Premier ministre du Royaume-Uni de 1940 à 1945, vainqueur d’Hitler et du nazisme, sir Winston Churchill (1874-1965) a marqué la première moitié du XXe siècle d’une empreinte indélébile, celle d’un homme politique coriace et obstiné, mais aussi celle d’un brillant historien, d’un excellent écrivain (il décrocha le prix Nobel de littérature en 1953), d’un orateur hors pair (son discours durant lequel il promit à ses concitoyens « du sang, de la sueur et des larmes » est, parmi bien d’autres, demeuré fameux), d’un artiste de talent (ses aquarelles sont remarquables) et d’un humoriste à tout crin.
À ceux qui en douteraient, nous ne saurions trop recommander la lecture de Le Monde selon Churchill paru aux Éditions Tallandier à Paris, un ouvrage savoureux dans lequel François Kersaudy a rassemblé les considérations du fameux fumeur de havanes sur le destin, la politique, la guerre, de Gaulle, la France, le communisme, Hitler, les États-Unis, mais aussi sur l’humour, l’alcool, les femmes, l’histoire et la mort, en les resituant dans leur contexte et en montrant bien des fois leur extraordinaire dimension prophétique.
Un concentré d’intelligence d’une actualité intacte !
PÉTRONE
Le Monde selon Churchill par François Kersaudy, Paris, Éditions Tallandier, octobre 2011, 300 pp. en noir et blanc au format 14,5 x 21,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 19,50 € (prix France)
Pour vous, nous avons recopié dans ce livre fort spirituel les quelques lignes suivantes :
À un député travailliste qui l’apostrophe rudement à la Chambre des communes :
« L’honorable député voudrait-il beugler cela une nouvelle fois ? »
À un député qui l’interrompt constamment aux cris de « Menteur ! » :
« Si l’honorable député qui m’interrompt consentait à donner son nom plutôt que sa profession, je suis sûr que nous serions tous heureux de faire sa connaissance… »
Discours radiodiffusé, 10 mai 1942 :
« Je pense qu’en définitive, on s’apercevra que les dictateurs, en dépit de tous leurs préparatifs et de tous leurs complots savamment ourdis, ont commis de plus grandes erreurs que les démocraties qu’ils ont assaillies. Hitler lui-même fait parfois des erreurs; en juin dernier, sans la moindre provocation et en violation d’un pacte de non-agression, il a envahi les terres du peuple russe. [ … ] Puis il a fait sa seconde grande erreur : il a oublié l’hiver. Il y a un hiver en Russie, vous savez. Pendant bien des mois, la température peut chuter considérablement. Il y a du gel, il y a de la neige et tout le reste. Eh bien, Hitler a oublié cet hiver russe ; il a dû recevoir une éducation très imparfaite. Nous, nous en avions tous entendu parler à l’école… »
Le 12 décembre 1943, au député Harold Nicolson, qui lui dit que de Gaulle est un grand homme :
« Quoi ? De Gaulle, un grand homme ? Il est arrogant, il est égoïste, il se prend pour le centre de l’univers, il est… Vous avez raison : c’est un grand homme ! »
Les forces alliées du général Slim, progressant en Birmanie, ont repris successivement aux Japonais les localités de Myitkyina, Thabeykkyn, Namkhan, Myitson et Meiktila. Le 17 mars 1945, elles s’emparent de Mandalay – une grande victoire que Churchill annonce aux Communes en ces termes :
« Dieu soit loué ! Nous avons enfin pris une ville dont le nom peut se prononcer ! »
1er mai 1945. L’Allemagne est pratiquement à genoux et Hitler vient de se suicider. Churchill aux Communes :
« Je n’ai pas de déclaration particulière à faire sur la situation militaire en Europe, sinon qu’elle est nettement plus satisfaisante qu’il y a cinq ans à la même époque. »
Été 1959 ; l’illustre retraité Churchill, en villégiature sur la Côte d’Azur, est invité par un ami qui possède une villa à Monte-Carlo. Celui-ci invite en même temps une vieille connaissance du couple Churchill, Daisy Fellowes, héritière des machines à coudre Singer et redoutable commère devant l’Éternel. Peu après le début du déjeuner, Churchill s’assoupit et Daisy Fellowes dit à son hôte :
« Quelle pitié qu’un si grand homme achève son existence en compagnie d’Onassis et de Wendy Reves [1]… »
Churchill, ouvrant un œil : «Daisy, Wendy Reves a trois choses que vous n’aurez jamais: la jeunesse, la beauté et la bonté !»
(Et il se rendort…)