Jésuite, professeur de théologie à la PUC-Chile, Carlos Álvarez est également chercheur en théologie à l’Institut de théologie et études religieuses (ITER) de l’Universidad Alberto Hurtado. Il a publié de nombreux articles dans différentes revues scientifiques au Chili et à l’étranger.
Les Éditions du Cerf à Paris publient son essai intitulé Henri de Lubac et Michel de Certeau – Le débat entre théologie et sciences humaines en regard de la mystique et de l’histoire (1940-1986) dans lequel il met en lumière les débats qui ont agité à cette époque, par l’entremise de deux de ses théologiens français les plus en vue, mais de générations différentes, l’ordre fondé par Ignace de Loyola (1491-1556) et, partant, l’Église catholique tout entière, avant, pendant et après le concile Vatican II[1] initié par le pape Jean XXIII (1881-1963) et clôturé par le pape Paul VI (1897-1978).
« D’un côté, il y a Henri de Lubac, le théologien, le patrologue, le fougueux partisan de l’aggiornamento devenu cardinal réputé conservateur aux lendemains du concile Vatican II. De l’autre côté, on trouve Michel de Certeau, l’historien de la mystique, l’ardent défenseur de l’ouverture à la psychanalyse et aux sciences humaines.
Et en arrière-plan, mais qui sont en fait l’objet profond de cette étude historique et théologique, de multiples crises. La crise de Mai 68. Celle de l’Église. Celle de la Compagnie de Jésus, qui voit le nombre de vocations chuter.[2] »
Henri de Lubac [3]
Henri Sonier de Lubac, dit Henri de Lubac, né le 20 février 1896 à Cambrai et mort le 4 septembre 1991 à Paris, était un Jésuite, théologien catholique, membre de l’Institut, et cardinal français.
Il est entré dans la Compagnie de Jésus en 1913, à l’âge de 17 ans, et a passé son noviciat sur l’île de Jersey, les congrégations étant bannies de France depuis 1904.
Il a combattu pendant la Première Guerre mondiale et il fut gravement blessé à la tête en 1917.
En 1927, il fut ordonné prêtre. En 1929, après son cursus d’études, il devint professeur de théologie fondamentale à la faculté catholique de Lyon.
En 1938, il a publié son premier livre, Catholicisme, les aspects sociaux du dogme, un essai au retentissement mondial.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s’est engagé dans la Résistance spirituelle au nazisme en France, notamment en participant à la création des Cahiers du Témoignage chrétien et en dénonçant l’idéologie nazie dans ses cours et dans ses écrits.
C’est à cette époque qu’il rédigea Le Drame de l’humanisme athée. En 1946 parut Surnaturel. Études historiques, qui fit scandale. Henri de Lubac fut alors soupçonné par le Saint Office de modernisme, l’encyclique Humani generis de 1950 semblant le viser directement. Il se vit interdit d’enseignement par le général des Jésuites, et ses livres furent retirés des écoles et instituts de formation. Consulteur au Saint-Office, le père Philippe de la Trinité critiqua également sa défense de la pensée de Teilhard de Chardin.
Ce n’est qu’en 1958 qu’Henri de Lubac fut autorisé à reprendre ses cours. La même année, il fut élu à l’Académie des sciences morales et politiques et, en 1960, Jean XXIII le nomma consultant de la commission préparatoire des théologiens au concile de Vatican II. Il devint alors un théologien écouté et respecté.
Inquiet face à ce qu’il considérait comme des « dérives postconciliaires », il publia Paradoxe et Mystère de l’Église en 1967 et Entretien autour de Vatican II. Souvenirs et réflexions en 1985.
En 1983, le pape Jean-Paul II l’avait nommé cardinal[4].
Michel de Certeau [5]
Michel Jean Emmanuel de La Barge de Certeau, dit Michel de Certeau, né le 17 mai 1925 à Chambéry et mort le 9 janvier 1986 à Paris, était un prêtre jésuite français, philosophe, théologien et historien.
Il est l’auteur d’études d’histoire religieuse (surtout sur la mystique des XVIe et XVIIe siècles), notamment avec La Fable mystique (1982), et d’ouvrages de réflexion plus générale sur l’histoire et son épistémologie, la psychanalyse, et le statut de la religion dans le monde moderne.
En 1942 et 1943, pensionnaire dans un collège des Pères maristes à La Seyne-sur-Mer (Var), il milite à la Jeunesse étudiante chrétienne et passe avec succès les deux parties du baccalauréat de première et de philo tout en participant à l’action des maquis savoyards comme agent de liaison de la Résistance.
La guerre terminée, Michel de Certeau entre au séminaire d’Issy-les-Moulineaux pour des études de philosophie préparatoires au sacerdoce (1944-1947) qu’il continue avec la théologie au séminaire de Lyon (1947-1950).
