Professeur aussi éminent que brillant de l’Université libre de Bruxelles (ULB) et pilier de sa section des romanes, l’essayiste belge Raymond Trousson (1936-2013) était un philologue, historien de la littérature et critique littéraire, spécialiste des lettres modernes comparées et de celles, françaises et belges francophones, du XVIIIe siècle, en particulier des œuvres des utopistes, ainsi que des écrits de Voltaire (1694-1778), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) et Denis Diderot,(1713-1784), mais aussi de Charles De Coster (1827-1879), Iwan Gilkin (1858-1924) et André Baillon (1875-1932), entre autres[1].
En 1979, il a été élu membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique au fauteuil d’Émilie Noulet[2] qui avait dirigé son mémoire de licence consacré à « Quelques aspects d’Antigone, de Sophocle à Jean Anouilh, dans les littératures française, italienne et allemande », soutenu 20 ans plus tôt.
Docteur honoris causa de l’université de Nantes en 2006 et docteur honoris causa de l’université de Neuchâtel (Suisse) en 2011, Raymond Trousson fut célébré pour ses talents de passeur de savoir et reconnu pour la qualité de ses travaux, dont plusieurs furent publiés chez Honoré Champion à Paris.
C’est donc tout naturellement dans cette maison que sa disciple Valérie André (°1969), directrice de recherches au FRS-FNRS et professeure de lettres à l’ULB, a publié Verba et Sententiae – Utopie et réception des philosophes des Lumières, un recueil d’articles de Raymond Trousson qu’elle a rassemblés, présentés et édités dans leur état le plus abouti.
Une compilation qui scintille des mille feux allumés par les Lumières dans leurs combats en faveur des libertés, un foyer intellectuel qu’il importe de ne pas laisser éteindre quand, comme aujourd’hui, soufflent de plus en plus fort les vents glaçants des obscurantismes les plus variés…
PÉTRONE
Verba et Sententiae – Utopie et réception des philosophes des Lumières, recueil d’articles de Raymond Trousson rassemblés, présentés et édités par Valérie André, Paris, Éditions Honoré Champion, collection « Les dix-huitièmes siècles », avril 2024, 542 pp. en noir et blanc au format 15,5 x 23,5 cm sous couverture brochée en bichromie, 90 € (prix France)
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos (Valérie André)
Qui êtes-vous Raymond Trousson ? Retour sur le parcours d’un intellectuel hors du commun (Valérie André)
Première partie
UTOPIE(S)
• Pourquoi l’utopie ?
• Utopie et roman utopique
• L’utopie et les genres apparentés pays de Cocagne, âge d’or et mondes à l’envers
• L’Utopie, la mémoire et l’oubli
• Église et religion en Utopie
• Mourir en utopie
• Le Mirage américain dans les utopies et les voyages imaginaires depuis la Renaissance
• Le Problème religieux dans les voyages imaginaires au seuil des Lumières
• Les Bibliothèques de l’utopie au XVIIIe siècle
• L’Utopie en procès au siècle des Lumières
Deuxième partie
RÉCEPTION DES PHILOSOPHES DES LUMIÈRES
• L’abbé F.-X. de Feller et les « philosophes »
• Voltaire et Rousseau chez les Goncourt
• Balzac et « le roi Voltaire »
• La Harpe lecteur de Diderot
• Elme-Marie Caro un philosophe spiritualiste lecteur de Diderot
• Diderot selon Pierre Larousse
• Le Diderot des dictionnaires
• Rousseau et les dictionnaires
• Jean-Jacques et les biographes
• Jean-Jacques à l’Université au XIXe siècle d’Abel Villemain à Saint-Marc Girardin
• Sophie Cottin, disciple indocile de Jean-Jacques Rousseau
• Brissot de Warville, lecteur de Rousseau
• Napoléon lecteur de Jean-Jacques
• Lamartine et Jean-Jacques Rousseau
• Alexandre Vinet lecteur de Jean-Jacques Rousseau
• Présence de Rousseau dans les romans de jeunesse de Balzac
• George Sand et le Vicaire savoyard Mademoiselle La Quintinie
• Victor Hugo juge de Jean-Jacques Rousseau
• Le Contrat social et les hommes de 1848
• Anatole France et Jean-Jacques Rousseau
• Rousseau et le romantisme selon Pierre Lasserre
• Jean-Jacques Rousseau père du nationalisme ?
Publications de Raymond Trousson
Index
[1] Quelques œuvres de Raymond Trousson : Socrate devant Voltaire, Denis Diderot et Jean-Jacques Rousseau la conscience en face du mythe (1967), Jean-Jacques Rousseau et sa fortune littéraire (1971), Le thème de Prométhée dans la littérature européenne (1976, 2 vol., sujet de sa thèse de doctorat), Balzac disciple et juge de Jean-Jacques Rousseau (1983), Le tison et le flambeau : Victor Hugo devant Voltaire et Jean-Jacques Rousseau (1985), Stendhal et Jean-Jacques Rousseau : continuité et ruptures (1986), Jean-Jacques Rousseau (1988, rééd. 2003), Lettres françaises de Belgique : dictionnaire des œuvres (3 volumes, 1988, avec Robert Frickx), Charles De Coster ou La vie est un songe : biographie (1990), Romans libertins du XVIIIe siècle (1993), Histoire de la libre pensée, des origines à 1789 (1993), Isabelle de Charrière. Un destin de femme au XVIIIe siècle (1994), Dictionnaire Voltaire (dir., 1994), Voltaire et les droits de l’homme. Textes sur la justice et la tolérance (1994), Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau (dir., 1996), Romans de femmes du XVIIIe siècle : Mme de Tencin, Mme de Graffigny, Mme Riccoboni… (1996), Images de Diderot en France, 1784-1913 (1997), Voyages aux pays de nulle part : histoire littéraire de la pensée utopique (1999), Dictionnaire de Denis Diderot (dir. partagée avec Roland Mortier, 1999), Iwan Gilkin, poète de « La nuit » (1999), Jean-Jacques Rousseau jugé par ses contemporains (2000), Visages de Voltaire : XVIIIe-XIXe siècle (2001), Antoine-Vincent Arnault (1766-1834) : un homme de lettres entre classicisme et romantisme (2004), Jean-Jacques Rousseau raconté par ceux qui l’ont vu (2004), Denis Diderot ou Le vrai Prométhée (2005), Denis Diderot jour après jour : chronologie (2006), Diderot (2007), Voltaire (2008), Charles De Coster, journaliste à l’Uylenspiegel, (2007), Jean-Jacques Rousseau – En 78 lettres, un parcours intellectuel et humain (2010), Jean-Jacques Rousseau (2011)
[2] Émilie Noulet (1892-1978) était une romaniste, une historienne de la littérature et une critique littéraire belge. Elle obtint son doctorat en 1924 avec une thèse consacrée à Léon Dierx et elle enseigna à l’université libre de Bruxelles où elle fut, de 1953 à 1962, professeur titulaire. L’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique la reçut en son sein en 1953. En 1963, elle fut faite docteur honoris causa par la Sorbonne. L’Académie française lui décerne le prix Henri-Mondor en 1972 et 1978 pour l’ensemble de son œuvre. Émilie Noulet était une amie de Paul Valéry depuis la fin des années 1920.