Paul Magnette incarne la volonté de changement au Parti Socialiste, décidée par Elio Di Rupo : opérations mani pulite à Charleroi et à Huy, mise au placard de Papa. En effet, le docteur (House pour les intimes) en politologie peut non seulement s’acquitter d’un débat en néerlandais sans rougir[1], mais en outre il n’est pas associé aux nombreuses affaires du PS et il jouit d’une popularité sans pareille en Wallonie où il a obtenu plus de 264 000 voix de préférence en 2010.
C’est fort de cette aura qu’il publie en français[2] aux éditions Luc Pire, sous le titre Grandeur et misère de l’idée nationale, ses entretiens sur le sujet avec l’ancien chroniqueur du Vif/l’Express Jean Sloover.
En quatre chapitres, le ministre de l’Énergie et du Climat y expose les théories de ses maîtres à penser (Hobsbawm, Gramsci, Bibó…[3]) quant à la question nationale. Par un jeu de questions et de réponses, l’histoire de l’idée nationale est retracée d’abord de manière globale, puis en Belgique, en Flandre et en Wallonie. Le dernier chapitre, intitulé « Le nouveau nationalisme est-il soluble dans la démocratie ? », expose la vision de Paul Magnette quant au blocage actuel des négociations gouvernementales et ses pistes intellectuelles, jamais concrètes, pour parvenir à un accord. L’une d’elles serait la mise en marche d’une « wallonisation » dont il semblait déjà vouloir se faire le porte-drapeau lors d’un débat à la maison flamando-néerlandaise deBuren (« les Voisins »)[4].
Bien que très intéressants, les quatre chapitres de ce livre ne constituent pas le cœur de l’ouvrage. En effet, malgré de nombreuses réflexions attrayantes sur le mouvement wallon, les erreurs passées des dirigeants francophones, les approximations historiques débitées en Flandre et entendues comme des vérités… les principaux attraits de cet essai résident dans la préface de Johan Vande Lanotte et dans l’introduction de l’auteur.
Dans sa préface, Vande Lanotte exprime le malaise des socialistes flamands, mais aussi des Flamands tout court face aux facilités linguistiques et au chômage structurel, voire culturel, de la Wallonie alors que la Flandre manque de bras[5]. Malgré lui, Johan Vande Lanotte y manifeste aussi l’aveuglement dont fait preuve la Flandre face à son amour propre : « […] nous aimons Clouseau, rions avec Eddy Wally, regardons l’émission Man bijt hond, nous avons le sens de l’autodérision, nous ne sommes guère chauvins ». S’ils ne sont guère chauvins, les Flamands adorent toutefois se regarder l’ombilic.
Dans son introduction, Paul Magnette dénonce la N-VA et les mythes qu’elle véhicule sur les Wallons et sur la Flandre. Il exprime aussi ce qu’il estime être le nœud du problème communautaire : « Il n’y aura pas d’apaisement tant que les uns craindront la « tache d’huile » francophone menaçant l’intégrité territoriale de la Flandre, et les autres la flamandisation rampante de Bruxelles. […] Tant que l’État fédéral sera perçu au sud et au centre du pays comme le dernier rempart contre l’égoïsme flamand, et au nord comme l’instrument des francophones entravant l’autonomie flamande, on ne pourra construire un cadre fédéral impartial ».
Mais, comme le disait Albert Einstein, « il est plus difficile de désagréger un préjugé qu’un atome ».
ELIOGABALE
Grandeur et misère de l’idée nationale par Paul Magnette & Jean Sloover, Liège, Éditions Luc Pire, avril 2011, 116 pp. en noir et blanc au format 13 x 20 cm sous couverture brochée en quadrichromie, 18 €
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