Écrivain, poète, éditeur et organisateur de festivals, Jean-Yves Clément, à qui l’on doit divers ouvrages (Les Deux Ames de Frédéric Chopin, 2010, Franz Liszt, 2011, De l’aube à midi, 2013), a publié récemment chez Actes Sud une biographie du musicien russe Alexandre Scriabine (1872-1915).
Personnalité singulière par le symbolisme flamboyant de son langage musical et atypique par le refus de toute référence au folklore national, Alexandre Scriabine, mort il y a un siècle tout juste, peut être qualifié de mystique de l’extase influencé par la théosophie [1].
Il laisse une œuvre profondément originale d’où se détachent son imposant corpus de dix sonates pour piano, son Poème divin (1903-1904), son Poème de l’extase pour grand orchestre (1904-1907), son Prométhée ou le Poème du feu (1908-1910) pour grand orchestre avec orgue, chœurs, piano et clavier à lumières ainsi que de nombreux préludes, 9 impromptus, 21 mazurkas, 3 valses, 3 nocturnes et 26 études au style virtuose et coloré.
Sa dernière œuvre, Le Mystère (commencée en 1903), qui fut aussi son projet le plus ambitieux, est restée inachevée en raison du décès subit d’Alexandre Scriabine à l’âge de 43 ans [2].
Voici ce que dit Jean-Yves Clément de ce compositeur au talent visionnaire :
« L’œuvre de Scriabine est l’une des plus originales de toute la musique ; totalement révolutionnaire, au même titre que celles de Schönberg, Bartók, Prokofiev ou Stravinski, bousculant de manière irréversible la tonalité, inventant comme Chopin ses propres formes, développant une esthétique de la miniature en droite ligne des tentatives du dernier Liszt, exploitant des horizons harmoniques et des espaces sonores inédits dont Messiaen se souviendra, pour ne rien dire de Berg, Szymanowski, ou de compositeurs plus proches de nous, tels Stockhausen ou Cage, Scriabine fait poser à la musique des questions qu’elle ne se posait pas avant lui.
Créateur à la charnière du bousculement des mondes entre XIXe et XXe siècles, partagé entre romantisme total et modernisme radical, mystique absolu et prophète d’un nouveau monde, Scriabine a fait de l’art une sorte de religion et d’initiation magique appelées à transformer la vie.
Cent ans après sa mort, il est plus que jamais notre contemporain. »
Relevons, pour l’anecdote, que de 1908 à 1909, Alexandre Scriabine habita au 45, rue de la Réforme à Bruxelles, après une grande succession de concerts donnés à Paris avec Diaghilev et ses Ballets russes.
À l’instar de tous les volumes de la collection « Classica », cette biographie à rebondissements est en outre enrichie d’un double index, de repères bibliographiques et d’une discographie.
PÉTRONE
Alexandre Scriabine par Jean-Yves Clément, Arles, Actes Sud, collection « Classica », janvier 2015, 194 pp. en noir et blanc au format 10 x 19 cm sous couverture brochée en quadrichromie, 18,50 € (prix France)
[2] Source : Wikipédia.