« Est littéraire une œuvre qui possède une aptitude à la trahison. » (Robert Escarpit)

Docteur en droit public, spécialisé dans l’histoire politique française à laquelle il a consacré de nombreux essais et récits de vie[1], Éric Roussel (°1951) est un journaliste, politologue et historien français. Il a été critique littéraire au quotidien Le Monde de 1979 à 1984. Depuis cette date, il collabore au Figaro littéraire.

Depuis 1996, il est membre titulaire de l’Académie des sciences morales, des lettres et des arts de Versailles et d’Île-de-France et, depuis 2018, de l’Académie des sciences morales et politiques, l’une des cinq académies de l’Institut de France.

Chez Perrin, il publie Jusqu’au bout de la nuit – Les vies de Jacques Benoist-Méchin 1901-1983, une biographie d’envergure dans laquelle il décortique les engagements successifs d’un homme qu’il présente à juste titre comme « l’un des personnages les plus sulfureux et talentueux du XXsiècle ».

Jacques Benoist-Méchin était un intellectuel parfait trilingue (français, anglais, allemand), journaliste, historien, musicologue et homme politique français d’extrême droite.

Il a adhéré dès 1936 au Parti populaire français[2] fondé cette année-là par Jacques Doriot (1898-1945) après que ce dernier eut été exclu du Parti communiste dont il était une figure centrale.

Fourvoyé, à l’instar de l’écrivain Robert Brasillach (1909-1945), dans le nazisme à partir des Jeux olympiques de Berlin de 1936, Jacques Benoist-Méchin a publié en 1939 un livre d’extraits commentés, Éclaircissements sur Mein Kampf, dans lequel il soutient qu’Hitler est « un visionnaire qui a décidé de réaliser son rêve avec le réalisme d’un homme d’État », où il élude les passages les plus violemment hostiles à la France, en travestit d’autres et souligne qu’Hitler s’opposerait moins à la France en elle-même qu’à la domination juive sur celle-ci »[3].

Il fut nommé secrétaire général adjoint à la vice-présidence du Conseil le 25 février 1941 puis secrétaire d’État à la vice-présidence du Conseil chargé des rapports franco-allemands le 9 juin suivant, En juillet, il joua un rôle déterminant dans la mise au point des accords franco-nippons (Accords Darlan-Kato) sur l’Indochine.

Décoré de l’ordre de la Francisque, la marque spéciale d’estime à Philippe Pétain (1856-1951), il a fait partie d’un groupe influent de technocrates ultra de la collaboration participant au gouvernement de Vichy et qui voulaient associer la France avec le pouvoir nazi à la direction d’une « Nouvelle Europe ».

Arrêté à la Libération et incarcéré à Fresnes en septembre 1944, Jacques Benoist-Méchin fut condamné à mort le 6 juin 1947 par la Haute Cour de justice, puis gracié trois mois plus tard par le président de la République Vincent Auriol (1884-1966) qui commua sa peine en détention perpétuelle, et il fut remis en liberté le 9 décembre 1953, avant de rebondir comme conseiller successif du président égyptien  Gamal Abdel Nasser (1818-1970), du roi du Maroc Hassan II (1929-1999) et du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi (1942-2011), ce qui en a fait l’un des principaux architectes de la « politique arabe de la France ».

Jacques Benoist-Méchin est par ailleurs connu pour ses travaux d’historien, spécialiste d’abord de l’Allemagne, puis du monde arabe.

Il a en effet publié de nombreux ouvrages à succès, parmi lesquels on citera une Histoire de l’armée allemande en trois tomes (1936-1939, rééd. 1984) et les séries à succès Soixante jours qui ébranlèrent l’Occident[4] (1956), Le Loup et le Léopard[5] (1954-1960) et, entre 1961 et 1980, une série de sept grandes biographies intitulée Le Rêve le plus long de l’histoire[6], complétée par un Fayçal, roi d’Arabie (1975).

Ses dons d’écriture lui valurent même, comme l’écrit son biographe, d’être « invité en majesté, à la fin de sa vie, sur le plateau d’Apostrophes », la fameuse émission culturelle française de référence animée à la télévision entre 1975 et 1990 par le journaliste, écrivain et critique littéraire Bernard Pivot (1935-2024).

Un avis d’expert, car Éric Roussel a bien connu Jacques Benoist-Méchin, dont il a publié l’édition critique d’À l’épreuve du temps (mémoires posthumes, 1989-1993) ainsi que de l’Histoire de l’armée allemande (1984), et dont il raconte la vie étonnante dans ce page-turner passionnant, basé entre autres sur de nombreux documents inédits, dont certains relatifs à sa vie privée.

