Après L’Affaire Zola (2029) et Le Matin de Sarajevo (2022) Jean-Charles Chapuzet et Christophe Girard publient chez Glénat à Grenoble La dernière nuit de Mussolini, une biographie du dictateur italien bâtie à coups de flash-backs autour des trois jours que dura sa fuite éperdue vers la Suisse en compagnie de sa jeune maîtresse Clara Petacci (°1912), trois jours qui se soldèrent par leur exécution sommaire le 28 avril 1945 à Giulino di Mezzegra, aux abords du lac de Côme, suivie de la livraison de leurs dépouilles à la populace de Milan qui les souilla avant de les pendre par les pieds sur la place Loreto.
Né en 1883 et fils d’un modeste forgeron, Benito Mussolini était le fondateur du fascisme et il a gouverné l’Italie pendant vingt ans en tant que président du Conseil du royaume d’Italie, du 31 octobre 1922 au 25 juillet 1943, puis premier maréchal d’Empire (chef des armées) avec le roi du 30 mars 1938 au 25 juillet 1943, et enfin chef de l’État de la République sociale italienne (RSI, dite république de Salò) de septembre 1943 à avril 1945.
Instituteur, puis journaliste, militant syndicaliste révolutionnaire et orateur à la grandiloquence frisant souvent le ridicule, il fut secrétaire de la fédération de Forli (en Émilie-Romagne), puis membre de la direction nationale du Parti socialiste italien (PSI) et directeur du quotidien L’Avanti ! en 1912, avant son exclusion en 1914 quand il se déclara favorable à l’entrée en guerre contre les empires centraux.
Il créa alors son propre journal, Il Popolo d’Italia, pôle de ralliement de l’interventionnisme de gauche et d’ultra-gauche, et il fonda en décembre 1914 le « Faisceau d’action révolutionnaire interventionniste » dans le but de provoquer une révolution socialiste.
Le 23 mars 1919, il fonda les « Faisceaux de combat » avec un programme révolutionnaire, nationaliste, anticapitaliste et anticlérical, prévoyant également le vote des femmes, l’instruction et la santé gratuite, l’assurance sociale pour les travailleurs. Il les transforma en 1921 en Parti national fasciste (PNF).
Après l’échec d’une alliance électorale avec la gauche, il s’aboucha avec la droite aux élections suivantes pour faire élire des députés fascistes. Les milices armées fascistes lui permirent de s’emparer du pouvoir après le succès électoral de cette alliance avec la droite. Après une marche spectaculaire sur la capitale en octobre 1922, la « marche sur Rome », il fut nommé président du Conseil par le roi et obtint une majorité absolue à la Chambre lors des élections suivantes. Il instaura alors une dictature qui dura plus de vingt ans. Ne jugeant pas l’opinion prête, il n’osa cependant pas supprimer la royauté et épargna le roi.
À l’apogée du régime (1929-1936), il bénéficia du soutien au moins passif de la population à qui il apportait l’ordre, la paix sociale et des satisfactions à la fois matérielles et de prestige (législation sociale, grands travaux de Rome, assainissement des marais Pontins, conquête de l’Éthiopie et de l’Albanie). En politique extérieure, après une relative modération et un certain respect de l’équilibre européen (accords de Locarno) pendant la première décennie, celle des années 1920, puis un éphémère front antihitlérien avec le Royaume-Uni et la France (conférence de Stresa), il déclencha une guerre coloniale en Éthiopie et intervint en Espagne en 1936 pour soutenir Franco en lui fournissant une aide considérable en hommes et en matériel.
À la suite de son intervention dans la guerre d’Espagne et en raison des sanctions de la Société des Nations après l’agression italienne en Éthiopie ainsi qu’à cause de l’avènement du Front populaire en France en 1936, il se rapprocha d’Adolf Hitler, instaura des lois raciales en 1938 et signa avec lui un traité d’alliance en 1939 (le « Pacte d’Acier »). Après dix mois de « non-belligérance », il entra dans la Seconde Guerre mondiale le 10 juin 1940 aux côtés de l’Allemagne nazie alors que la France était déjà vaincue. Il essaya de mener une « guerre parallèle » dans son rayon d’action stratégique, la Méditerranée, mais échoua et dut faire appel à l’aide d’Hitler pour redresser la situation. La vassalisation de l’Italie à l’Allemagne fut alors complète. Mussolini prit alors la décision d’intervenir massivement en Russie (été 1941) et il déclara la guerre aux États-Unis.
Suite à la défaite des armées italo-allemandes en Tunisie et au débarquement des Alliés en Sicile, une conjuration entre le roi, l’ancienne classe dirigeante et les dirigeants fascistes modérés entraîna la chute du dictateur et son arrestation. Libéré par une opération spectaculaire du Hauptsturmführer SS Otto Skorzeny (1908-1975) dans les montagnes du Gran Sasso, Mussolini fit alors exécuter pour haute trahison son gendre et ancien ministre des Affaires étrangères, le comte Galeazzo Ciano (1903-1944), après avoir instauré en Italie du Nord la République sociale italienne, sous contrôle allemand, ce qui coupa le pays en deux et entraîna une guerre civile entre les milices du régime aidées par les SS et la Gestapo et les groupes de partisans communistes et antifascistes coordonnés par un Comité de libération nationale[1].
On connaît la suite.
Signalons pour finir que les auteurs de La dernière nuit de Mussolini établissent dans leur habile et passionnante biographie du tyran ultramontain un parallèle entre son rapport au pouvoir et sa sexualité d’une manière si explicite que cet album n’est pas à mettre entre les mains de trop jeunes lecteurs.
PÉTRONE
La dernière nuit de Mussolini par Jean-Charles Chapuzet et Christophe Girard, Grenoble, Éditions Glénat, collection « 1000 Feuilles », janvier 2025, 126 pp. en quadrichromie au format 20 x 27,3 cm sous couverture cartonnée en couleurs, 21,50 € (prix France)
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Benito_Mussolini