Nature inhumaine…

Docteur ès sciences économiques (1969), Philippe Simonnot, né le 10 juillet 1941 et mort le 17 novembre 2022, est l’auteur de nombreux ouvrages d’économie et de chroniques économiques parues dans la presse, notamment dans Le Monde et Le Figaro.

Quelques jours avant son décès, les Éditions du Cerf à Paris ont fait paraître son ultime ouvrage, Le brun et le vert – Quand les nazis étaient écologistes, un essai fortement documenté retraçant l’histoire occultée ou méconnue des liens troublants que, dans les années 1930, le nazisme en plein essor a entretenus avec l’écologie émergente par l’entremise des travaux et de l’action d’Ernst Haeckl[1] (un zoologiste d’extrême droite, inventeur du mot « écologie »), de Walther Schoenichen[2] et de Richard Walther Darré[3], entre autres.

En procédant à l’examen minutieux des conceptions et des actes du Troisième Reich relatifs notamment à la nature, à l’agriculture, à la création de parcs nationaux ou encore à la protection des forêts et des animaux, Philippe Simonnot démontre que l’écologisme dont se revendiquait le nazisme reposait sur l’idéalisation d’une nature sauvage, mâtinée de darwinisme social, porteuse d’une exaltation de la force et d’une aspiration païenne à la volonté de puissance. De ce fait, elle participait de l’antihumanisme fondamental de ce totalitarisme.

Un ouvrage pour le moins interpellant !

PÉTRONE

Le brun et le vert – Quand les nazis étaient écologistes par Philippe Simonnot, Paris, Éditions du Cerf, novembre 2022, 230 pp. en noir et blanc au format 14 x 21,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 19 € (prix France)


[1] Ernst HAECKEL, né le 16 février 1834 à Potsdam et mort le 9 août 1919 à Iéna, était un biologiste, philosophe et libre penseur allemand. Il a fait connaître les théories de Charles Darwin en Allemagne et a développé une théorie des origines de l’être humain. Les idéologues nazis ont utilisé ses écrits comme justification de leurs théories racistes et du darwinisme social. (Les idées principales associées au darwinisme social sont la notion de « lutte pour la vie » entre les hommes conçue comme étant l’état naturel des relations sociales et le rôle central donné au conflit en soi vu comme la source fondamentale du progrès et de l’amélioration de l’être humain. Ces idées ont souvent comme conséquence, sur le plan politique, une volonté de réduire, voire de supprimer l’influence des institutions et des comportements faisant obstacle à l’expression de la lutte pour l’existence et à la sélection naturelle, qui aboutissent à l’élimination des moins aptes et à la survie des plus aptes).

[2] Walther SCHOENICHEN, né le 18 juillet 1876 à Cologne et mort le 22 novembre 1956 à Göppingen, était un biologiste allemand. Il a étudié les sciences naturelles à Halle et obtenu un doctorat en 1898. En 1922, il devient directeur de la Staatliche Stelle für Naturdenkmalpflege-in Preußen (Office d’État pour la préservation de la nature prussienne). Schoenichen a été antisémite pendant une grande partie de sa carrière, écrivant en 1926 que « le peuple [allemand] est confronté à un déclin de l’hygiène raciale », et décrivant les panneaux publicitaires comme une « infection par la toxine juive ». En 1932, il rejoint le parti nazi avant de devenir directeur de la Reichstelle für Naturschutz (Département du Reich de la conservation de la nature) en 1942, année où il publie Naturschutz als völkische und internationale Kulturaufgabe, un ouvrage dans lequel, notamment, les progrès techniques sont dénoncés comme « des crimes contre la nature ». De 1949 jusqu’à sa mort, Schoenichen fut professeur à l’Université technique de Brunswick.

[3] Richard Walther DARRÉ, né à Buenos Aires le 14 juillet 1895 et mort à Munich le 5 septembre 1953, était un général SS (SS-Obergruppenführer). Diplômé d’agronomie par l’université de Halle en 1929, il fut l’un des principaux théoriciens nazis de l’idéologie Blut und Boden (« Le sang et le sol »). Reichsleiter du parti national-socialiste, il a été chef du bureau de la race et du peuplement (RuSHA) de la SS de 1931 à 1938, et ministre de l’Alimentation et de l’Agriculture du Troisième Reich de 1933 à 1942. À ce titre, il participa à l’adoption et à la mise en œuvre en 1935 d’une des premières législations de protection de la nature. (Sources : Wikipédia.)

Date de publication
mardi 29 novembre 2022
Entrez un mot clef :