« Le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse. » (Épicure)

Applaudissons à la publication par Les Belles Lettres à Paris d’une version bilingue des Lettres, Maximes et Sentences, à savoir les condensés de doctrine que sont la Lettre à Hérodote (physique), la Lettre à Pythoclès (phénomènes célestes), la Lettre à Ménécée (éthique), les 40 Maximes capitales et les 81 Sentences vaticanes (découvertes dans un manuscrit du Vatican datant du XIVsiècle) d’Épicure accompagnées d’une introduction et de notes du célèbre philosophe français contemporain André Comte-Sponville (°1952) qui écrit :

« Pourquoi lire Épicure ? Parce qu’il est un grand philosophe ? Certes. Parce que son école eut une très longue et très profonde influence ? Sans doute. Mais aussi et surtout parce qu’il est à bien des égards notre contemporain (…) et beaucoup plus, selon moi, qu’aucun autre philosophe de la Grèce antique : parce qu’il pense un univers illimité et dépourvu de finalité, comme le nôtre, un monde fini et mortel, comme le nôtre, une histoire dangereuse et incertaine, comme la nôtre, le tout à une époque de crises et de bouleversements, comparable en cela à celle que nous vivons ; et parce qu’il nous apprend à y trouver, à la mesure de nos moyens, le chemin d’un certain bonheur, adapté à notre finitude, et d’une certaine sagesse, ouverte sur l’infini. »[1]

Épicure était un philosophe grec, né à la fin de l’année 342 av. J.-C. ou au début de l’année 341 av. J.-C. et mort en 270 av. J.-C. Il est le fondateur, en 306 av. J.-C., de l’épicurisme, l’une des plus importantes écoles philosophiques de l’Antiquité.

Sa philosophie s’opposait à la philosophie platonicienne, aristotélicienne et stoïcienne.

L’école d’Épicure a parfois été appelée « Jardin » en raison du lieu, hors des murs d’Athènes, où il vivait avec sa famille et ses amis-disciples qui comprenaient, fait assez rare à l’époque, des femmes et des esclaves.

La philosophie d’Épicure est d’abord fondée sur une théorie physique, issue pour une grande part de la physique de Démocrite : tout ce qui existe est composé d’atomes qui se meuvent dans le vide par des mouvements aléatoires. Tout doit son existence à la rencontre des atomes, même les dieux qui sont immortels et indifférents aux affaires humaines. Il n’y a pas de providence. L’âme n’est qu’une partie du corps, composée aussi d’atomes qui se dispersent à la mort. Il n’y a pas de vie après la mort, pas de destin, pas de finalité.

L’épicurisme est donc un matérialisme radical.

Portrait d’Épicure

Copie romaine d’un original hellénistique, British Museum[2]

Pour Épicure, le plaisir se trouve par conséquent à la base du bonheur humain, mais la jouissance sereine de certains plaisirs nécessite la paix de l’âme, la sérénité, l’ataraxie[3].

La crainte des dieux est vaine : ils sont hors du monde et ne s’occupent pas de nous, ils n’ont ni à être priés, ni à être craints. Et la crainte de la mort est vaine, elle aussi, parce que la mort n’est rien : rien pour les vivants puisqu’ils sont vivants, rien pour les morts puisqu’ils n’ont plus d’être, ni de sensibilité.

Mais il faut éviter les douleurs corporelles et pour cela choisir entre les plaisirs car certains d’entre eux (désirs de gloire, de pouvoir, de richesses, passion amoureuse, etc.) peuvent apporter plus de maux que de biens.

Il vaut donc mieux renoncer aux plaisirs vains et opter pour des plaisirs naturels qu’il est aisé de satisfaire (À Ménécée, 130) et dont les désagréments et les douleurs sont le moins à craindre.

L’épicurisme est ainsi un hédonisme a minima. La prudence sert à choisir, pour ce qui est de soi, et la morale, pour ce qui est des autres.

L’amitié et la famille sont des valeurs essentielles de l’épicurisme.

Le plaisir, tel que l’entend Épicure, est un plaisir partagé. La « vie bienheureuse » suppose l’amitié qui est le plus grand bienfait que l’on doive à la sagesse.

L’épicurisme fut, avec le stoïcisme[4], la philosophie privilégiée par les élites romaines de la République et de l’Empire jusqu’au IIIsiècle.

C’est à cette époque que les chrétiens considérèrent l’épicurisme comme une hérésie à détruire, définie par trois critères : indifférence des dieux (devenue au Ve siècle athéisme dissimulé), matérialisme et mortalité de l’âme[5].

Leur propagande, jointe à l’ignorance des textes du philosophe grec, finirent par réduire, dans l’opinion commune, sa doctrine à de l’hédonisme paillard…

PÉTRONE

Lettres, Maximes et Sentences par Épicure, édition bilingue, textes traduits du grec ancien par Alfred Ernout et Jean-Louis Poirier, introduction et notes par André Comte-Sponville, Paris, Éditions Les Belles Lettres, collection « Classiques en poche », février 2024, 179 pp. en noir et blanc au format 11 x 18 cm sous couverture brochée en couleurs, 13,50 € (prix France)


[1] Quatrième de couverture.

[2] Photo Marie-Lan Nguyen (2011), domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1447258

[3] L’absence de trouble.

[4] Le stoïcisme est une école de philosophie hellénistique fondée à Athènes par Zénon de Kition à la fin du IVsiècle av. J.-C. Pour le stoïcisme, « la vertu est le seul bien » pour les êtres humains et les choses extérieures telles que la santé, la richesse et le plaisir ne sont ni bonnes ni mauvaises en soi, n’ayant de valeur qu’en tant que « matière sur laquelle la vertu peut agir ».

[5] Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89picure

Date de publication
vendredi 23 février 2024
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