Konrad Witz (ca 1400 – 1445/46) était un peintre originaire de Souabe, né sans doute à Rottweil, mort à Bâle pendant l’hiver 1445 ou au printemps 1446.

En 1444, il a peint La Pêche miraculeuse, une détrempe sur bois destinée à la cathédrale Saint-Pierre de Genève.

Pour la première fois dans l’histoire de la peinture, il a installé le thème religieux qui lui était commandé dans un paysage réel, celui du Petit-Lac à Genève avec son arrière-plan de montagnes parfaitement reconnaissables, réussissant ce prodige sans avoir recours aux conventions optiques de la perspective italienne qui s’imposaient alors partout en Europe.

Dans Mensonges en perspective – Les images après La Pêche miraculeuse de Konrad Witz, un essai fortement documenté paru chez Slatkine à Genève, le peintre, dessinateur et critique d’art suisse – dans les colonnes du Temps, entre autres – Laurent Wolf (°1944) soupçonne que Witz a volontairement refusé ces conventions.

Pour appuyer sa thèse, il décompose l’architecture des peintures de l’artiste allemand installé à Bâle et les réinterprète avec son propre savoir-faire de dessinateur.

Ce faisant, il découvre une parenté sidérante entre Witz, Cézanne et les artistes du XX^e siècle qui, ayant délaissé la perspective, se sont occupés de la manière dont les corps et les objets se répartissent dans l’espace.

Et cette découverte remet en jeu cinq siècles d’histoire des images.

Car, à la fin du Moyen Âge, sous l’autorité de l’Église et pour son rayonnement, les artistes ont conçu les outils donnant aux images l’apparence d’un monde réel.

Armés de machines à regarder, ils ont alors fabriqué le point de vue à partir duquel il convenait de voir.

La Tavoletta de Brunelleschi (ill. Jim Anderson, 2008)

Ce point de vue, la photographie et les écrans l’ont universalisé.  Et les images, depuis lors, prétendent à la vérité.

Or, cette vérité-là ment.

La Pêche miraculeuse par Konrad Wilz (1444).

Avec en arrière-plan les Voirons, le Môle et le mont Salève vus depuis Genève.

Détrempe sur bois, 132 × 154 cm, Genève, Musée d’Art et d’Histoire.

Car l’œuvre de Konrad Witz prouve qu’une autre façon de voir était possible à son époque et qu’elle l’est redevenue bien plus tard[1].

PÉTRONE

Mensonges en perspective – Les images après La Pêche miraculeuse de Konrad Witz par Laurent Wolf, Genève, Éditions Slatkine, octobre 2022, 219 pp. en quadrichromie au format 15,5 x 23,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 35 € (prix France)

[1] Sources : Éditions Slatkine et Wikipédia.