« Une guerre est juste si sa cause est juste et qu’elle poursuit le Bien commun. » (Thomas d’Aquin)

Les Éditions Perrin publient en version de poche l’ouvrage magistral de l’historien militaire britannique John Keegan (1934-2012)[1] consacré à La guerre de Sécession[2], dont il demeure le spécialiste le plus éminent.

Occultée par la vision littéraire antagoniste de La Case de l’oncle Tom, le roman de l’écrivaine américaine Harriet Beecher Stowe (1811-1896) paru en 1852, et d’Autant en emporte le vent, le roman de Margaret Mitchell (1900-1949) paru en 1936 et adapté au cinéma en 1939 par Victor Fleming (1889-1949) avec Vivien Leigh (1913-1967) et Clark Gable (1901-1960) dans les rôles principaux, la guerre de Sécession ou guerre civile américaine demeure largement méconnue du public.

Elle a été menée entre 1861 et 1865 et a opposé le gouvernement fédéral des États-Unis d’Amérique (« l’Union » ou « le Nord ») rassemblant principalement des États situés au Nord, dirigés par le président des États-Unis Abraham Lincoln (1809-1865, assassiné), et les États confédérés d’Amérique (« la Confédération » ou « le Sud »), dirigés par le président sudiste Jefferson Davis (1808-1889) et rassemblant onze États du Sud qui avaient fait sécession des États-Unis.

Cette guerre a résulté du débat sur l’abolition de l’esclavage, souhaitée par le Nord.

L’Union, qui comprenait tous les États abolitionnistes et cinq États « frontaliers » esclavagistes[3] était dirigée par le président Abraham Lincoln et le Parti républicain. Lincoln était profondément opposé à l’esclavage et souhaitait son abolition dans les territoires détenus par les États-Unis. Sa victoire à l’élection présidentielle de 1860 entraîna une première sécession de sept États du Sud[4] esclavagistes avant même que Lincoln ne prenne ses fonctions.

Les combats commencèrent le 12 avril 1861, lorsque les forces confédérées attaquèrent une installation militaire de l’Union à Fort Sumter, dans la baie de Charleston en Caroline du Sud, parce que les soldats nordistes avaient refusé de l’évacuer malgré les menaces des sudistes.

Les États-Unis lors de la guerre de Sécession.

En bleu, les États de l’Union ; en bleu clair, les États de l’Union où l’esclavage était autorisé. En rouge, les États confédérés. En blanc, les territoires qui n’étaient pas encore des États, essentiellement sous le contrôle de l’Union.

Lincoln répondit en mobilisant une armée de volontaires dans chaque État, ce qui conduisit à la sécession de quatre États esclavagistes sudistes supplémentaires[5]. Durant la première année de la guerre, l’Union s’assura du contrôle de la frontière des États sécessionnistes et établit un blocus naval alors que les deux camps renforçaient leurs armées et leurs ressources. En 1862, des batailles comme celles de Shiloh et d’Antietam causèrent des pertes sans précédent dans l’histoire militaire américaine.

Dans l’Est, Robert E. Lee, commandant de l’armée de Virginie du Nord, puis brièvement général en chef de l’Armée confédérée en 1865, remporta une série de victoires (Sept Jours, seconde bataille de Bull Run, Fredericksburg, Chancellorsville) sur l’Armée de l’Union.

Cependant, il échoua dans ses offensives au Maryland à la bataille d’Antietam en septembre 1862 et en Pennsylvanie à la bataille de Gettysburg au début de juillet 1863, redonnant l’initiative stratégique à l’Union.

À l’Ouest, la prise de Vicksburg et celle de Port Hudson par le futur président des États-Unis Ulysses Grant (1822-1885) achevèrent la prise de contrôle du Mississippi par les troupes de l’Union, séparant la Confédération en deux. Grant, devenu commandant en chef de l’armée de l’Union, mena de sanglantes batailles d’usure contre Lee en Virginie en 1864 (campagne terrestre, siège de Petersburg), l’obligeant à défendre Richmond, la capitale des Confédérés.

