Docteur de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, Benoît Florin consacre ses recherches au monde des élites du XVIIIe siècle, une thématique à laquelle il a consacré plusieurs ouvrages[1].
S’appuyant notamment sur des sources jusqu’ici inexploitées, il publie à Paris chez Perrin Le prince de Ligne – L’esprit des Lumières, une biographie alerte, à l’érudition et au style brillantissimes, de Charles-Joseph de Ligne, le très libertin « maître des plaisirs » du Congrès de Vienne[2] durant lequel il décéda[3].
Aristocrate belge, diplomate au service de l’Empereur d’Autriche et homme de lettres des Pays-Bas autrichiens, Charles-Joseph Lamoral, 7e prince de Ligne, né à Bruxelles le 12 mai 1735 et mort à Vienne le 13 décembre 1814, était un maréchal de l’armée du Saint-Empire (il s’illustra notamment durant la guerre de Sept Ans[4], en 1757 aux batailles de Kolin, de Breslau, de Leuthen, et en 1758 à celle de Hochkirch).
Nommé grand bailli du Hainaut en 1791, il afficha de la sympathie pour les rebelles belges, ce qui lui ferma pour un temps l’accès à la carrière diplomatique et, lors de l’annexion de cette province par la France en 1792, ses biens furent confisqués.
Il ne revit plus son château de Belœil[5] mis sous séquestre, et il s’installa définitivement à Vienne au cours de la même année.
Charles-Joseph de Ligne fut membre de la loge bruxelloise L’Heureuse Rencontre et vénérable maître de la loge Ligne équitable du régiment de Ligne, fondée en 1785. Ses funérailles eurent lieu en l’église des Écossais à Vienne et il est inhumé dans la capitale autrichienne.
Intime de la reine Marie-Antoinette, de la comtesse Jeanne du Barry et de Jacques Casanova, ami de Talleyrand et de Germaine de Staël, admiré d’Élisabeth Vigée-Lebrun, il entretint une correspondance fournie et passionnante avec la tsarine Catherine II, le roi Frédéric II de Prusse, Voltaire, Rousseau ou encore Goethe.
Homme d’esprit – ô combien ! – et homme du monde, resté célèbre pour ses Mémoires et pour son libertinage assumé[6], « il est le symbole de l’Ancien Régime finissant dans ce qu’il a de plus brillant », écrit Benoît Florin.
Qui ajoute :
« Le prince de Ligne, c’est aussi un état d’esprit, celui de la légèreté. Car ce grand seigneur qui a couru toute sa vie après la gloire et l’amour, cachant l’émotion sous le sourire ou un bon mot, est la personnification de la gaieté.
Particulièrement doué pour traiter légèrement des choses sérieuses et sérieusement des choses légères entre deux batailles, deux pays, deux souverains ou deux maîtresses, qui mieux que lui pour incarner les derniers moments d’une époque extraordinaire dont il a été l’incomparable témoin ? »
Et qui mieux que Benoît Florin pour le ressusciter ?
PÉTRONE
Le prince de Ligne – L’esprit des Lumières par Benoît Florin, Paris, Éditions Perrin, collection « Biographies », janvier 2025, 429 pp. en noir et blanc au format 15,4 x 24 cm sous couverture brochée en couleurs, 25 € (prix France)
[1] Quand l’esprit était français, Nicolas de L’Isle, 1735-1784, chevalier des Lumières (2020), Les figurants de l’histoire (2016), La princesse de Vaudémont, 1762-1833, la grande amie de Talleyrand (2012), La superbe comtesse de Brionne, 1734-1815 (2009), Écuyers et receveurs, des guerres de religion à la Révolution française (2007), Un honnête homme en Savoie au siècle des Lumières, l’intendant général André de Passier (1702-1784) et sa famille (2005), Les familles de Leurye et Boulanger, des Valois à la Révolution (2005).
[2] Conférence de représentants diplomatiques des grandes puissances européennes, le congrès de Vienne a eu lieu du 18 septembre 1814 au 9 juin 1815. Les pays vainqueurs de Napoléon Ier ainsi que les autres États européens s’y sont réunis pour rédiger et signer les conditions de la paix, et donc déterminer les frontières et tenter d’établir un nouvel ordre pacifique. Le congrès de Vienne permet également la discussion sur la libre circulation navale, l’abolition de la traite négrière (et non pas de l’esclavage, qui persiste cependant), et la mise en avant de la neutralité de la Suisse et de la Savoie.
[3] Il y annonça sa propre mort (dans sa 79e année) par : « Il manque encore une chose au Congrès : l’enterrement d’un Feld-maréchal, je vais m’en occuper ».
[4] La guerre de Sept Ans, qui se déroula de 1756 à 1763, opposa la France alliée à l’Autriche et la Grande-Bretagne alliée à la Prusse. De nombreux autres pays européens participèrent aussi à cette guerre, notamment l’Empire russe aux côtés de l’Autriche et le royaume d’Espagne aux côtés de la France. Ce conflit, dont la Prusse et la Grande-Bretagne sortirent victorieuses, entraîna des conséquences importantes sur l’équilibre des puissances européennes. En Amérique du Nord et en Inde, il fit presque entièrement disparaître le premier empire colonial français. En Europe, la Prusse s’affirma dans l’espace germanique du Saint-Empire grâce à ses victoires de Rossbach sur la France et de Leuthen sur l’Autriche et elle contesta dès lors l’ancienne prééminence de l’Autriche.
[5] Au cœur d’un jardin à la française dessiné en 1664, le château de Belœil a été érigé en 1394 pour les princes de Ligne à Belœil, dans la province de Hainaut (Belgique). La bâtisse et les jardins sont ouverts aux visiteurs au printemps et en été.
[6] Le 6 août 1755, il a épousé à Vienne la princesse Françoise-Marie-Xavière de Liechtenstein (1739-1821), dont il eut sept enfants : Marie-Christine (1757-1830), Charles (1759-1792) ; François Léopold (1764-1771), Louis Eugène (1766-1813), Adalbert Xavier (1767-1771), Euphémie Christine (1773-1834) et Flore (1775-1849) ; de ses relations extra-conjugales, il avait eu également deux filles, la première (1770-1770) née de l’actrice française Angélique d’Hannetaire (1749-1822), la seconde, Adèle (1809-1810), née de « Mademoiselle Adélaïde ». Sources : Wikipédia.