Dans un ouvrage fort savant rédigé par un auteur qui ne l’est pas moins, Les Mots grecs de la médecine (Paris, Les Belles Lettres), l’helléniste Guy Lacaze[1] décrypte à l’intention des (futurs) médecins et de leurs patients (actuels, c’est-à-dire vous et moi) la terminologie en usage pour décrire, diagnostiquer et suivre les pathologies les plus diverses ainsi que le vocabulaire catégorisant les praticiens qui les soignent.
Après une petite histoire de la médecine grecque d’Hippocrate à Galien, l’ouvrage traite successivement du patient (anatomie, physiologie, biologie), des maladies (de la peau et des tissus, des os et des articulations, de la tête et des organes des sens, des muscles, du sang et des vaisseaux, de l’appareil respiratoire, de l’appareil digestif, de l’appareil uro-génital et sexuel, du système nerveux, du psychisme, du système endocrinien et lymphatique), du médecin (ses appellations en –atres, en –logues, en –logistes, en –pathes, en-peuthes, en –lystes, sa déontologie) et la thérapeutique (régimes, pharmacologie, chirurgie, psychothérapie)…
Extraits :
« L’œil grec, ophtalmos, n’apparaît qu’en ophtalmologie, ou chez l’ophtalmologue (-logiste). Nous le retrouverons en pathologie avec l’ophtalmie. L’optique, elle, se rattache plus à la fonction (optis, la vue) qu’à l’organe. La paupière (blepharon) n’est grecque que dans son inflammation, la blépharite, quand l’eczéma palpébral est, lui, latin dans son épithète. L’iris, qui n’a l’air de rien, est pourtant grec (iris, iridos), et même doublement par la médiation d’Iris, la messagère des dieux, dont l’écharpe aux couleurs benettoniennes constitue l’arc-en-ciel (en espagnol arco Iris). Le nom de la fleur en est dérivé, et non l’inverse : diaphragme pigmenté, l’iris donne sa coloration à l’œil. »
« L’hexakoslohexekontahexaphobie (666, le nombre satanique !) – il faut, pour comprendre, se référer à Apocalypse, 13, 18 : “Que l’homme doué d’esprit calcule le chiffre de la Bête, c’est un chiffre d’homme : son chiffre, c’est 666”, et à la note de la Bible de Jérusalem : “En grec comme en hébreu, chaque lettre avait une valeur numérique selon sa place dans l’alphabet Le chiffre d’un nom est le total de ses lettres. Ici, 666 serait César-Néron (lettres hébraïques) ; 616 (var.), César-Dieu (lettres grecques)” ; il va de soi que le chiffre 6 n’a, en soi, aucune connotation satanique, non plus que le 9 ou le 1 ! En outre, malgré qu’en aient les savants biblistes, un chiffre ne saurait être un nombre. »
PÉTRONE
Les Mots grecs de la médecine par Guy Lacaze, Paris Éditions Les Belles Lettres, octobre 2024, 589 pp. en noir et blanc au format 15,5 x 23 cm sous couverture brochée en couleurs, 25,90 € (prix France)
TABLE DES MATIÈRES
Prolégomènes
Avant-propos. Être ou ne pas être. La vision d’où est sorti ce livre
Correspondances. Du grec au français
De quelques préfixes et suffixes communs
1. Préfixes
2. Suffixes
Bibliographie
Première partie. D’Hippocrate à Galien :
petite histoire de la médecine grecque
Des dieux et des hommes. Le domaine des dieux
Des dieux et des hommes : à la recherche du père perdu
Hippocrate et la médecine aux temps hippocratiques
Aristote
La médecine à l’époque alexandrine : Hérophile et Érasistrate
Galien et la médecine de son temps
Deuxième partie. Le patient (anglais ?) : anatomie, physiologie, biologie
• Rappel
• Généralités
• La peau. Les tissus
• Les os. Les articulations
– sciatique
• Les muscles. Les tendons
– sternocléidomastoïdien
– diaphragme
– tendon d’Achille
• L’empire des sens. Œil. ORL
– magnésie
– rhinorrhée
– diastème
• L’appareil respiratoire
