Lauréat du Prix de la BD d’Histoire contemporaine 2023 créé par l’association Lire la Société[1], une récompense attribuée chaque année à une BD consacrée à la période allant du 4 septembre 1870, date de l’instauration de la Troisième République française, jusqu’à nos jours, l’album très documenté et fort passionnant Le matin de Sarajevo de Jean-Charles Chapuzet et Christophe Girard (Grenoble, Éditions Glénat) narre par le menu, avec un sens remarquable de la construction du récit, la préparation et le déroulement, au matin du 28 juin 1914 par jeune nationaliste serbe du nom de Gavrilo Princip (1894-1918)[2], de l’assassinat dans la capitale de la Bosnie-Herzégovine, de l’archiduc François-Ferdinand de Habsbourg-Lorraine (°1863), héritier de l’Empire austro-hongrois, et de son épouse Sophie Chotek de Chotkowa et Wognin (°1868), duchesse de Hohenberg, un acte terroriste qui sera le casus belli de la Première Guerre mondiale et, par ricochet, à l’origine de la chute des empires centraux et de la fin de la prééminence de l’Europe dans le monde.

On y suit heure par heure, au gré de cette journée marquée par l’absurde et le hasard, un groupe de conspirateurs inexpérimentés, mais décidés, maladroits, mais chanceux, imprudents, mais hardis, qui ne parviendront à leurs fins qu’après une succession d’improbabilités et de machinations vouées à l’insuccès.

Par exemple, postés le long du quai de la rivière Miljacka à guetter la voiture de l’héritier, ils échoueront d’abord dans leur tentative, un de ces bras cassés allant jusqu’à se tromper dans le compte à rebours avant de jeter sa bombe…

Jusqu’au moment où Princip profitera d’un instant inespéré pour passer à l’action avec un Browning M1910…

Parallèlement au récit de cette matinée, on remonte le temps pour connaître la personnalité du jeune François-Ferdinand, que rien ne prédestinait à monter sur le trône.

Enfin, on croise bien plus tard, en 1957 et en Yougoslavie communiste, un jeune écrivain encore inconnu, Georges Perec (1936-1982), qui travaille alors un nouveau projet de roman, L’Attentat de Sarajevo, qui paraîtra en 2016, 34 ans après son décès…

Un récit palpitant !

PÉTRONE

Le matin de Sarajevo par Jean-Charles Chapuzet et Christophe Girard, Grenoble, Éditions Glénat, collection « 1000 Feuilles », septembre 2022, 128 pp. en quadrichromie au format 20 x 27,3 cm sous couverture cartonnée en couleurs, 24 € (prix France)

[1] 233 boulevard Saint-Germain, 75007 Paris ; Site : https://www.lirelasociete.com/

[2] N’ayant pas encore vingt ans au moment de l’attentat, Gavrilo Princip ne pouvait être condamné à mort en Autriche-Hongrie. Incarcéré et placé à l’isolement dans la forteresse de Theresienstadt, dans une cellule sans toit, à la merci de la neige et de la pluie, il souffrit de la faim et fut également victime de la vindicte de ses gardiens. La tuberculose qu’il avait contractée avant l’attentat se diffusa dans les os et, amputé du bras droit, il mourut en avril 1918 après une longue agonie.