Eugen Ruge, né à Soswa dans l’oblast de Sverdlovsk (Oural), en Union soviétique, le 24 juin 1954, est un écrivain allemand, fils et petit-fils de communistes, dont les aïeuls ont rallié l’Union soviétique en 1933, après l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler.
Son roman Le Metropol, dont la traduction française a paru chez Actes Sud, s’inspire de l’histoire de sa grand-mère qui fut assignée à résidence dans cet hôtel de luxe moscovite dont une partie était réservée, entre 1928 et 1939, à des personnes en attente de leur procès politique.
En voici le pitch :
Moscou, 1936. L’année des grands procès. À l’hôtel Metropol où Charlotte Germain et son mari Wilhem sont assignés à résidence, l’angoisse ne cesse de grandir parmi les membres du service secret du Komintern brutalement démis de leurs fonctions et qui attendent de connaître le sort que leur réserve le maître du Kremlin. Petit à petit, tout autour d’eux les portes sont scellées, les résidents emmenés pour être jugés. Une étrange atmosphère feutrée et terrifiante s’installe dans l’illustre et luxueux palace où se côtoient des invités de marque comme l’écrivain allemand Lion Feuchtwanger (1884-1958)[1], des anciens de l’Internationale communiste et le terrible juge Vassili Vassilievitch Ulrich qui chaque soir, après avoir condamné à mort les anciens compagnons de Lénine, rentre tranquillement retrouver sa femme.
Étayé par de nombreux documents d’archives tout en faisant montre d’une grande finesse psychologique et d’un art consommé des dialogues, le récit aux allures de thriller est captivant, qui plonge le lecteur dans une ambiance profondément délétère, celle du comportement sectaire (au sens premier du mot) de communistes convaincus – il pourrait tout aussi bien s’agir de nazis à la même époque, ou aujourd’hui d’extrémistes de n’importe quel bord politique ou religieux – pour qui le parti a toujours raison, même quand il semble avoir tort, pour qui les sentiments passent par pertes et profit en fonction dudit parti et qui voient en son leader un démiurge proprement divin qui sait seul comment faire le bonheur de tous.
Joseph Staline, ici, et ses adorateurs aveugles et sourds.
Ailleurs, Adolf Hitler, Benito Mussolini, Francisco Franco, Mao Tsé-Toung, Fidel Castro, l’ayatollah Khomeiny, Abou Bakr al-Baghdadi et leurs sbires…
Un ouvrage fort et intelligent qui en dit long sur la faiblesse et la bêtise humaines…
PÉTRONE
Le Metropol par Eugen Ruge, roman traduit de l’allemand par Jacqueline Chambon, Arles, Éditions Actes Sud/Chambon, septembre 2021, 349 pp. en noir et blanc au format 14,5 x 22,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 22,0 € (prix France)
[1] Auteur, notamment du roman Le Juif Süss (1925) et du récit Moscow 1937. My visit described for my friends paru à Londres en 1937.