L’historien britannique Peter Heather (°1960) qui enseigne au fameux King’s College de Londres est l’un des plus grands spécialistes actuels de l’Empire romain tardif et des royaumes barbares de la fin du IVe siècle et du Ve siècle de notre ère.
On lui doit l’essai Rome et les Barbares – Histoire nouvelle de la chute d’un Empire (qui reparaît aux Belles Lettres à Paris dans la collection « Le goût de l’Histoire » dirigée par Jean-Claude Zylberstein après être sorti en 2017 chez Alma[1]), un monument de 800 pages développant une approche particulièrement originale puisqu’il se penche aussi bien et en détail sur l’histoire des Romains aux alentours de la date fatidique de 476[2] que sur la vie culturelle, économique et politique des Barbares (les peuples germaniques et les Huns) de l’époque dont il expose le fonctionnement et la logique qui sont aussi à la base du Moyen Âge en Europe.
On se souviendra qu’à son apogée, l’Empire s’étendait de l’Écosse jusqu’à la Mésopotamie et de l’embouchure du Rhin jusqu’aux contreforts de l’Atlas en Maurétanie tingitane (le Maroc actuel) en passant notamment par la Britannie, la Grèce et l’Égypte, et qu’il a dominé d’immenses territoires durant près de cinq siècles avant de s’effondrer dans sa partie occidentale à la suite de luttes intestines et de pressions aux frontières notamment, alors que sa partie orientale, autour de sa capitale Constantinople, s’est maintenue jusqu’en 1453.
L’ouvrage de Peter Heather détaille par le menu l’histoire de la fin de l’Empire d’Occident et des débuts de l’Europe avec ses batailles fameuses (Andrinople, Nedao, Plaisance, Strasbourg…), ses cités florissantes (Antioche, Arles, Bordeaux, Carthage, Clermont-Ferrand, Constantinople, Milan, Narbonne, Rome, Thessalonique…), ses régions nombreuses (l’Arménie, la province d’Asie, la Belgique seconde, le Caucase, la Dacie, l’Égypte, l’Espagne, la Gaule, la Germanie, la grande plaine hongroise, l’Illyrie, l’Italie, la Lusitanie, la Libye, la Mésie, le Norique, la Numidie, la Pannonie, la Perse, la Sicile, la Sardaigne, la Thrace…), ses montagnes, mers et cours d’eau variés (les Carpates, le Danube, le Don, l’Elbe, la mer Noire, la Moselle, le Rhin, la Vistule…) et ses peuples farouches (les Alains, les Alamans, les Bretons, les Burgondes, les Chérusques, les Éburons, les Francs, les Goths, les Huns, les Ostrogoths, les Ruges, les Sarmates, les Scythes, les Skires, les Suèves, les Tervinges, les Vandales, les Wisigoths…).
Tout en brossant le portrait parfois saisissant de dirigeants (Jules César) et d’empereurs romains (Anthémius, Auguste, Constantin I, II et III l’usurpateur, Honorius, Jovien, Julien, Majorien, Marcien, Olybrius, Romulus Augustule, Théodoric Ier, Théodose Ier, Valentinien I, II et III, Zénon…), de diplomates (Anatole, Lucius Cotta, Nomus, Oreste, Sabinus…), de généraux (Aetius, Ricimer, Stilicon, Varus…), de chefs barbares (Alaric, Ambiorix, Athanaric, Attila, Euric, Fritigern, Genséric, Macrien, Odoacre, Ruga, Radagaise, Safrax, Valamir, Vallia…), d’impératrices (Eudocie, Eudoxia, Galla Placidia…), d’écrivains (Claudien, Mérobaude, Sidoine Apollinaire, Symmaque, Virgile…), de philosophes (Thémistios), d’historiens (Priscus, Procope, Renatus Frigiderus, Tacite, Zosime…) ainsi que de théologiens, prêtres et moines (Ambroise de Milan, saint Augustin, Hydace, saint Saba, saint Séverin, l’apôtre Wulfila…).
Un ouvrage foisonnant et éclairant sur une époque largement comparable à la nôtre…
PÉTRONE
Rome et les Barbares ––Histoire nouvelle de la chute d’un Empire par Peter Heather, ouvrage traduit de l’anglais par Jacques Dalarun, Paris, Éditions Les Belles Lettres, collection « Le goût de l’Histoire » dirigée par Jean-Claude Zylberstein, septembre 2024 [2017], 800 pp. en noir et blanc au format 13,5 x 19,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 21 € (prix France)
[1] Le lecteur en trouvera une remarquable recension détaillée par Charlotte Lerouge-Cohen, maître de conférences d’histoire grecque à l’université de Paris Ouest-Nanterre, sur https://reainfo.hypotheses.org/12305
[2] Il y a consensus pour dire que l’Empire d’Occident a commencé en 27 av. J.-C. avec l’octroi par le Sénat à Octave (63 av. J.-C – 14 apr. J.-C.) du surnom d’Augustus (« Auguste ») et a disparu le 4 septembre 476, lorsque le général romain Odoacre (ca 433 – 463) déposa l’empereur Romulus Augustule (ca 461 – post 476), fils de Flavius Oreste (ca 420 – 476), ancien secrétaire d’Attila (ca 395/400 – 453).