Né à Arpinum, à 100 km au sud-est de Rome, Quintus Tullius Cicero (103/2-43 av. J.-C.) est le frère cadet de Marcus, le fameux avocat Cicéron. Ayant reçu à l’instar de aîné une solide formation intellectuelle en droit, rhétorique et philosophie, il gravit le cursus honorum (questure, édilité) et devient légat de Pompée en Sardaigne (57) puis de César en Gaule (54).
En 64, il avait rédigé une Lettre à mon frère pour réussir en politique (parue dans sa traduction française aux Éditions Les Belles Lettres à Paris), un petit manuel de campagne électorale (Commentariolum petitionis) dans lequel il expose 58 astuces pour être élu à Marcus qui prépare alors sa candidature au consulat (Cicéron sera d’ailleurs brillamment élu l’année suivante à la magistrature suprême).
Les conseils qu’il y dispense demeurent d’une actualité brûlante et l’on ne peut qu’être grandement admiratif à leur lecture tant l’auteur a fait preuve de clairvoyance, d’intelligence, de subtilité – et de pérennité.
Qu’on en juge par ces mots : « … il faut parler de cette autre part de l’activité d’un candidat qui consiste à s’assurer la faveur du peuple. Cela exige que l’on connaisse les électeurs par leur nom, qu’on sache les flatter, qu’on soit assidu, qu’on soit généreux, qu’on excite l’opinion, qu’on éveille des espérances politiques. D’abord, le soin que tu prends de bien connaître les citoyens, fais-le paraître à tous les yeux, et perfectionne cette connaissance chaque jour. Je crois qu’il n’y a rien qui rende plus populaire et dont on vous sache plus gré. Ensuite, dis-toi bien que ce qui n’est pas dans ta nature, tu dois savoir feindre assez pour avoir l’air de le faire naturellement. Par exemple, l’aménité, celle qui convient à un homme bon et aimable, ne te fait pas défaut, mais cela ne suffit pas, la flatterie s’impose : elle a beau être mauvaise et avilissante dans la vie ordinaire, elle n’en est pas moins, quand on est candidat, une nécessité. Elle est coupable, en effet, quand elle corrompt l’homme à qui elle s’adresse ; quand elle le rend plus bienveillant, elle est moins à blâmer, et elle constitue vraiment une nécessité pour le candidat dont l’air, la physionomie, le langage doivent être changeants et s’adapter aux façons de penser et de sentir de tous ceux qu’il aborde ».
Cela ne vous fait penser à personne ?
À la mort de César, le triumvirat (Lépide, Marc-Antoine et Octavien) décide la proscription des deux frères et Quintus est assassiné sur la route qui le mène de Tusculum à Arpinum, à la fin novembre ou au début décembre 43.
Ce qui n’arrive plus guère, convenons-en, à nos élus.
Vous avez dit : « Dommage…» ?
PÉTRONE
Lettre à mon frère pour réussir en politique par Quintus Cicéron, traduction de L. A. Constans, Paris, Éditions Les Belles Lettres, janvier 2012, 101 pp. en noir et blanc au format 8 x 11 cm sous couverture brochée en quadrichromie, 2,80 € (prix France)