Edhem Eldem, né le 2 mars 1960 à Genève, est un historien turc spécialisé en histoire ottomane et turque. Il a étudié les sciences politiques à l’université du Bosphore d’Istanbul de 1979 à 1983. Par après, il a obtenu un DEA (1985), puis un doctorat, avec une thèse portant sur le commerce français d’Istanbul au XVIIIe siècle (1989), à l’Institut de linguistique générale et d’études orientales et slaves de l’université de Provence, Aix-Marseille I.
Il a ensuite été chercheur à l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul de 1986 à 1989, puis maître-assistant (1989-1991), maître de conférences (1991-1998) et enfin professeur (depuis 1998) au département d’histoire de l’université du Bosphore.
Il est titulaire depuis 2018 et pour cinq ans de la chaire internationale d’Histoire turque et ottomane du Collège de France.
S’étant fondé sur des archives originales peu – voire pas – exploitées, il publie aux Belles Lettres à Paris un essai passionnant intitulé L’Alhambra – À la croisée des histoires dans lequel il analyse des écrits ainsi que des photographies émanant de touristes et, surtout, des commentaires relevés dans le livre des visiteurs, tenu depuis 1829, de l’admirable ensemble palatial[1] fondé aux XIIIe et XIVe siècles par les souverains arabes de Grenade.
Après qu’il est resté dans l’ombre pendant les âges qui ont suivi la fin de la Reconquista[2], l’Alhambra fut « redécouvert » par les Espagnols au XVIIIe siècle, avant que ses visiteurs étrangers, notamment François-René de Chateaubriand (1768-1848) dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem publié en 1811 et l’Américain Washington Irving (1783-1859) dans Les Contes de l’Alhambra parus en 1832 en fissent l’une des premières destinations touristiques du XIXe siècle.
Edhem Eldem a analysé les traces de leurs passages pour proposer une vision tout à fait nouvelle de l’Alhambra et de ce qu’il représentait.
Présentation de l’éditeur :
« De Chateaubriand à Owen Jones et de Washington Irving à Jean-Léon Gérôme, les Occidentaux ont bâti une image de l’Andalousie toute empreinte de romantisme et d’orientalisme. Mais l’engouement occidental ne doit pas faire oublier les visiteurs « orientaux » du monument : des Maghrébins, nombreux, mais peu loquaces ; des diplomates et voyageurs ottomans, parfois plus orientalistes que les Européens ; des Arabes du Machrek, de plus en plus influencés par le nationalisme arabe prôné par la Nahda, la « renaissance arabe ».
Autant de regards croisés que le registre des visiteurs, la presse de l’époque, les mémoires et les récits de voyage ont permis à l’auteur d’en tirer une histoire culturelle des rapports entre Orient et Occident, Nord et Sud, islam et chrétienté, centre et périphérie. »
Une somme remarquable !
PÉTRONE
L’Alhambra – À la croisée des histoires par Edhem Eldem, Paris, Éditions Les Belles Lettres, mai 2021, 384 pp. en bichromie au format 15 x 21,5 cm sous couverture brochée en couleurs, 21,50 € (prix France)
[1] L’Alhambra de Grenade en Andalousie est un ensemble palatial constituant l’un des monuments majeurs de l’architecture islamique. Acropole médiévale la plus majestueuse du monde méditerranéen, située sur le plateau de la Sabika qui domine la ville, elle se compose essentiellement de quatre parties incluses dans son enceinte fortifiée : l’Alcazaba, les palais nasrides, le Généralife, ses jardins, et le palais de Charles Quint.
[2] La Reconquista est le nom donné à la période du Moyen Âge durant laquelle s’est produite la reconquête, par les royaumes chrétiens, des territoires de la péninsule Ibérique et des îles Baléares occupés par les musulmans. La victoire asturienne lors de la bataille de Covadonga en 722 est une des dates admises comme le point de départ de cette reconquête. Elle s’achève le 2 janvier 1492, lorsque les « Rois catholiques » prennent le dernier bastion musulman à Grenade.