Portrait d’un monstre…

Journaliste français spécialiste de l’Afrique, Jean-Pierre Langellier a travaillé pendant trente-cinq ans au quotidien Le Monde, dont la moitié comme correspondant à l’étranger. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels, chez Perrin en 2021, une biographie de Léopold Sédar Senghor.

En 2017, dans la même maison parisienne, il avait fait paraître Mobutu, un brillant essai abondamment documenté sur la vie du tyran zaïrois, de sa naissance le 14 octobre 1930 à son exil au Maroc où il mourut le 7 septembre 1997, ouvrage qui ressort aujourd’hui au format de poche dans la célèbre collection « Tempus ».

Prière d’insérer :

« Pendant trente-deux ans (1965-1997), Mobutu régna d’une main de fer sur le Congo/Zaïre. Une dictature souvent féroce alliant les crimes de sang, la corruption matérielle et morale et le pillage éhonté des richesses nationales.

L’Histoire porte sur Mobutu un verdict accablant. L’homme à la toque de léopard n’était pourtant pas un vulgaire tyran : cet ami de l’Occident a joué, pendant la guerre froide, un rôle stratégique de premier plan, promouvant son pays en  » rempart du communisme  » en Afrique.

Arrivé au pouvoir dans le sillage d’une guerre civile impitoyable, il n’eut de cesse de maintenir l’unité, souvent menacée, de son pays. Mais les aléas de l’économie mondiale aggravés par une gestion catastrophique de l’État plongèrent le peuple zaïrois dans la misère et obligèrent le « roi du Zaïre » à démocratiser à regret son régime. Trop peu, et surtout trop tard pour éviter sa chute shakespearienne. »

Ajoutons qu’en 1997, à sa mort, la fortune personnelle de ce kleptocrate était estimée par l’UNODC[1] et Transparency International[2] à un montant situé entre 5 et 6 milliards de dollars américains (alors que la dette publique du pays était de 12,5 milliards de ladite monnaie).

Cette fortune, bâtie comme à l’époque tant décriée des mains coupées – il nous souvient personnellement qu’en 1975, des travailleurs sur le fleuve à hauteur de Boma harponnèrent plusieurs cadavres aux mains liées dans le dos ; il s’agissait des corps d’ouvriers de la région de Lisala (celle du pressureur du pays) qui s’étaient indignés parce que leur salaire n’était plus versé alors que leur travail forcé continuait –, n’a quant à elle jamais été restituée, bien entendu…

Et, à l’heure où la Belgique restitue, ce qui n’est que justice, les restes de Patrice Lumumba (°1925) à sa famille, nous ne manquerons pas de rappeler le cynisme de Joseph-Désiré Mobutu qui, après avoir trempé de très près dans l’assassinat du Premier ministre congolais le 17 janvier 1961, eut l’impudence de le consacrer héros national en 1966 et de donner son nom à l’une des principales artères de Kinshasa.

Mobutu ?

« Une gueule d’ange. Une âme de salaud. Un classique. » (Virginie Despentes)

PÉTRONE

Mobutu par Jean-Pierre Langellier, Paris, Éditions Perrin, collection « Tempus », mars 2022 [2017], 504 pp. en noir et blanc au format 10,6 x 17,7 cm sous couverture brochée en couleurs, 11 € (prix France)


[1] L’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (en anglais United Nations Office on Drugs and Crime) est un organe du Secrétariat des Nations unies dont le siège est à l’Office des Nations unies de Vienne en Autriche.

[2] Transparency International (TI) est une organisation non gouvernementale internationale d’origine allemande ayant pour principale vocation la lutte contre la corruption des gouvernements et institutions gouvernementales mondiaux.

Date de publication
jeudi 7 juillet 2022
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