– poumons
– pleuron
– neuron
• Le cœur. Le sang. Les vaisseaux sanguins
– systole
– diastole
– vaisseaux
– trachée-artère
• L’appareil digestif. Organes et fonctions
– duodénum
– microbiote
– Constantin V le Copronyme
• L’appareil uro-génital. La sexualité
– toxique
– salpingite
– épectase
– omphalos
– amour grec
– pédérastie
• Le système nerveux
– méninges
– neurone
– barrière hémato-encéphalique
• Le système endocrinien
– gonades
– cytokine
• Le système immunitaire ou lymphatique
– amygdales
– chimère
• L’activité psychique : deux ou trois choses que je sais d’elle, avec ou sans Godard…
Troisième partie. La maladie : divers types de pathologie
• Généralités
– hygiénisme
– zoonose
– épidémie
– cancer
– microbes
– bactéries
– vers
– iatrogène, nosocomial
– crise
• Pathologies de la peau et des tissus
– alopécie
• Maladies des os et des articulations
– ostéoporose
– rachitisme
– scoliose, lordose, cyphose
– arthrose
– achondroplasie, nanisme
• Affections de la tête et des organes des sens
La tête
– migraine
L’œil et la vue
– presbytie, myopie
L’oreille et l’ouïe
Le nez et l’odorat
La bouche et le goût
La gorge
• Les pathologies musculaires
– opisthotonie
– blépharoptose
• Pathologies sanguines et cardiovasculaires
– thalassémie
– anévrysme
– drépanocyte
– cholestérol
– arythmie
• Pathologies de l’appareil respiratoire
– apnée du sommeil
– phtisie
• Pathologies de l’appareil digestif
– choléra
– maladie cœliaque
– anorexie
• Affections de l’appareil uro-génital. Troubles de la sexualité
– endométriose
– hystérie
– hybristophilie
– candaulisme
– algolagnie
• Affections neurologiques
– paralysie
– épilepsie
– chorée
– Alzheimer
– anosognosie et autres formes d’agnosie
• Pathologies du psychisme
Phobies
Manies
Autres troubles psychiques
– panique
– Méduse, médusé
– névrose, psychose
– mégère
– harpie
– bigorexie
– hypocondrie
– mélancolie
– narcissisme
– Œdipe
• Pathologies endocriniennes et lymphatiques
– allergie
– histamine
Quatrième partie. Le médecin
• Les noms du médecin
-iatres
-logues (-logistes)
-pathes
-istes (autres que -logistes)
-iens (autres que -logiens)
-thérapeutes
– sylvothérapie
– vinothérapie
– zoothérapie
– magnétothérapie
– bélazorthérapie
– thérapie génique
– homothérapie
– ciseaux à ADN : le bistouri moléculaire
-lystes
– autres (!)
– docimasie
• Déontologie médicale
– saints anargyres
– hydroxychloroquine
• La pratique du médecin
– clinique
• La thérapeutique
Le régime
– tisane
La pharmacologie
– pharmakon
– posologie
Les anti-
– antibiotiques
– phages
– antalgiques
– antidotes
– mithridatiser
Les pro-
Les -lytiques (et lytique adjectif)
Les -leptiques
Les -tropes
– cannabis
– psychédélique
– gaz hilarant (protoxyde d’azote)
Les évacuants
– seringue
– hysope
– myrtille
– hyaluronique
La chirurgie
– La chirurgie « sécante »
-tomie
-ectomie
– La chirurgie réparatrice
– prothèse
– orthèse
-plastie
– greffe
– Autre (!)
La cautérisation
La psychothérapie
– asile
– hypnothérapie
– sophrologie
– placebo, nocebo
• L’alpha et l’oméga
Conclusion. Pourquoi le grec, et comment ?
[1] Ancien élève de l’École normale supérieure, Guy Lacaze est maître de conférences honoraire de grec à l’Université François Rabelais de Tours. Il a longtemps enseigné la langue, la civilisation et l’histoire grecques, ainsi que l’art antique, d’abord grec, puis oriental (anatolien, égyptien, mésopotamien, iranien), au lycée. On lui doit en 1999 un Manuel de version grecque à l’usage des classes de concours (ENS, Capes, Agrégation) et la traduction d’un choix de textes de Lucien, Histoires vraies et autres œuvres (Livre de Poche, 2003).