Fils de l’écrivain catholique belge francophone Stanislas Dotremont (1893-1969) qui fut lauréat du prix Victor Rossel (le « Goncourt belge ») en 1956 pour L’Amour déraisonnable, le poète et peintre Christian Dotremont (Tervuren, 1922 – Buizingen, 1979) est « l’un de ces grands singuliers qui ouvrent dans le champ poétique et artistique des chemins neufs et sans équivalents », comme l’écrit Michel Sicard[1] dans Les grandes choses – Anthologie poétique (1940-1979), le remarquable recueil de textes qu’il consacre à cet artiste surréaliste révolutionnaire hors du commun.
Cofondateur et animateur du fameuxmouvement CoBrA[2] (1948-1951), Stanislas Dotremont fut d’abord attiré par les rapports mot-chose-image et l’ambiguïté sur laquelle le peintre René Magritte (1898-1967) jouait en Belgique avec ces trois concepts, puis par les travaux de Pablo Picasso (1881-1973) et de Paul Éluard (1895-1952) qu’il côtoya dès 1941 à Paris, ainsi que par le surréalisme à la manière d’André Breton (1896-1966), mouvement avec lequel il rompit par la suite pour fonder le « surréalisme révolutionnaire » (1947-1948) en cheville avec le parti communiste belge.
En juillet 1944, il avait épousé Ai-Li Mian, une jeune Eurasienne, ce qui l’amena à s’intéresser à la culture et à l’écriture chinoises.
En 1946, il rencontra les poètes Yves Bonnefoy (1923-2016) et Tristan Tzara (1896-1963), à ce moment encore proches du surréalisme.
Christian Dotremont et l’un de ses logogrammes, timbre-poste belge (1996).
En 1948, avec le peintre danois Asger Jorn, il réalisa les premières peintures-mots et les premiers dessins-mots spontanés, devenus par la suite (en 1962) ses fameux logogrammes, des poèmes peints unissant écriture et peinture dans une seule composition.
En 1951, il contracta la tuberculose et fit la rencontre de son « entreprise passionnelle de longue haleine », Bente Wittenburg, une Danoise qu’il aima passionnément, mais à distance – elle était rentrée vivre chez ses parents au Danemark en 1952 –, et qui devint dès lors fort présente dans son œuvre sous les noms d’Ulla et Gloria.
En 1956, Christian Dotremont effectua son premier voyage en Laponie – il en fera une douzaine jusqu’en 1978 – où il se plongea dans la solitude pour composer des logoneiges, qui sont des logogrammes tracés à l’aide d’un bâton dans la neige ou la glace, puis photographiés[3].
Christian Dotremont est décédé le 20 août 1979, à l’âge de 56 ans, au sanatorium Rose de la Reine à Buizingen, près de Bruxelles, des suites de la tuberculose contractée 28 ans plus tôt.
C’est un artiste belge très célèbre, mais son œuvre écrite, poèmes et prose, pourtant considérable et novatrice, est restée pour l’essentiel méconnue.
Par Les grandes choses – Anthologie poétique (1940-1979), Michel Sicard la donne à découvrir en dégageant « certaines lignes directrices de sa poésie : l’amour au sens surréaliste du terme, l’articulation et la désarticulation du langage, l’amour électif du paysage », de la forêt et de la Laponie.
Un grand voyage aux pays des mots !
PÉTRONE
Les grandes choses – Anthologie poétique (1940-1979) par Christian Dotremont, édition de Michel Sicard, postface d’Yves Bonnefoy, Paris, Éditions NRF/Gallimard, collection « Poésie », janvier 2025, 409 pp. en noir et blanc au format 10,8 x 17,8 cm sous couverture brochée en couleurs, 12,30 € (prix France)
[1] Créateur de livres d’artiste, essayiste, écrivain, peintre, poète, le Français Michel Sicard (°1950) occupe par ailleurs une chaire d’Arts plastiques à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, où il anime des séminaires sur les nouvelles matériologies et le corps imagiel.
[2] Le mot est l’acronyme de, Copenhague, Bruxelles, Amsterdam, du nom des villes de résidence de la plupart des membres fondateurs : Christian Dotremont, Jacques Calonne (1930-2022, Belge), Joseph Noiret (1927-2012, Belge), Asger Jorn (1914-1973, Danois), Karel Appel (1921-2006, Néerlandais), Pierre Alechinsky, (°1927, Belge), Carl-Henning Pedersen (1913-2007, Danois), Constant (1920-2005, Néerlandais), Corneille (1922-2010, Néerlandais), Jan Nieuwenhuys (1922-1988, Néerlandais), Pol Bury (1922-2005, Belge), Georges Collignon (1923-2002, Belge), Henry Heerup (1907-1993, Danois), Egill Jacobsen (1910-1998, Danois), Ejler Bille (1910-2004, Danois), Jacques Doucet (1924-1994, Français) et Jean-Michel Atlan (1913-1960, Français). CoBrA fut validé à Paris le 8 novembre 1948 par un texte intitulé La Cause était entendue, rédigé par Christian Dotremont.
[3] « Le logoneige étant constitué de l’empreinte graphique du poète dans la neige, secondée et pérennisée par la trace photographique. » (Emmanuelle Pelard, « La passion de la trace : une genèse du logogramme et du logoneige de Christian Dotremont », Trans – Revue de littérature générale et comparée n° 12 du 8 juillet 2011. (Sources : Wikipédia et https://www.galerie-laurentin.com/christian-dotremont-biography.