Heurs du crime

Saluons comme il se doit, d’un grand coup de borsalino, les Éditions Omnibus à Paris qui viennent de rééditer, sous le titre Coups de feu dans la nuit, l’intégrale des 65 nouvelles écrites par Dashiell Hammett (1894-1961), car le moins que l’on puisse écrire, c’est qu’il s’agit-là d’un véritable régal !

Né à Baltimore (Maryland) dans une famille pauvre, cet écrivain américain avait été, entre 1915 et 1922, détective chez Pinkerton à San Francisco (une agence célèbre dont tous le personnel était vêtu et chaussé de noir, ce qui inspira à Hergé la tenue des Dupond-Dupont), avant de rallier la rédaction du magazine pulp[1] Black Mask pour y révolutionner la littérature policière en créant la “Hard-boiled School” –que l’on pourrait traduire par l’« école des durs à cuire »– où il mettait en scène deux figures de limiers devenues mythiques, celle de Sam Spade, le personnage principal du Faucon maltais (immortalisé en 1941 à l’écran par Humphrey Bogart dans le film de John Huston), et celle du Continental Op’, un employé anonyme de l’agence Continentale, héros de la plupart des récits policiers de Hammett.

La revue Black Mask devint alors le creuset d’un type de récits durs mettant en scène, dans un langage peu policé, des détectives privés solitaires aux prises avec la corruption de la grande ville, ses flics pourris, ses gangsters violents, ses femmes fatales, ses histoires sordides, la prohibition, la prostitution, les coups tordus et la délinquance abjecte, aux antipodes du petit monde so British d’Agatha Christie ou d’Arthur Conan Doyle.

Dashiell Hammett fut bientôt rejoint dans les colonnes de Black Mask par un autre géant littéraire yankee, Raymond Chandler (1888-1959), le créateur de Philip Marlowe (dans Le Grand sommeil, un roman traduit en français par Boris Vian), ainsi que par un grand maître du polar, Erle Stanley Gardner (1889-1970), à qui l’on doit le fameux avocat-détective Perry Mason.

La carrière de Dashiell Hammett ne dura que douze ans (jusqu’en 1934), après quoi cet auteur prolixe sombra dans l’alcoolisme avant de devenir l’une des victimes les plus durement frappées par le fascisme maccarthyste (il fut même jeté en prison tandis que les bibliothèques publiques étaient purgées de ses œuvres) et de mourir à New York des suites d’un cancer du poumon.

Ses écrits eurent néanmoins de nombreux émules parmi les écrivains du XXe siècle, notamment Georges Simenon et Jean-Patrick Manchette.

PÉTRONE

Coups de feu dans la nuit par Dashiell Hammett, préface de Richard Layman, présentation de Natalie Beunat, Paris, Éditions Omnibus, janvier 2011, 1312 pp. en noir et blanc au format 13 x 19,5 cm sous couverture brochée en couleurs et à rabats, 29 € (prix France)


[1] Pour « pulpe » : nom donné au mauvais papier imprégné de morceaux de bois sur lesquels ces ouvrages étaient imprimés ; il semble que Black Mask soit le pulp magazine qui inspira Quentin Tarantino en 1994 pour son film Pulp Fiction dont le titre d’origine aurait été Black Mask avant d’être définitivement changé. (Voir http://www.blackmaskmagazine.com/history.html).

Date de publication
mercredi 12 janvier 2011
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