Jacques Maury de Saint Victor (°1963) est un historien du droit, un écrivain, un essayiste et un critique littéraire français.
Il a commencé sa carrière comme avocat et chargé de cours à la Sorbonne, puis il est devenu journaliste au Figaro Économie. En 1996, après son doctorat en histoire du droit, il a quitté le journalisme pour l’université, tout en restant chroniqueur au Figaro littéraire.
À partir de 2009, il enseigne à l’université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis, où il a codirigé le master de « Diversité culturelle ».
Depuis 2015, il est professeur d’histoire du droit et des idées politiques à l’université Sorbonne Paris Nord et membre du Laboratoire IDPS.
Il est également professeur invité à l’Università degli Studi Roma Tre.
Auteur de romans et de nombreux ouvrages[1] sur l’histoire des idées politiques, notamment la pensée libérale, la crise de la démocratie et le populisme, les systèmes de droit et la criminalité organisée, Jacques Maury de Saint Victor œuvre au sein du comité de rédaction de la revue Cités et corédacteur en chef de cette revue, ainsi que du comité de rédaction de la Revue des deux Mondes.
Il est membre de l’Association française des Historiens des Idées politiques et de l’Association des Historiens des Facultés de Droit.
Plusieurs de ses ouvrages ont été traduits en différentes langues, notamment en italien. Il est d’ailleurs un spécialiste des questions italiennes.
Parmi ceux-ci, relevons l’essai intitulé Mafias et pouvoir – XIXe-XXIe siècle paru[2] chez Gallimard en 2012, lauréat du Prix des Ambassadeurs et du Grand prix de l’essai de l’Académie française en 2013, qui ressort en poche au sein de la même maison dans la célèbre collection « Folio ».
L’auteur y rappelle que la mafia sicilienne, dont les origines remontent au Moyen Âge et dont les pratiques résultaient de discrètes alliances entre le crime et la grande propriété foncière, a émergé sur les décombres du régime féodal dans l’île en 1812, puis dans le royaume de Naples après la liquidation de son ancien système agraire (1805-1812) et ses prolongements (1847-1824), mais que c’est avec le Risorgimento[3], puis l’avènement de la démocratie et du capitalisme, qu’elle a pris son essor.
En Italie, elle s’est ainsi enracinée très tôt et elle a dû sa prospérité à des « pactes scélérats » passés avec une fraction de l’élite politique et sociale.
Jacques Maury de Saint Victor reconstitue avec soin l’histoire de ces sociétés secrètes et de leur expansion à travers le continent européen.
Il visite leur berceau et en retrouve les premiers acteurs, aristocrates véreux, fermiers parvenus, tueurs à la botte…
Il interroge les accointances de ces « sectes criminelles » avec la démocratie naissante et les suit dans leur conquête de l’Amérique. Il révèle aussi l’échec du fascisme à éradiquer cette camarilla de sicaires.
Il montre que la guerre froide a favorisé la mutation affairiste des réseaux mafieux et le développement de leurs méthodes pour parasiter l’économie libérale. Ce fut l’époque de l’explosion du trafic de drogue et des paradis fiscaux, où se côtoyaient boss criminels, hommes politiques, industriels et financiers.
Avec la chute du Mur de Berlin (le 9 novembre 1989), la réunification de l’Allemagne et l’effondrement de l’URSS, de nouvelles nébuleuses ont vu le jour en Europe, y compris en France (en Corse, à Marseille, dans les banlieues parisiennes, à Grenoble, à Lille, puis dans tout l’Hexagone), utilisant le « modèle » de la pieuvre.
Le phénomène mafieux n’est pas consubstantiel à la démocratie, écrit Jacques de Saint Victor, et pas davantage au capitalisme, mais il est le mieux à même de tirer profit des insuffisances de l’une et de l’autre[4].