PÉTRONE

Jusqu’au bout de la nuit – Les vies de Jacques Benoist-Méchin 1901-1983 par Éric Roussel de l’Institut de France, Paris, Éditions Perrin, mars 2025, 407 pp. en noir et blanc au format 15,5 x 24 cm sous couverture brochée en couleurs, 24,90 € (prix France)

TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos

1. L’extravagance dans les gènes

2. En marche vers le pacifisme

3. Adrienne

4. Envoûtements : Proust et l’Allemagne vaincue

5. Romain Rolland, l’enchanteur

6. Citizen Kane

7. Louise

8. Le soleil se lève à l’est

9. Fascination

10. De l’Histoire à la propagande

11. Le piège

12. L’engrenage

13. Face à Hitler

14. Vers un renversement des alliances

15. Désillusions orientales

16. Avec le vainqueur

17. Perseverare diabolicum

18. L’ultra de la Collaboration

19. Chassé par Laval

20. Une course sans retour

21. Face à ses juges

22. La prison heureuse

23. Résurrection

24. Diplomatie parallèle

25. Un monde arabe fragmenté

26. La mort de près

27. Un Parsifal musulman

28. Le soleil de minuit

Notes

Sources inédites et orientation bibliographique

Index

Remerciements


[1] Publications : Le Cas Le Pen – Les nouvelles droites en France (1985), Mitterrand ou la constance du funambule (1991, rééd. 1998), Jean Monnet (1995, grand prix de l’essai de l’Académie française, prix Guizot et prix européen de l’histoire), Georges Pompidou (1984, rééd. 1994, rééd. 2004), Pierre Mendès France (2007, grand prix de la biographie de l’Académie française, prix Jean-Zay 2007), Le naufrage – 16 juin 1940 (2009), Pierre Brossolette (2011, prix Maurice Baumont), François Mitterrand, de l’intime au politique (2015, prix Montaigne 2016), Nicolas Sarkozy, de près, de loin (2016), Valéry Giscard d’Estaing (2018), Charles de Gaulle (2020, prix Renaudot poche 2020), Le monde politique d’avant – Carnets d’un biographe (2022). Éditions et préfaces : préface à Jacques Benoist-Méchin, Histoire de l’armée allemande (1984), édition et présentation de Gaston Palewski, Mémoires d’action (1988), édition et présentation de Jacques Benoist-Méchin, À l’épreuve du temps (trois vol., 1989-1993), édition et présentation de Bertrand de Jouvenel, Itinéraire 1928-1976 (1993), préface de Maurice Barrès, Romans et voyages (1994), préface de Roland de Margerie, Journal, 1939-1940, (2010), préface de Raymond Tournoux, La Tragédie du général (2024).

[2] Le Parti populaire français (PPF), fondé en 1936 et dirigé par Jacques Doriot, était le principal parti politique français d’inspiration fasciste en 1936-1939 et l’un des deux principaux partis collaborationnistes en 1940-1944 avec le Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat (1894-1955). Fortement anti-communiste et opposé à Moscou, bien que Doriot soit lui-même un ancien membre du PCF, le PPF était également nationaliste et plus ou moins pacifiste avant la Seconde Guerre mondiale. Sous le régime de Vichy de nature traditionaliste, xénophobe et antisémite dirigé par le maréchal Philippe Pétain (1856-1951), le PPF versa dans le collaborationnisme radical, notamment avec Doriot fondant en juillet 1941 la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (LVF) qui partit se battre sur le front russe au sein de la Wehrmacht avant d’être versée au sein de la Division SS Charlemagne. À la fin de la guerre, Doriot et plusieurs membres fuirent en Allemagne, et le PPF s’est éteint en 1945.

[3] Voir Antoine Vitkine, Mein Kampf. Histoire d’un livre, Paris, Flammarion, 2009, chapitre VII. (Sources : Wikipédia.)

[4] La Bataille du Nord. 10 mai-4 juin 1940, La Bataille de France. 4 juin 1940-25 juin 1940, La Fin du régime. 26 juin 1940-10 juillet 1940.

[5] Mustapha Kemal, la mort d’un Empire (1954), Ibn Séoud, la naissance d’un royaume (1955), Le Roi Saud ou l’Orient à l’heure des relèves (1960).

[6] Lawrence d’Arabie. Le rêve fracassé (1961), Cléopâtre. Le rêve évanoui (1964), Bonaparte en Égypte. Le rêve inassouvi (1966), Lyautey l’Africain. Le rêve immolé (1966), L’empereur Julien. Le rêve calciné (1969), Alexandre le Grand. Le rêve dépassé (1976), Frédéric de Hohenstaufen. Le rêve excommunié (1980).

Date de publication
lundi 14 avril 2025
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