Se penchant, dans un récit grinçant intitulé Congo paru chez Actes Sud à Arles, sur la conférence de Berlin qui accorda en novembre 1884 à Léopold II la souveraineté sur le territoire de l’État indépendant du Congo et abordant certaines de ses conséquences (l’application aux Indigènes d’un régime de travail forcé pour la récolte du caoutchouc débouchant sur le système infâme des mains coupées instauré par le lieutenant Léon Fiévez et dénoncé à partir de 1900 au Royaume-Uni et aux États-Unis – deux États protestants furieux du quasi monopole des missionnaires catholiques au Congo, ce que l’auteur ne dit pas – mais aussi les critiques émises sur le tard par le lieutenant Charles Lemaire), l’écrivain français Éric Vuillard, né à Lyon en 1968, fait à la fois preuve d’un beau talent stylistique (la satire est bien tournée, le parti-pris volontairement simpliste, les portraits-charges très réussis et les philippiques assassines à souhait) et d’une ignorance ingénue des détails qui prête à sourire selon lui, l’EIC était 8 fois plus grand que le Belgique (au lieu de 80…), Lemaire était originaire de Cuesme (au lieu de Cuesmes), la route Moanda-Boma passe par la ville (et non le village de quelques maisons) de Banane (qui n’est pas entre Moanda et Boma) et ainsi de suite…
Il est vrai que le Canard enchaîné, que l’on a connu mieux inspiré, écrit quant à lui dans sa recension de l’ouvrage en date du 14 août 2012 qu’« il ne faut pas oublier que le Congo était la propriété privée du roi des Belges, Léopold Ier »…
On regrettera enfin le sous-titre de «Récit » accolé par l’auteur à son texte, dans la mesure où il se livre (avec brio, répétons-le), de manière purement conjecturale, à l’exposé des états d’âme supposés des protagonistes.
Les mots «Fable » ou «Fiction » auraient mieux fait l’affaire…
PÉTRONE
Congo par Éric Vuillard, Arles, Éditions Actes Sud, collection « Un endroit où aller » créée par Françoise et Hubert Nyssen, mars 2012, 99 pp. en noir et blanc au format 10 x 19 cm sous couverture brochée en couleur, 15 €