Agrégé et docteur en histoire, élève des grands médiévistes Pierre Toubert (°1932), Jacques Le Goff (1924-2014) et Georges Duby (1919-1996), membre de l’Institut français (Académie des inscriptions et belles-lettres), Dominique Barthélemy (°1953) est professeur émérite d’histoire médiévale à l’université Paris-Sorbonne et directeur d’études émérite à l’École pratique des hautes études. Il est notamment l’auteur de L’An mil et la Paix de Dieu. La France chrétienne et féodale, 980-1060 (Fayard, 1999), de La Chevalerie : de la Germanie antique à la France du XIIe siècle, (Fayard, 2007 ; Perrin, collection « Tempus », 2012), de Nouvelle Histoire des Capétiens, 987-1214, (Le Seuil, 2012) et de La bataille de Bouvines. Histoire et légendes (Perrin, 2018) qui fit grand bruit en complétant Le dimanche de Bouvines (Gallimard, 1973) de Georges Duby et qui ressort ces jours-ci en format de poche dans l’excellente collection « Tempus ».
Inscrite dans la série de conflits ayant opposé Capétiens et Plantagenêt aux XIIe et XIIIe siècles, et plus précisément dans la rivalité entre le roi de France Philippe Auguste (1165-1223) et le roi d’Angleterre Jean sans Terre (1166-1216), la bataille de Bouvines se déroula le dimanche 27 juillet 1214 dans le comté de Flandre, en France.
Elle vit s’affronter les troupes royales françaises, renforcées par quelques milices communales, le tout constitué d’environ 7 000 combattants, à une coalition constituée de princes et de seigneurs flamands, allemands et français renforcés de contingents anglais, tous financés par Jean sans Terre et équivalant à environ 9 000 combattants menés par l’empereur du Saint-Empire Otton IV (ca 1175-1218).
Remportée par le roi de France, la bataille de Bouvines entama le déclin de la prédominance seigneuriale au Moyen Âge. Jean sans Terre, qui attaquait conjointement depuis la Saintonge, dut accepter le traité de Chinon (18 septembre 1214) et se retirer. Le 15 juin 1215, les barons anglais lui imposèrent la Grande Charte[1]. Quant à lui contraint de fuir, Otton IV fut déposé et remplacé par Frédéric II (1194-1250).
Dans son ouvrage rédigé à la suite d’enquêtes approfondies sur les chevaliers présents au combat ainsi que sur l’élaboration et la réécriture des récits, Dominique Barthélemy décrit avec une grande précision et dans un style enlevé le cours, dans son contexte féodal, de la bataille elle-même, qu’il ramène à ses justes proportions, mais aussi – et surtout – il donne à voir et à comprendre l’exploitation de l’événement et les enjeux de celle-ci, tant par ses contemporains que par ses successeurs jusqu’au XXe siècle qui, mêlant à l’histoire des légendes et des affabulations, en firent un épisode fondateur de la nation et du roman national français, notamment pour galvaniser les Français dans leurs guerres nationales et alimenter le débat politique sur la royauté, la noblesse et l’armée populaire.
Exactement comme l’ont fait et le font encore les nationalistes flamands de Belgique s’agissant de la bataille des éperons d’or qui, le 11 juillet 1302 près de Courtrai, opposa l’armée du roi de France Philippe le Bel (1268-1314) aux milices communales flamandes appuyées par des milices venues de Zélande, de Namur, de Luxembourg, de Liège, d’Allemagne et d’Angleterre…
PÉTRONE
La bataille de Bouvines par Dominique Barthélemy, Paris, Éditions Perrin, collection « Tempus », octobre 2024, 717 pp. en noir et blanc au format 10,8 x 17,7 cm sous couverture brochée en couleurs, 13 € (prix France)
[1] La Grande Charte (en latin, la Magna Carta) désigne la charte obtenue par la noblesse anglaise (les « barons ») du roi Jean sans Terre le 15 juin 1215, à la suite d’une courte guerre civile achevée le 17 mai par la prise de Londres tombée aux mains des insurgés. Cette charte établit pour la première fois par écrit les droits respectifs du roi et des barons, mais aussi de l’Église et des villes, en ce qui concernait le gouvernement du royaume, notamment la levée des impôts.