D’abord prépubliées dans Le Petit Vingtième entre août 1934 et octobre 1935, Les Aventures de Tintin, reporter en Extrême-Orient ont paru l’année suivante aux Éditions Casterman sous la forme d’un album en noir et blanc intitulé Le Lotus bleu qui ressort aujourd’hui dans sa forme initiale, mais colorisée, sous une couverture reproduisant une case provenant de l’édition originale et précédée d’une mise en perspective du « tintinologue » belge Philippe Goddin.
Poursuivant depuis l’Inde jusqu’en Chine les trafiquants d’opium combattus dans Les Cigares du Pharaon, Tintin s’y retrouve confronté dans l’Empire du Milieu à des ennemis redoutables et fourbes, d’origines diverses : le Japonais Mitsuhirato et l’armée nipponne d’occupation, le Grec Rastapopoulos, les Anglo-saxons Dawson (le très corrompu chef de la police du Settlement international de Shanghai) et Gibbons (le très raciste directeur américain de l’Americano-Anglo-Chinese Steel Company de New York), des malandrins n’hésitant pas à user d’armes infâmes comme le radjaïdjah (le « poison qui rend fou ») en vue de poursuivre leurs trafics honteux ou de perpétrer leurs crimes sordides dans un contexte politique tendu de velléités expansionnistes du gouvernement de Tokyo.
Y apparaissent pour la première fois les ineffables policiers Dupont et Dupond, mais aussi Tchang, un jeune Chinois avec qui Tintin déconstruit pour le lecteur les clichés et les préjugés d’alors sur son pays dont il rend par ailleurs la cause sympathique face aux agissements de l’agresseur japonais.
Tout en rebondissements, le récit est à la fois palpitant et dépaysant par son cadre exotique décliné sous diverses formes (paquebots transatlantiques, consommation de thé, fumerie d’opium, costumes traditionnels, architecture locale, ligne de chemin de fer coupée par un fleuve en crue, inscriptions chinoises, gros vases en porcelaine, supplice de la cangue, actualités cinématographiques, pousse-pousse…) et par ses allusions à la politique internationale du moment (l’attentat du 18 septembre 1931 à Moukden en Mandchourie commis par les Japonais, le retrait outré du Japon de la Société des Nations le 27 mars 1933, tourné en ridicule…).
Planche 18[1]
Pour un résultat remarquable et un succès pérenne !
PÉTRONE
Le Lotus bleu par Hergé, préface de Philippe Goddin, Bruxelles, coédition Casterman/Moulinsart, janvier 2025 [1936], 143 pp. en quadrichromie au format 24,2 x 33 cm sous couverture cartonnée et cousue en couleurs, 23 €
[1] ©Hergé/Tintinimaginatio 2024.