Y compris aujourd’hui à Anvers et à Bruxelles, à Liège et à Namur…
PÉTRONE
Mafias et pouvoir – XIXe-XXIe siècle par Jacques de Saint Victor, édition revue et augmente complétée d’une postface inédite, Paris, Éditions du Gallimard, collection « Folio Histoire », janvier 2025 [2012], 557 pp. en noir et blanc au format 10,8 x 17,8 cm sous couverture brochée en couleurs, 11,90 € (prix France)
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos
PREMIÈRE PARTIE
LA NAISSANCE
DE LA PUISSANCE MAFIEUSE·
CHAPITRE I. L’Ancien Régime du crime organisé
Une étrange affaire
Latrocinium et cour des Miracles
« Des traits médiévaux et féodaux »
CHAPITRE II. La mafia avant la mafia
La fin du féodalisme ou l’appel d’air criminel
Le premier besoin de bandits
Le modèle camorriste napolitain
CHAPITRE III. Le Risorgimento et la naissance de la mafia
Un printemps des peuples ambigu
Une unification protégée par la Camorra et la mafia
L’enracinement d’une culture de l’illégalité
CHAPITRE IV. L’essor de la mafia sicilienne après l’unification italienne
La Conca d’Oro ou le « royaume de la mafia »
Mafia des mines et mafia des champs
L’échec des premiers maxi-procès
CHAPITRE V. Le triomphe de la démocratie et de la haute mafia
Haute mafia, haute Camorra et système clientéliste
Quand la haute mafia se met à tuer
Camorra administrative et corruption municipale
Naissance de la mafia calabraise
CHAPITRE VI. La mafia face aux fasci et au fascisme
Socialisme et immigration : naissance de la Cosa Nostra américaine
La Belle Époque de la mafia
À l’épreuve du suffrage universel
La haute mafia échappe à la répression fasciste
La mafia calabraise, autorité de gouvernement fasciste
DEUXIÈME PARTIE
LES OCCASIONS PERDUES DE L’ÉTAT-PROVIDENCE
CHAPITRE VII. Au nom de l’antifascisme et de l’anticommunisme…
Le retour des parrains siciliens
L’effacement de la Camorra
Les mafias et le début de la guerre froide
CHAPITRE VIII. Du clientélisme des notables au clientélisme de masse
La mafia face au clientélisme de masse
Quand la mafia entra au service de la DC : vote d’échange et vote familial
L’étrange sac de Palerme
Les logiques contrastées de l’État-providence : Naples et Marseille
CHAPITRE IX. De la French Connection à la Pizza Connection
Des cigarettes aux produits pharmaceutiques
Grandeur et décadence de la French Connection
L’essor des parrains siciliens de la drogue
CHAPITRE X. Les banquiers de Dieu et les premiers paradis du crime
De la banque nazie à la banque du Vatican
Sindona et Calvi : deux scorpions dans une bouteille
Les krachs des banquiers de Dieu
CHAPITRE XI. La mafia et le déclin de l’État-providence
« L’État n’est plus qu’une façade ! » : les comités d’affaires
Pouvoir mafieux et secret maçonnique : le modèle calabrais
La mafia et la stratégie de la tension
De l’affaire Moro à l’affaire Cirillo
CHAPITRE XII. La folle dérive des années cocaïne
L’essor des cartels de la drogue
De la seconde guerre de mafia au maxi-procès de Palerme
Cocaïne : de Cosa Nostra à la mafia calabraise
TROISIÈME PARTIE
LA MONDIALISATION HEUREUSE
OU LE TRIOMPHE DE L’ESPRIT PRÉDATEUR
CHAPITRE XIII. L’explosion de la mafia rouge
Une mafia soviétique ?
La mafia à l’ombre d’Eltsine
Privatisations, pillages et blanchiment
Pactes scélérats, toits rouges et hiérarques corrompus
CHAPITRE XIV. L’essor de la bourgeoisie mafieuse
Référents politiques classiques et modernes cavallucci
La société incivile : scandale des déchets et autres dérives
Comment l’alimentation et la santé sont devenues une faveur des boss
Entrepreneurs soumis et entrepreneurs complices
CHAPITRE XV. Pieuvre mondiale ou cancer local ?
Humus mafieux et zones mafiogènes
Logiques mafieuses à la française
La société du spectacle, cheval de Troie du virus mafieux
CHAPITRE XVI. Associations de prédateurs
Les réseaux de la finance clandestine
Capitalisme prédateur et logique mafieuse
Le dernier cercle de l’Enfer
POSTFACE. Mafias et pouvoir
APPENDICES
Remerciements
Notes
Index
[1] Mme du Barry ou le système de cour (2002), Couple interdit (2006), Les Racines de la liberté – Le Débat français oublié, 1689-1789 (2007), Critique des nouvelles servitudes (2007), Le Roman de l’Italie Insolite (2007), Mafias – L’industrie de la peur (2008), Les Aventuriers du Temple de Jérusalem, nouvelles in anthologie Complots Capitaux (2008), La Première Contre-révolution 1789-1791 (2010), Il faut sauver le petit bourgeois (2010), Le Roman de la Rome insolite (2010), Un pouvoir invisible. Les Mafias et la Société démocratique XIXe – XXIe siècle (2012, Grand Prix de l’essai de l’Académie française 2013 et Prix des Ambassadeurs 2013), Patti scelerati. Una storia politica delle mafie in Europa (2013), I Nuovi Orizzonti del crimine organizzato, colletti bianchi, affari criminali e maie (avec J.-F. Gayraud, 2013), Les Antipolitiques (2014), Blasphème – Brève histoire d’un « crime imaginaire » (2016, Prix du Sénat du livre d’histoire 2016), Via Appia – Voyage sur la plus ancienne route d’Italie (2016), Histoire de la République en France, des origines à la VeRépublique (avec Thomas Branthôme, 2018), Casa Bianca (roman, 2019), Sacrilège ! L’État, les religions et le sacré (2024).
[2] Sous le titre Un pouvoir invisible. Les Mafias et la Société démocratique (XIXe – XXIe siècle).
[3] Le Risorgimento (mot italien signifiant « résurgence » ou « renaissance ») est la période de l’histoire de l’Italie dans la seconde moitié du XIXe siècle au terme de laquelle les rois de la maison de Savoie ont unifié une grande partie de la péninsule italienne par l’annexion à leur royaume de Sardaigne du duché de Modène et Reggio, du royaume des Deux-Siciles, du grand-duché de Toscane, du duché de Parme, du royaume de Lombardie-Vénétie (en 1866) et enfin des États pontificaux (en 1870). Le Risorgimento avait débouché sur la proclamation du royaume d’Italie le 17 mars 1861. (D’après Wikipédia)
[4] Source : quatrième de couverture.