Histoire de la chair à canon…

Notre ami Pierre Stéphany a fait paraître chez Ixelles Éditions à Bruxelles un passionnant essai historique intitulé C’étaient les poilus ! et nous ne résistons pas au plaisir d’en reproduire le prière d’insérer auquel nous souscrivons pleinement :

« Soixante millions d’hommes dans le monde se sont trouvés mêlés à la Première Guerre mondiale. Parmi eux, plus de quatre millions de Français eurent à connaître, à un moment ou à un autre, les misères et les risques des premières lignes : on les appela les poilus.

La guerre des généraux et des ministres, la guerre des batailles décrites par des spécialistes de l’histoire militaire, déplaçant divisions et régiments sur la carte comme s’ils jouaient aux échecs ont été souvent montrées.

La guerre des sans-grade, des pousse-cailloux, on la connaît moins. Ils avaient une vingtaine d’années, étaient boulangers, ferronniers ou paysans. Du jour au lendemain ils devinrent artilleurs ou fantassins. L’un d’eux raconta : « Le gaz, la boue, les poux, la faim, les ravitaillements qui n’arrivaient pas, le masque qu’il fallait nettoyer toutes les deux heures parce qu’il nous faisait baver. On vivait dans la saleté. On était malheureux. On était comme des bêtes ».

Pierre Stéphany, dont on connaît la manière de raconter l’histoire comme une histoire en ajoutant aux faits un supplément de vie et d’émotion, s’intéresse cette fois aux poilus. Si le mot existait dans le vocabulaire militaire bien avant la Première Guerre mondiale, il réapparut soudain en 1914 pour connaître une fortune qui dure encore, parce que le mot parle d’hommes qui n’allaient pas souvent chez le coiffeur et ne se rasaient pas tous les jours, mais aussi parce qu’il porte un accent de virilité et de fraternité qui nous rend proches à jamais de ces soldats inconnus.

Le fond historique de ce livre, ce sont les grands événements d’août 1914 à novembre 1918, particulièrement en France et en Belgique. Ils sont ici rapportés et expliqués brièvement, mais suffisamment. On y trouve les portraits de quelques hauts personnages : Joffre, Pétain, Albert Ier… – de Gaulle s’y trouvait déjà : il estimait que les tranchées étaient mal construites et il fut blessé à Verdun.

Mais la force du récit, ce sont les poilus au front. Les poilus au repos, dans les combats, tassés dans les trous – un réseau de tranchées et de boyaux qui faisait des milliers de kilomètres, sur les 800 kilomètres séparant la mer de la Suisse, guettant l’ennemi, jetés dans des attaques meurtrières toujours inutiles : la France à elle seule eut plus de 1 397 000 tués.

Pierre Stéphany est de ces témoins, de moins en moins nombreux, à qui leurs parents ont raconté leur propre Grande Guerre ; ceux que l’institutrice ou l’instituteur conduisaient le 11 novembre au pied du monument aux morts, qui ont connu dans leur village ou leur quartier des survivants – celui qui avait été gazé à Ypres, celui à qui il manquait un bras, celui dont une balle avait troué le casque et qui était resté aveugle.

Cela donne un accent de vérité et un degré d’émotion plus attachants encore à cette histoire simple et quotidienne d’hommes ordinaires mêlés à des péripéties d’une violence extraordinaire. »

On ne saurait mieux dire !

PÉTRONE

C’étaient les poilus par Pierre Stéphany, Bruxelles, Ixelles Éditions, avril 2014, 349 pp. en noir et blanc au format 15 x 23 cm sous couverture brochée en couleurs, 22,90 €

Date de publication
mercredi 18 juin 2014
Entrez un mot clef :