Pour rédiger son Dictionnaire de l’origine des noms et surnoms des pays africains paru aux Éditions Favre à Lausanne qui retrace et l’étymologie et l’évolution des noms des pays africains au cours de l’histoire, le jeune chercheur Camerounais Arol Ketchiemen – il est né en 1990 – s’est livré à un travail des plus complexes, en raison de la rareté des sources fiables, de l’absence de documents anciens ou encore de la nécessité de maîtriser les différentes langues locales.
Et parce que les noms ont souvent été corrompus lors du passage de l’oral à l’écrit, il lui a fallu effectuer un retour aux sources. Pour ce faire, il a notamment consulté les carnets de bord et les récits de voyage des premiers explorateurs ayant visité l’Afrique, afin de retrouver les formes originelles sous lesquelles sont apparus certains toponymes et les premières significations qui leur ont été attribuées.
« Le nom d’un pays est comme son ADN historique, il renferme un ensemble d’informations relatif à son évolution dans l’espace et dans le temps », assure l’auteur.
De fait, on découvre avec lui qu’il y a de tout dans les étymologies des noms et surnoms de pays : mythes et mythologies, petites histoires et anecdotes, récits des unions avortées entre pays et velléités séparatistes, idéologies nationalistes, typologie des habitants qui y vivent ou y ont vécu, topographie, etc.
On y trouve donc des toponymes issus de langues locales, mais d’autres ont une origine latine, grecque, romaine, berbère ou punique.
Un passionnant voyage de l’Afrique du Sud au Zimbabwe en passant par l’Algérie, l’Angola, le Bénin, le Botswana, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Cap-Vert, la Centrafrique, les Comores, le Congo, la Côte d’Ivoire, Djibouti, l’Égypte, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Gabon, la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Kenya, le Lesotho, le Liberia, la Libye, Madagascar, le Malawi, le Mali, le Maroc, l’Île Maurice, la Mauritanie, le Mozambique, la Namibie, le Niger, le Nigeria, l’Ouganda, le Rwanda, São Tomé et Príncipe, le Sénégal, les Seychelles, la Sierra Leone, la Somalie, le Soudan, le Swaziland, la Tanzanie, le Tchad, le Togo, la Tunisie et la Zambie !
PÉTRONE
Dictionnaire de l’origine des noms et surnoms des pays africains par Arol Ketchiemen, Lausanne, Éditions Favre, septembre 2014, 315 pp. en noir et blanc au format 13,2 x 23,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 19,50 € (prix France)
Pour vous, nous avons recopié dans cet ouvrage remarquablement savant ces quelques lignes relatives à un pays cher à notre cœur :
Congo
L’ancien royaume du Kongo a donné son nom à deux pays d’Afrique : la République du Congo et la République démocratique du Congo. Pour distinguer ces deux pays, le nom de leur capitale est souvent mis en exergue dans leur appellation. C’est ainsi que, dans l’usage courant, on évite la confusion en les appelant « Congo-Brazzaville » et « Congo-Kinshasa ».
Le Congo a été nommé d’après le royaume du Kongo, qui a par ailleurs donné son nom au peuple bakongo.
L’étymologie de « Kongo » demeure incertaine et donne lieu à plusieurs interprétations.
Une première hypothèse rattache le mot « Kongo » à l’expression ko-ngo qui signifie « allié de la panthère ». Chez les Bantous d’Afrique centrale, un rapport associait cet animal à toute chefferie. Un mythe raconte que le roi du Kongo s’identifiait au léopard ou à la panthère[1]. Lorsque les populations étaient confrontées aux dangers à l’intérieur du royaume, elles venaient trouver refuge auprès du roi en disant : « Nous allons chez le léopard », en langue koongo « Tuele ku Ngo ». C’est la forme brève de cette phrase raccourcie en « Ku Ngo » qui aurait donné Kungo ou Kongo.
Une autre hypothèse voudrait que ce nom eût été celui d’un chasseur émérite du royaume, Nkongo. Par extension, une interprétation voisine rattache ce nom au terme réservé à une arme de jet, le kongo ou kong.
Selon une autre hypothèse, Kongo dériverait du verbe kónga – kúnga, « réunir, joindre », employé dans l’expression Kongo dia Ntotila signifiant « union indivisible des États régis par un souverain élu démocratiquement »[2].
Une autre hypothèse qui nous semble fantaisiste et infondée suggère que le Congo a emprunté son nom au mot bantou kongo signifiant « la montagne »[3]. En effet, on a beau chercher, on ne trouve pas une langue bantoue de l’Afrique centrale en laquelle kongo signifie « montagne », de plus il n’y a que quelques petits monts dans cette zone et aucune montagne d’après laquelle ce pays pourrait avoir été nommé.
Les différentes hypothèses formulées ont pour point commun la référence au pouvoir, soit par l’allusion faite aux organes de celui-ci (chefferie, royaume…) soit par les symboles du pouvoir (panthère, souverain…) soit par des termes figurant dans les traditions ou les mythes évoquant le héros fondateur du royaume.
L’existence du royaume du Kongo situé en aval d’un immense fleuve poussa les Portugais à donner au fleuve le nom du royaume. Dans les documents les plus anciens, le cours d’eau était appelé Rio de padrao, ce qui signifie « fleuve du pilier ». Il avait reçu ce nom car le navigateur portugais Diogo Cao, qui aborda l’embouchure du fleuve en 1482, dressa sur la rive un pilier de pierres pour marquer sa découverte (en effet, le roi du Portugal prescrivait à ses officiers d’ériger une colonne en pierre gravée d’inscriptions convenables et surmontée d’un crucifix en plomb pour marquer leur souveraineté entière sur les terres qu’ils découvriraient). Puis le nom « Congo » s’étendit progressivement au fleuve entier. Henry Morton Stanley, qui en explora le cours en 1874-1877, l’appelait toujours Livingstone River.
Les populations habitant ce royaume désignaient le fleuve sous le nom Nzadi ou Nzai. C’est cette appellation qui, par emprunt, est devenue en portugais Zaïre.
[2] Ibid.
[3] ASKHARI Hodari. The African Book of Names: 5,000+ Common and Uncommon Names from the African Continent. HCI, 2009.