Bernard B. Fall, né le 11 novembre 1926 à Vienne (Autriche) et mort le 21 février 1967 au Viêt Nam lors d’une sortie avec un détachement d’US Marines[1], était un historien, politologue, correspondant de guerre et photographe d’origine autrichienne, naturalisé français en 1948.
Engagé dans la Résistance française dès 1942, il a participé aux combats dans la Haute-Maurienne.
En 1955, il a décroché un doctorat en science politique à l’université de Syracuse (État de New York), où il fut professeur assistant. L’année suivante, il devint professeur en relations internationales à l’Université Howard de Washington, fut titularisé en 1962 et y enseigna par intermittence jusqu’à son décès.
Politologue de terrain, il a rencontré Hô Chi Minh, son bras militaire Võ Nguyên Giáp et son bras diplomatique Phạm Văn Đồng et il tenait ses renseignements de première main.
Sa nationalité française lui a permis d’accompagner les troupes françaises au combat, et sa position académique aux États-Unis lui a permis de faire de même avec l’armée américaine.
Ses travaux, rédigés en anglais, combinant l’analyse militaire avec des études politologiques et anthropologiques poussées, en ont fait un auteur de référence sur la guerre d’Indochine et la guerre du Viêt Nam[2].
Parmi ceux-ci, mentionnons Street Without Joy. Indochina at war, 1946-54 (1961), alias Rue sans joie, (Éditions J’ai lu, 1965 ; Les Belles Lettres, 2019) et Hell in a Very Small Place: The Siege of Dien Bien Phu (1966) publié en français chez Robert Laffont en 1968 sous le titre Dien Bien Phu, un coin d’Enfer, qui ressort aux Éditions Les Belles Lettres à l’initiative de Jean-Claude Zylberstein.
Bernard B. Fall avec des soldats américains au Viêt Nam.[3]
Présentation de Dien Bien Phu, un coin d’Enfer[4]:
Le samedi 8 mai 1954, l’avion de commandement capte le tout dernier message expédié par les Français de Dien Bien Phu : « Sortie manquée – stop – ne puis plus communiquer avec vous – stop – et fin. » La sortie d’« Isabelle »[5] vient d’échouer et c’est bien la fin. La fin de la guerre d’Indochine et de la puissance coloniale française.
Pour la première fois dans l’histoire, une guérilla a défait l’un des grands sur un champ de bataille.
La perte de Dien Bien Phu en 1954, dont le siège aura duré 167 jours, aura des conséquences comparables à celles qui suivirent Waterloo, la Marne et Stalingrad.
Comment en est-on arrivé à cette situation désespérée à la veille de la conférence de Genève ?
Minutieusement, Bernard Fall, après avoir recueilli les témoignages des survivants des deux camps, interrogé les acteurs essentiels de ce drame comme Hô Chi Minh et Giap à Hanoï, et obtenu du ministre français des Armées l’autorisation de consulter des documents de première importance encore tenus secrets, reconstitue la bataille.
Il décrit l’assaut puis l’asphyxie de Dien Bien Phu par une guerre de tranchée qui rappelle Verdun, et conduit le lecteur dans l’enfer du camp retranché où les blessés sont terrés avec la vermine dans d’obscurs boyaux. Il montre comment les 13 000 hommes de la garnison française, composée à 70% de légionnaires, d’Algériens, de Marocains, de Sénégalais et de Vietnamiens, s’opposèrent aux 50 000 combattants Vietminh et aux 55 000 requis sans armes – hommes, femmes, vieillards.
Bernard Fall dévoile la vérité sur les aspects cachés de cette tragédie en répondant à des questions cruciales :
– Quels furent réellement les rôles et les rapports des généraux Navarre, Cogny et de Castries ?
– Pourquoi les États-Unis ne sont-ils pas intervenus ?
– A-t-on envisagé un bombardement atomique ?
– Et, surtout, l’histoire du Vietnam aurait-elle pris sa tournure actuelle si l’on avait évité une défaite décisive en 1954 ?
Un page-turner à l’instar des ouvrages de Lucien Bodard[6] et de Jean Lartéguy[7], doublé d’un essai historique magistral comparable à A Time For Trumpets: The Untold Story of the Battle of the Bulge (1984, paru en français en 1994 sous le titre Noël 44 – La Bataille d’Ardenne) de Charles B. MacDonald[8] !
PÉTRONE
Dien Bien Phu – Un coin d’Enfer par Bernard Fall, préface à la présente édition de Nathaniel L. Moire, préface de Roger Lévy, ouvrage traduit de l’américain par Michel Carrière revue et corrigée par Michel Désiré, Paris, Éditions Les Belles Lettres, collection « Le goût de l’Histoire » dirigée par Jean-Claude Zylberstein, mars 2024 [1968], 723 pp. en noir et blanc au format 13,5 x 19,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 19,50 € (prix France)
[1] Il est mort dans le cadre de l’opération Chinook II (19 février – 4 avril 1967), en sautant saute sur une mine posée sur la route dite La rue sans joie qui reliait les localités de Hué et Quảng Trị.
[2] Source : Bernard B. Fall — Wikipédia (wikipedia.org)
[3] US Army Photo – (Specific Photographer not determined), Public domain, via Wikimedia Commons.
[4] D’après sa 4e de couverture.
[5] Le lieu-dit « Isabelle » était un point isolé au sud-est, à environ deux kilomètres de la garnison principale de Dien Bien Phu.
[6] Lucien Bodard, né le 9 janvier 1914 à Chongqing en Chine et mort le 2 mars 1998 à Paris, était un écrivain et un journaliste français, ancien grand reporter à France-Soir, qui fut récompensé par le Prix Goncourt en 1981 et le Prix interallié en 1973. Il posa un regard incisif sur le premier conflit indochinois qu’il a couvert en tant que correspondant de presse dans La Guerre d’Indochine I – L’Enlisement (1963) ; La Guerre d’Indochine II – L’Humiliation (1965) ; La Guerre d’Indochine III – L’Aventure (1967).
[7] Jean Lartéguy, nom de plume de Lucien Pierre Jean Osty, né le 5 septembre 1920 à Maisons-Alfort et mort le 23 février 2011 à l’hôtel des Invalides à Paris, était un écrivain et journaliste français qui fut notamment grand reporter à Paris-Presse à partir de 1952 et correspondant de guerre pour Paris Match (il reçut le prix Albert-Londres en 1955). Il couvrit de nombreux événements majeurs de la seconde moitié du XXe siècle comme la révolution d’Azerbaïdjan, les guerres de Palestine, de Corée, d’Indochine, d’Algérie, du Viêt Nam, ainsi que les révolutions en Amérique latine. Son roman Le Mal jaune (1962) se penche sur l’histoire de Hanoi et de Saigon après la chute de Dien Bien Phu.
[8] Charles B. MacDonald, né à Little Roc (Caroline du Sud) le 23 novembre 1923 et mort à Arlington (Virginie) le 4 décembre 1990 était un écrivain et historien militaire américain. Il a combattu en Europe à partir de septembre 1944 en tant que capitaine d’une compagnie du 23e régiment d’infanterie. Il a participé à la bataille de la forêt de Hürtgen et à la bataille des Ardennes ou il a été blessé le 17 janvier 1945. En 1957, il a obtenu un poste de chercheur au sein du prestigieux United States Army Center of Military History, qu’il quitta en qualité de Deputy Chief Historian en 1979.