Émile Verhaeren est né le 21 mai 1855 à Saint-Amand en Belgique, au bord de l’Escaut, dans une famille aisée d’origine bruxelloise où l’on parlait le français. Il fréquenta d’abord l’internat francophone Sainte-Barbe, tenu par des jésuites à Gand, puis il étudia le droit à l’université catholique de Louvain. C’est là qu’il fréquenta le cercle des écrivains qui animaient La Jeune Belgique et qu’il publia en 1879 de premiers articles dans des revues estudiantines.
Le jurisconsulte socialiste, avocat à la cour d’appel de Bruxelles et à la Cour de cassation, mais aussi écrivain et Figure importante du mouvement symboliste Edmond Picard (1836-1924) tenait à Bruxelles un salon hebdomadaire où le jeune Verhaeren put rencontrer des écrivains et des artistes d’avant-garde. C’est alors qu’il décida de renoncer à une carrière juridique et de devenir écrivain. Il publia des poèmes et des articles critiques dans des revues belges et étrangères, entre autres L’Art moderne et La Jeune Belgique. Comme critique d’art, il soutint de jeunes artistes tels le peintre ostendais James Ensor. (1860-1949).
En 1883, il publia son premier recueil de poèmes réalistes-naturalistes, Les Flamandes, consacré à sa région natale. Accueilli avec enthousiasme par l’avant-garde, l’ouvrage fit scandale et ses parents essayèrent même avec l’aide du curé du village d’acheter la totalité du tirage et de le détruire. Émile Verhaeren n’en continue pas moins par la suite à publier d’autres livres de poésies symbolistes au ton lugubre, Les Moines (1886), Les Soirs (1887), Les Débâcles (1888) et Les Flambeaux noirs (1891).
Dans les années 1890, Verhaeren s’intéresse aux questions sociales et se lance dans la « révolte anarchiste ». Son implication sociale apparaît clairement dans des articles et des poèmes parus dans la presse libertaire (L’En-dehors, Le Libertaire, La Revue blanche…).
Il s’efforce de rendre dans ses textes l’atmosphère de la grande ville et de son opposé, la vie à la campagne dans des recueils comme Les Campagnes hallucinées (1893), Les Villes tentaculaires (1895), Les Villages illusoires (1895) et dans sa pièce de théâtre Les Aubes (1898).
Portrait d’Émile Verhaeren par Théo Van Rysselberghe (1915)
Ces textes le rendent célèbre, et son œuvre est traduite et commentée dans le monde entier. Il voyage alors pour faire des lectures et donner des conférences dans une grande partie de l’Europe.
Il suscite l’admiration de beaucoup d’artistes, de poètes et d’écrivains comme Seurat, Paul Signac, Auguste Rodin, Edgar Degas, August Vermeylen, Antonio de La Gandara, Georges Léon Bazalgette, Henry van de Velde, Théo Van Rysselberghe, Max Elskamp, Maurice Maeterlinck, Stéphane Mallarmé, André Gide, Rainer Maria Rilke, Gostan Zarian ou encore Stefan Zweig qui correspondent avec lui, cherchent à le fréquenter et le traduisent, tandis que les artistes liés au futurisme[1] subissent son influence.
En 1914, malgré sa neutralité, la Belgique est occupée presque entièrement par les troupes allemandes. Verhaeren se réfugie alors en Angleterre où il écrit des poèmes pacifistes et lutte contre la folie de la guerre dans les anthologies lyriques, La Belgique sanglante, Parmi les Cendres et Les Ailes rouges de la Guerre (1916).
Le 27 novembre 1916, il visite les ruines de l’abbaye de Jumièges. Le soir, après avoir donné une nouvelle conférence à Rouen plus tôt dans la matinée, il meurt accidentellement, ayant été poussé par la foule, nombreuse, sous les roues d’un train qui partait[2].
Le comité gérant la collection « Espace Nord » publiée par la Fédération Wallonie-Bruxelles a eu l’excellente idée de ressortir ses Contes de minuit (Conte gras, Noël blanc et À l’Éden) publiés en 1884, complétés de 16 autres nouvelles[3] parues dans des revues et qui ne furent pas rassemblées en volume du vivant de leur auteur, certaines ayant disparu de la circulation depuis plus de vingt lustres.
Après avoir appris que le Christ était né en Flandre, que les églises et les théâtres s’animent après le départ des spectateurs et des fidèles, que l’on peut pêcher son âme dans l’Escaut, on y est confronté à un tableau dévorateur, des statues qui semblent prendre vie, une sarabande de spectres, des coïncidences troublantes, des visions hallucinées, des morts aussi tragiques qu’énigmatiques, tandis que les paysages flamands s’y nimbent d’une aura de mystère et que les cités espagnoles y fourmillent de drames angoissants.
Captivant !
PÉTRONE
Contes de minuit et autres nouvelles – Anthologie par Émile Verhaeren, établissement des textes et postface par Christophe Meurée, Bruxelles, Fédération Wallonie-Bruxelles, collection « Espace Nord », octobre 2022, 180 pp. en noir et blanc au format 12 x 18,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 9 €
[1] Le futurisme est un mouvement littéraire et artistique européen du début du XXe siècle (de 1910 à 1920), qui rejette la tradition esthétique et exalte le monde moderne, en particulier la civilisation urbaine, les machines et la vitesse.
[2] Sources : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89mile_Verhaeren
[3] Visite à une fonderie d’art (1882), Noël en Flandre (1899), Noël flamand (1882), Le travailleur étrange (s.d.), Le funèbre attelage (1900), L’incendie (1895-1904), À la recherche de son âme (1893), À la Bonne Mort (s.d.), Les trois amies (s.d.), La villa close (1883), Attendre cent ans (1877), Un réveil (1888), Le plus précieux des cinq sens (1891), Un soir (entre 1892 et 1895), Les arènes de Haro (1912), À Saint-Sébastien (1912).