures ont quelque chose à voir avec la gourmandise (…) Et si la gourmandise était une peinture (…) elle serait avant tout une illusion. C’est-à-dire que si la gourmandise était une peinture, elle serait toutes les peintures. »
Et avec la littérature, me direz-vous, quel lien l’auteur établit-il ?
Rien de plus simple, vous répondrai-je : pimentée de souvenirs et de méditations nourries, sa plume fait de l’essai… un festin d’écriture.
« Et c’est pourquoi dans l’ivresse de la célébration gourmande quelque chose se produit ».
Un ouvrage qui se déguste comme un macaron : le délice exige le raffinement de la cérémonie.
APOLLINIA
Petit éloge de la gourmandise par Grégoire Polet, Paris, Éditions Gallimard, collection « Petits éloges Folio », septembre 2010, 104 pp. en noir et blanc au format 11 x 18 cm sous couverture brochée en quadrichromie, 2 €.