« C’était au temps où Bruxelles brusselait… » (Jacques Brel)

Grand connaisseur (notamment, mais pas seulement…) de l’histoire de la capitale de l’Europe et de ses habitants – et donc de leurs us et coutumes, langue et artistes –, le romaniste Georges Lebouc (°1936), formé à l’Université libre de Bruxelles, est l’auteur d’une grande quantité d’ouvrages savants[1], littéraires[2] ou facétieux[3].

Ce « drolle de pistolet » publie Vie et survie de la littérature bruxelloise chez Lamiroy, un essai anthologique qui se penche sur les œuvres des précurseurs (Édouard Suau dit Suau de Varennes, Victor Joly alias Sancho, Leopold Pels « Bazoef », Victor Lefevre « Coco Lulu », Luc Malpertuis, George Garnir…) et de leurs successeurs Léopold Courouble (La Famille Kaekebroeck, 1901), Lucien Fonson et Fernand Wicheler (auteurs en 1910 de l’insubmersible Mariage de Mademoiselle Beulemans), Roger Kervyn de Marcke ten Driessche (Les Fables de Pitje Schramouille, 1923), Michel de Ghelderode (Passion de Notre-Seigneur Jésus Christ, 1924), Joris d’Hanswijck et Paul Van Stalle (Bossemans et Copenolle, 1938, avec le personnage devenu mythique de Madame Chapeau), Jean d’Osta (et son personnage de Jef Kazak) ou encore Léon Crabbé (qui signait Virgile ses fables en brusseleir) et Louis Quiévreux (Dictionnaire du dialecte bruxellois, 1951), pour arriver à Dominique Dognié (l’actuel Joske Maelbeek) né en 1958.

Couverture de la première édition du Mariage de Mademoiselle Beulemans (1910)

illustrée par Philippe Swyncop [4]

Un livre très érudit, mais émaillé de citations qui valent leur pesant de bodding[5] et leur tournée de faro[6], à l’instar de la « tirade du nez » du Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand réécrite par Virgile :

« C’est un peu court, june homme !

On pouvait sur cette voenk[7], dir’ bien des chos’s en somme.

Par exemple, savant : “Avec un nez pareil,

Vous pourriez facil’ment faire un trou dans l’soleil !”

Amical : “Nom de bleu ! Cett’ socisse est fameuse !

Quand vous buvez, ell’ doit tremper dans votre gueuze !”

Descriptif : “C’est un roc ! C’est un pic ! C’est un cap !

Il est dur au milieu, mais au bout il est slap[8] !”

Farceur : “Quand vous donnez un’ baise à un’ bergère,

Cett’ snotboeis[9] doit tomber jusqu’à sa tettagère[10] !”

Adiratif : “Il doit vous servir de par’-choc !”

Et pratique : “Est-c’ que vous l’employez comm’ kapstok[11] ?” »

Amaï[12] ! Il n’y a plus rien à dire, en bas de ça, nawo[13] ?

Si ce n’est que Marcel Pagnol (1895-1974) décida d’écrire sa Trilogie marseillaise[14] après avoir assisté en 1926 à une représentation du Mariage de Mademoiselle Beulemans

PÉTRONE

Vie et survie de la littérature bruxelloise par Georges Lebouc, Bruxelles Éditions Lamiroy, septembre 2024, 277 pp. en noir et blanc au format 13,5 x 18,7 cm sous couverture brochée en couleurs, 20 €


[1] Par exemple, Le bruxellois en septante leçons (1999, rééd. 2008), le Dictionnaire du bruxellois (avec une lettre-postface de Toots Thielemans, 2005, rééd. 2020), le Dictionnaire de belgicismes (2006), Histoire insolite des rues de Bruxelles (2007), le Dictionnaire érotique de la francophonie (2008), Vingt promenades et séjours à Bruxelles (2010), 2500 noms propres devenus communs – Dictionnaire étymologique d’éponymes, antonomases et hypallages (2011), Bruxelles vue par les grands écrivains !2011) ou encore le Dictionnaire érotique de l’argot (2012).

[2] Fables complètes de Virgile du Pourquoi Pas ? (2001), Dialogues de la semaine de Virgile du Pourquoi Pas ? (2 vol., 2002, 2003), Mémoires de Jef Kazak par Jean d’Osta (2002), « Bossemans et Coppenolle » de Paul Van Stalle et Joris d’Hanswyck (2003), Mémoires candides d’un Bruxellois ordinaire de Jean d’Osta (2003), Parodies de Virgile du Pourquoi Pas ? (2004), « Slache » de Marcel Antoine (2004), « Théâtre » de Virgile du Pourquoi Pas ? (2005), « Tich » de Virgile du Pourquoi Pas ? (2005), Les Rois de la Zwanze (2008), Fables à la sauce bruxelloise (2008).

[3] Comme Spirou au Kongo belche (2017, avec Joske Maelbeek).

[4] Les Archives & Musée de la Littérature – Centre de recherche et de documentation littéraires et théâtrales de la Fédération Wallonie-Bruxelles, domaine public.

[5] Gâteau fait de pain rassis avec des raisins et du rhum.

[6] Une bière bruxelloise additionnée de cassonade.

[7] Nez.

[8] Mou.

[9] Narine.

[10] Soutien-gorge.

[11] Porte-manteau.

[12] Ça, alors !

[13] Pas vrai ?

[14] La Trilogie marseillaise est l’appellation générique donnée aux trois pièces de théâtre tragiques de Marcel Pagnol, Marius (1929), Fanny (1931) et César (1936), ainsi qu’à leurs adaptations cinématographiques.

Date de publication
mardi 24 septembre 2024
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