Il reçoit la tonsure en 1948 et entre au noviciat des Jésuites de Laval (Mayenne) en 1950 avant d’être ordonné prêtre à Lyon en 1956. La même année, il est cofondateur de la revue Christus.
C’est d’ailleurs essentiellement dans les revues jésuites savantes comme Christus et la Revue d’ascétique et mystique, mais aussi non jésuites et non spécifiquement chrétiennes (Esprit, Traverses, Politique aujourd’hui) qu’il publiera son travail.
Il est toujours resté fidèle à sa famille religieuse, tout en évoluant dans les milieux freudiens – il cofonda l’École freudienne de Paris, autour de Jacques Lacan (1901-1981).
En 1960, il soutient à la Sorbonne une thèse de doctorat consacrée à la vie mystique du Jésuite savoyard Pierre Favre (1506-1546)[6]. Mais ce sont ses recherches sur un autre Jésuite du XVIIe siècle, Jean-Joseph Surin, qui le firent s’intéresser plus particulièrement aux aspects humains de l’expérience religieuse, à la mystique et même à la psychanalyse.
Michel de Certeau enseigna ensuite à Genève, à San Diego[7] et à Paris.
Il publia notamment en 1968 deux articles majeurs dans la revue Études, au sein desquels il prenait parti en faveur du mouvement de Mai 68. (Il est l’auteur de la célèbre phrase : « En mai dernier, on a pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789 ».)
Il enseigna à l’Institut catholique de Paris et à l’Université Paris VIII dans les années 1970.
En 1984, il occupa une nouvelle chaire de recherche en anthropologie historique des croyances à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris. Il y organisa également plusieurs séminaires dont l’un était intitulé « Anthropologie historique des croyances, XIVe-XVIIIe siècles ».
Historien de la mystique, Michel de Certeau était une personnalité complexe ne se réclamant d’aucun lieu et dont l’œuvre traverse tous les champs des sciences sociales.
L’influence psychanalytique se retrouve fortement dans ses travaux historiographiques qui analysent le « retour du refoulé » au travers des limites arbitraires de l’histoire officielle, et la survivance du « non-dit » dans les marges de l’écrit.
Souvent cité, il est une référence dans les recherches liées aux études culturelles[8].
Dans son ouvrage passionné et passionnant, le Père Carlos Álvarez s’attelle à un sujet difficile, mais essentiel pour comprendre les évolutions et les tendances qui continuent d’influencer la théologie, et plus largement la spiritualité contemporaine et ses effets dans le monde.
Le pape François n’est-il pas un Jésuite ?
PÉTRONE
Henri de Lubac et Michel de Certeau – Le débat entre théologie et sciences humaines en regard de la mystique et de l’histoire (1940-1986) par Carlos Álvarez, Paris, Éditions du Cerf, collection « Cogitatio fidei » dirigée par Emmanuel Durand, janvier 20234, 570 pp. en noir et blanc au format 13,5 x 21 cm sous couverture brochée en couleurs, 39 € (prix France)
[1] Ce concile qui s’est déroulé en quatre sessions entre 1962 et 1965 à la basilique Saint-Pierre visait à renouveler l’Église et à favoriser le dialogue avec le monde. Il a été contesté par certains catholiques traditionalistes comme l’archevêque de Dakar, Marcel Lefebre (1905-1991) qui le considérèrent comme un faux concile et une source d’hérésies.
[2] Extrait de la quatrième de couverture.
[3] Photo : https://estebanlopezgonzalez.com/2023/03/31/henri-de-lubac-teologia-y-espiritualidad/
[4] Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_de_Lubac
[5] Photo : https://www.bing.com/images/search?view=detailV2&ccid=sYfgqhU7&id=A297D3F8CFA64D9D13DE1DE3DE21593C57123A97&thid=OIP.sYfgqhU7FnGpaTd2cVylwHaFZ&mediaurl=https%3A%2F%2Falchetron.com%2Fcdn%2Fmichel-de-certeau-23439f46-1e6a-4656-8199-8bab605a1dd-resize-750.jpeg&cdnurl=https%3A%2F%2Fth.bing.com%2Fth%2Fid%2FR.b187e0aa153b1671a969377ed9c57297%3Frik%3DlzoSVzxZId7jHQ%26pid%3DImgRaw%26r%3D0&exph=546&expw=750&q=Michel+de+Certeau&simid=608009559812566779&form=IRPRST&ck=985719AA83BB912BC0AF575BE665136B&selectedindex=5&itb=0&ajaxhist=0&ajaxserp=0&vt=0&sim=11
[6] Originaire de Saint-Jean-de-Sixt, ce dernier fut, au début de la Renaissance, un des cofondateurs de la Compagnie de Jésus (avec Ignace de Loyola). Il était révéré comme saint dans le duché de Savoie.
[7] De 1978 à 1984.
[8] Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_de_Certeau