Deux ans avant la publication, en 2022 aux Éditions Alisio à Paris, de son essai biographique magistral intitulé Les Frères Goering – Le nazi et le résistant consacré aux rapports étranges qu’entretenait le fondateur de la Gestapo avec son frère résistant antinazi et activiste philosémite, l’écrivain britannique James Wyllie s’était penché dans Femmes de nazis sur un sujet largement méconnu et ô combien éclairant, à savoir la destinée de sept épouses de hauts digitaires du Troisième Reich, Carin puis Emmy Goering, Magda Goebbels, Ilse Hess, Margarete Himmler, Gerda Bormann et Lina Heydrich, ainsi que celles de Geli Raubal puis d’Eva Braun, les compagnes successives d’Adolf Hitler.
Recoupant de nombreuses archives, cet ouvrage méticuleux et passionnant suit au quotidien la trajectoire de ces égéries farouches ou fanatiques soutenant leur homme lancé à la conquête du pouvoir avant de jouer un rôle important, quoique parfois discret, dans la conduite des affaires politiques – y compris antisémites – de l’État et dans les intrigues suscitées par les rivalités d’égos, la recherche des richesses matérielles, l’ambition personnelle (voire les jalousies amoureuses[1]) tout en servant de modèles aux femmes du peuple allemand dont il était attendu qu’elles s’occupent en priorité de leur logis et qu’elles procréent en abondance.
On y croise d’autres figures plus ou moins interlopes gravitant dans leurs alentours, celles d’Erika Canaris, l’épouse de l’amiral responsable de l’Abwehr[2], d’Irène Schellenberg, la femme du gestapiste qui dirigea la section espionnage du RSHA[3], de Leni Riefenstahl, la célèbre cinéaste nazie, d’Unity Mitford, la groupie anglaise d’Hitler, amoureuse d’icelui au point de se tirer une balle dans la tête pour n’en être pas séparée, de Lida Baarova, une jeune actrice tchèque qui fut la maîtresse de Goebbels entre 1936 et 1938, de Manja Behrens qui fit ménage à trois avec Gerda et Martin Bormann, le conseiller personnel du Führer…
Avant de constater in fine qu’aucune de ces neuf femmes n’a eu, après la Seconde Guerre mondiale, à répondre de ses actes devant la justice des hommes…
PÉTRONE
Femmes de nazis – Dans l’ombre de Goebbels, Goering, Himmler… par James Wyllie, ouvrage traduit de l’anglais par Sabine Rolland, Paris, Éditions Pocket, collection « Histoire », novembre 2021 [Alisio, novembre 2020], 459 pp. en noir et blanc au format 10,7 x 17,7 cm sous couverture brochée en couleurs, 8,60 € (prix France)
[1] Magda Goebbels était follement amoureuse d’Adolf Hitler, ce qui ne passait pas inaperçu dans son entourage, au point que son chauffeur nota avec ironie que lorsqu’elle se trouvait en présence du Führer, on pouvait « entendre ses ovaires s’agiter »…
[2] Le service de renseignement de l’état-major allemand.
[3] Le Reichssicherheitshauptamt (Office central de la sûreté du Reich, abréviation : RSHA) était une organisation créée afin d’accroître l’efficacité de la lutte contre les « ennemis du Parti et de l’État national-socialiste ainsi que contre toutes les forces de désagrégation dirigées contre eux ». Le RSHA, en tant que l’un des douze principaux offices centraux de la SS, représentait, avec ses presque 3 000 employés, la principale administration centrale qui dirigeait l’essentiel des organes de répression allemands au temps du national-socialisme.