Sorj Chalandon, né à Tunis le 16 mai 1952, est un journaliste et romancier français de très grande envergure.

Son enfance fut marquée par la violence et la mythomanie de son père, qu’il a décrites dans Profession du père[1] (2015).

Il souffrit alors de bégaiement, ce qui lui a inspiré son premier roman, Le Petit Bonzi[2](2005).

Il a participé à la création du quotidien Libération, dont il fut journaliste de 1973 à 2007.

Chroniqueur judiciaire, grand reporter, puis rédacteur en chef adjoint de ce quotidien, il est l’auteur de reportages sur l’Irlande du Nord[3] et sur le procès de Klaus Barbie qui lui ont valu le prix Albert-Londres en 1988.

Depuis août 2009, Sorj Chalandon est journaliste au Canard enchaîné, où il tient la rubrique « La Boîte aux images » (consacrée à des programmes de télévision) et pour lequel il rédige des critiques de cinéma.

Ses romans sont publiés chez Grasset, à l’instar d’Une promesse, Prix Médicis 2006, La Légende de nos pères[4] (2009), Le Quatrième Mur, Prix Goncourt des lycéens 2013[5].

En 2008, son roman Mon traître[6] s’inspirait de sa vie personnelle : son amitié avec Denis Donaldson, vue par le biais d’un narrateur parisien luthier. En 2011, l’histoire romancée sera racontée sous l’angle du « traître », dans Retour à Killybegs, Grand Prix du Roman de l’Académie française[7].

En novembre 2013, le Prix Goncourt des Lycéens lui est attribué pour Le Quatrième Mur qui décrit le rêve utopique d’un metteur en scène voulant monter Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth dans les années 1980, pendant la guerre du Liban.

En 2017, il a fait paraître Le Jour d’avant[8] sur la catastrophe minière de Liévin-Lens qui fit quarante-deux morts le 27 décembre 1974, puis Une joie féroce en 2019 et Enfant de salaud en 2021.

Enfin, en ce mois d’août 2023, Sorj Chalandon a publié L’Enragé, un roman basé sur la révolte qui en 1934 secoua la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer et dans lequel il imagine le destin d’un évadé âgé de 18 ans, Bonneau dit « La Teigne ».

Écoutons l’auteur :

« En 1977, alors que je travaillais à Libération, j’ai lu que le Centre d’éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer allait être fermé.

Ce mot désignait en fait une colonie pénitentiaire pour mineurs. Entre ses hauts murs, où avaient d’abord été détenus des Communards, ont été “rééduqués” à partir de 1880 les petits voyous des villes, les brigands des campagnes, mais aussi des cancres turbulents, des gamins abandonnés et des orphelins. Les plus jeunes avaient 12 ans.

Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur.

Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé. Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes.

Tous ont été capturés.

Tous ? Non : aux premières lueurs de l’aube, un évadé manquait à l’appel.

Je me suis glissé dans sa peau et c’est son histoire que je raconte.

Celle d’un enfant battu qui me ressemble. La métamorphose d’un fauve né sans amour, d’un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues. »

Rédigé à la première personne avec autant de force stylistique – la première scène de l’ouvrage est formidable – que de finesse psychologique, le récit est glaçant des conditions de vie imposées aux détenus de ce bagne pour jeunes qui y subirent à l’époque d’innombrables sévices, brimades, maltraitances et même viols et à qui Jacques Prévert (dans le poème Chasse à l’enfant, 1936) et Marcel Carné (dans le film La Fleur de l’âge, 1947, inachevé) ont rendu un hommage retentissant.

Moins puissant et bouleversant, toutefois, que celui adressé par Sorj Chalandon à son inoubliable enragé et à ses compagnons d’infortune…

PÉTRONE

L’Enragé par Sorj Chalandon, Paris, Éditions Grasset, août 2023, 407 pp. en noir et blanc au format 22,6 x 30,3 cm sous couverture brochée en couleurs, 22,50 € (prix France)

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[1] Prix du Style 2015. Adapté en bande dessinée sous le même titre (scénario et dessin de Sébastien Gnaedig, Éditions Futuropolis, 2018). Adapté au cinéma par Jean-Pierre Améris (2020).

[2] Prix du premier roman de l’université d’Artois. Prix littéraire ENS Paris-Saclay.

[3] Repris dans Notre revanche sera le rire de nos enfants : reportages Irlande, Libération (1977-2006), Black-star (s)éditions (2022).

[4] Prix Ouest du Printemps du Livre, 2010. Prix Biennale du Livre d’Histoire 2010.

[5] Ainsi que, dans la Liste Goncourt : le Choix de l’Orient 2013 et le Choix roumain 2013. Également Prix des lecteurs Escale du livre 2014 (Bordeaux). Prix des Écrivains croyants 2014. Prix des libraires du Québec 2014.

[6] Prix Jean-Freustié, Prix Joseph-Kessel, Prix Marguerite Puhl-Demange, Prix Simenon, Prix Gabrielle-d’Estrées, Prix Lettres Frontière 2008.

[7] Ainsi que, dans la Liste Goncourt : le Choix de la Pologne 2011 et le Choix de la Serbie 2012.

[8] Prix Libraires en Seine 2018. (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sorj_Chalandon)