« Enragez-vous ! »

Agrégé d’histoire, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Reims depuis 2008, Philippe Buton (°1956) est un spécialiste du gauchisme et de l’histoire du communisme – il a publié Les lendemains qui déchantent : le Parti communiste français à la Libération (Presses de Sciences Po, 1993). Il est aussi membre des comités de rédaction des revues scientifiques Communisme, Le Mouvement social et la Revue française d’histoire des idées politiques. En 2006-2007, il a été professeur associé à l’Institut universitaire européen de Florence.

Sous la direction éditoriale d’Olivier Wieviorka[1], il a fait paraître chez Perrin à Paris un essai abondamment documenté, Histoire du gauchisme – L’héritage de Mai 68, dans lequel il décrit tout d’abord les prémices en France, dès 1963, de ce que Lénine avait dénoncé en 1920 dans un pamphlet intitulé La Maladie infantile du communisme, le « gauchisme », à savoir les dérives de l’extrême gauche au sein du Parti communiste – un livre auquel Daniel Cohn-Bendit répliqua en publiant, avec son frère en 1968, son décapant Le Gauchisme, remède à la maladie sénile du communisme, un best-seller tiré à 250 000 exemplaires.

Philippe Buton décrit ensuite par le menu, en se fondant sur une quantité impressionnante de documents et de témoignages, comment le gauchisme, en à peine quelques semaines de 1968, devint le porte-parole d’une très grande partie de la jeunesse française, sous la bannière des mouvances anarchiste, maoïste et trotskyste, divisées en de multiples groupes (Gauche prolétarienne, Ligue communiste, Organisation révolutionnaire anarchiste, Organisation communiste internationaliste, Parti communiste marxiste-léniniste de France…), bannière derrière laquelle se déployait aussi tout un activisme culturel et antimilitariste « avide de secouer le vieux monde et de changer la vie ».

Il montre également comment le Parti communiste français a pendant un moment tremblé sur ses bases devant la perspective d’un une révolution proche et radicale et comment les querelles internes – d’ego, de doctrine et de stratégie – des factions gauchistes ont provoqué la fin du mouvement insurrectionnel.

Puis, Philippe Buton expose qu’après le « printemps rouge et noir », ce courant est brusquement devenu pour une dizaine d’années une réalité tangible que des acteurs traditionnels – la police, l’armée et la gauche parlementaire particulièrement – ont eu bien du mal à prendre en compte.

Enfin, en réponse à la question : « Que reste-t-il aujourd’hui dans notre société de cette force politique et de ces aspirations libertaires ? », il établit que les gauchistes ont été à la pointe de nombreux combats sociaux encore actuels, notamment la défense des droits des femmes et l’émergence de la conscience écologique.

PÉTRONE

Histoire du gauchisme – L’héritage de Mai 68 par Philippe Buton, Paris, Éditions Perrin, mai 2021, 553 pp. en noir et blanc au format 15,5 x 24 cm sous couverture brochée en couleurs, 26 € (prix France)

TABLE

Introduction

1. Mai 68, l’apparition du gauchisme

Le frémissement

Le printemps rouge et noir

Pourquoi la révolte de la jeunesse ?

2. Être révolutionnaire dans les années 1968

Un profil sociologique spécifique

Adhérer

S’endurcir

S’éduquer

Se divertir

3. « À bas l’État policier »

L’urgence

Surveiller

Punir

4. La galaxie gauchiste

L’expansion d’une galaxie

Les sensibilités d’une galaxie

5. Histoire tatillonne de l’« imbroglio gauchiste »

La fin du rêve unitaire

Du drapeau noir au drapeau rouge et noir

La revanche du Vieux

La flambée de l’anarcho-maoïsme

Le maoïsme, ou le stalinisme rajeuni

Le PSU, le parti socialiste dit « unifié »

6. La forteresse universitaire

L’inconnue de la rentrée scolaire et universitaire

« Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi »

La grande illusion de la révolution imminente

7. Occuper la rue

Investir la rue

Dynamiser la rue

Tenir la rue

8. À l’assaut des usines

La centralité ouvrière

L’intervention ouvrière

Un gauchisme ouvrier ?

Un exemple : Peugeot-Sochaux

« Écoutez-les, nos voix qui montent des usines »

9. À l’assaut des casernes

« Tu avais juste 18 ans quand on t’a mis un béret rouge… »

L’antimilitarisme révolutionnaire

La chronologie antimilitariste

10. Vers la guerre civile ? De la propagande

La bataille théorique, ou « le pouvoir est au bout du fusil »

L’agenda révolutionnaire

Les pseudo-leçons de l’histoire

« La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre »

Une sémantique de combat

11. Vers la guerre civile ? De la pratique

La violence au poste de commandement

Le scénario militaire maoïste

Le laboratoire de Renault-Billancourt

Regards internationaux

Le scénario militaire trotskyste

La tentation permanente

12. La décélération

L’imaginaire et le réel

Une sectarisation inachevée

« Flics, fascistes, assassins ! »

Alternatives collectives et résiliences individuelles

13. Changer la vie

Contre l’ordre moral

« Pas de libération des femmes sans socialisme, pas de socialisme sans libération des femmes »

« Pédérastes… Allez vous faire soigner » (Jacques Duclos, 1972)

La révolution écologiste

Volem Viure al Pais

Changer sa vie ?

14. Vie et mort d’une culture politique

La nature d’une aventure : la culture politique gauchiste

La victoire d’une aventure : l’insertion d’une génération

La fin de l’aventure

Conclusion. L’héritage d’une aventure

Les devenirs individuels

Les transformations sociales

Annexes

Annexe n° 1. La grammaire de la presse gauchiste (1966-1970)

Annexe n° 2. Les dirigeants du PCMLF (1967-1970)

Annexe n° 3. Les effectifs des organisations gauchistes

Annexe n° 4. Sociologie du gauchisme

Annexe n° 5. La répression des militants gauchistes (1970-1974)

Annexe n° 6. La presse gauchiste

Annexe n° 7. L’activité gauchiste à Peugeot (1971-1981)

Annexe n° 8. L’antimilitarisme en France (1965-1980)

Annexe n° 9. Actions violentes imputées à l’extrême gauche (1974‑1989)

Glossaire

Notes

Sources

Bibliographie

Index

Remerciements


[1] Olivier Wieviorka, né le 2 février 1960, est un historien français, spécialiste de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Il est professeur à l’École normale supérieure Paris-Saclay.

Date de publication
mardi 22 juin 2021
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