„Ein Volk, ein Reich, zwei Führer!“

Couverture.

Les aventures en bandes dessinées muettes de Dickie, Le fils d’Hitler (par Pieter De Poortere aux Éditions Glénat) laissent le lecteur pantois ! Ainsi donc, il est possible de faire sourire et même rire en prenant pour « héros » un personnage comme Hitler, en lui inventant une progéniture secrète conçue en Flandre, sans jamais verser dans la banalisation de l’ignominie totalitaire ni dans la connivence du clin d’œil… L’auteur, un jeune (il est né en 1976) dessinateur flamand de très grand talent, conjugue à un graphisme faussement naïf cet humour décapant et décalé qui sied si bien au surréalisme belge pour camper l’essentiel en quelques planches : la guerre de 14-18, le monorchisme d’Hitler, la nature intrinsèquement vulgaire du nazisme, la monstruosité de l’antisémitisme, les combats de 1944-45, la Shoah, la Résistance, la débâcle du régime hitlérien et la fuite de ses chefs en Amérique latine… On croise Goebbels, Goering, le docteur Mengele, Eva Braun, mais aussi Churchill, Staline, un pilote américain ou Claus Schenk von Stauffenberg, l’artisan de l’attentat du 20 juillet 1944 contre le Führer. On décode des fresques (la guerre des tranchées, le Berghof –la résidence d’Hitler en Bavière– la côte normande avant le débarquement, l’entrée et les abords d’Auschwitz, la chute de Berlin ou encore le palais présidentiel de Juan Peron à Buenos-Aires) composées sur le thème des célèbres « Où est Charlie ? »… Et on se gondole des inventions de l’auteur : la façon dont le caporal apprenti artiste peintre a perdu son testicule, la manière dont il engrosse une infirmière militaire, les tentatives pour exaucer les velléités de maternité d’Eva Braun (y compris en recourant au Viagra, dont les effets surprennent : ils ne font lever que le bras droit d’Adolf…), la vie du fils inconnu du tyran, les méprises qui font déporter comme juif et classer comme homosexuel ce gros garçon pataud, pas « Übermensch » pour un Reichsmark… La mégalomanie fasciste est décrite dans tous les coins : haies taillées en svastikas, monuments funéraires itou, et même le jeu de l’oie personnel du dictateur. Une réussite totale, puisqu’on retrouve l’âme de Charlie Chaplin dans cet album, et aussi celles de Roberto Benigni (le cinéaste de La vita è bella) et de Dani Lévy (le réalisateur du très déjanté Mein Führer), mais mâtinées de l’esprit flandrien des compères Nix et Johan De Moor, ces grands maîtres de l’absurde hilarant !

PÉTRONE

Le fils d’Hitler par Pieter De Poortere, Grenoble, Éditions Glénat, collection « 1000feuilles », juin 2010, 59 pp. en quadrichromie au format 24 x 32 cm sous couverture cartonnée en couleurs, 15 € (prix France)

Une planche de la bande dessinée.

Date de publication
mercredi 15 septembre 2010
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