Le général de l’Union William Sherman (1820-1891) prit Atlanta en Géorgie et commença à marcher vers la mer, dévastant une large bande de l’État. La résistance des Confédérés s’effondra après la reddition du général Lee au général Grant à Appomattox le 9 avril 1865. Cette reddition, marquant profondément le Sud, causa finalement, jusqu’à la fin de l’année 1865, les dernières redditions de la guerre, comme celle de Bennett Place, le 26 avril.

Outre un nombre indéterminé de victimes civiles, cette guerre aurait provoqué la mort de 618 222 soldats, dont 360 222 nordistes et 258 000 sudistes, ce qui en fait la guerre la plus meurtrière que les États-Unis aient connue à ce jour. Ce bilan fut relevé en 2011 à 750 000 morts environ et jusqu’à 850 000 morts. La très grande majorité des soldats étaient natifs des États-Unis. Concernant la participation non américaine, on a avancé le nombre de 60 000 étrangers.

Avec la guerre de Crimée (1853-1856) qui la précède, elle est considérée par les historiens comme la charnière technique entre les guerres napoléoniennes et les guerres modernes qui suivirent. Étant la première guerre industrielle (en raison des nombreuses innovations techniques qu’elle a entrainées), idéologique et totale, il s’agit de la première guerre moderne. Elle affirma la prépondérance du modèle économique du Nord, l’industrie employant des ouvriers, sur celui du Sud, l’agriculture employant des esclaves. Elle mit fin à l’esclavage aux États-Unis, restaura l’Union et renforça le rôle du gouvernement fédéral. Les conséquences économiques, politiques et sociales de cette guerre continuent d’influer sur la pensée américaine contemporaine[6].

Le récit et l’analyse magistrale de John Keegan montrent comment la guerre de Sécession marqua le passage de l’ère napoléonienne du combat, centré sur la bataille, à la « guerre totale », caractérisée par ses pertes massives, la mobilisation des civils et l’innovation constante – ici, l’invention des cuirassés et des sous-marins, l’utilisation stratégique des chemins de fer ou le recours à la tranchée comme moyen de fixation de l’adversaire.

L’historien britannique retrace les grandes batailles (Bull Run, Gettysburg…) et ressuscite le duel des généraux (Lee contre Grant) tout en accordant une large part aux enjeux stratégiques, à l’analyse psychologique et à des aspects trop souvent négligés comme l’approvisionnement, la géographie militaire ou le rôle des Noirs dans le conflit.

PÉTRONE

La guerre de Sécession par John Keegan, ouvrage traduit de l’anglais par Jean-François Sené, Paris, Éditions Perrin, collection « Tempus », mars 2025 [2011, 2020], 570 pp. en noir et blanc au format 11 x 17,9 cm sous couverture brochée en couleurs, 11 € (prix France)


[1] Catholique d’origine irlandaise, diplômé en histoire de l’université d’Oxford, il a été maître de conférences de 1960 à 1986 à l’Académie royale militaire de Sandhurst et professeur invité à l’université de Princeton. À partir de 1986, il fut correspondant de guerre du Daily Telegraph.

[2] Rédigé en 2009 et traduit en français chez Perrin en 2011, réédité en 2020.

[3] Les États faisant partie de l’Union étaient la Californie, le Connecticut, le Delaware (esclavagiste), l’Illinois, l’Indiana, l’Iowa, le Kansas, le Kentucky (esclavagiste), le Maine, le Maryland (esclavagiste), le Massachusetts, le Michigan, le Minnesota, le Missouri (esclavagiste), le Nevada, le New Hampshire, le New Jersey, l’État de New York, Ohio, l’Oregon, la Pennsylvanie, le Rhode Island, le Vermont, la Virginie-Occidentale (esclavagiste) et le Wisconsin.

[4] La Caroline du Sud, le Mississipi, la Floride, l’Alabama, la Géorgie, la Louisiane et le Texas.

[5] La Virginie, l’Arkansas, le Tennessee et la Caroline du Nord.

[6] Sources : Wikipédia.

Date de publication
samedi 22 mars 2025
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