Parue en 2019 sous le titre L’attaque du Calcutta-Darjeeling en édition princeps chez Liana Levi à Paris, puis l’année suivante en version de poche chez Gallimard dans la collection « Folio classique », la traduction française du premier roman de l’auteur anglo-indien Abir Mukerjee (°1974), The Rising Man, un succès international, a décroché le Prix du polar 2020 décerné par le magazine Le Point, une distinction parfaitement justifiée tant par l’intérêt que soulève l’intrigue que par la manière dont elle est troussée.
En voici le pitch :
« Inde, 1919. Sam Wyndham, un ancien inspecteur de Scotland Yard traumatisé par la Grande Guerre, débarque à Calcutta pour intégrer la police impériale. Dès son arrivée, on l’appelle sur la scène d’un meurtre effroyable, à proximité d’une maison close. Dans la gorge de la victime, Alexander MacAuley, un membre éminent de l’administration coloniale, on trouve une lettre de menace exigeant le départ de tous les Britanniques, sans quoi le pire serait encore à venir. Avec la survie de l’Empire en jeu, Wyndham, épaulé par le sergent Bannerjee, va devoir résoudre cette affaire au plus vite, malgré les violences qui se multiplient. »
Et en voici l’incipit :
« Mercredi 9 avril 1919
Au moins, il est bien habillé. Cravate noire, smoking, tout le tremblement. Si vous devez vous faire tuer, autant laisse de vous l’image la plus flatteuse.
La puanteur qui se plante dans ma gorge me fait tousser. Dans quelques heures, elle va devenir intolérable ; assez forte pour retourner l’estomac d’un poissonnier de Calcutta. Je sors de ma poche un paquet de Capstan, j’en tapote une, je l’allume et j’inhale en laissant la fumée douce nettoyer mes poumons. La mort sent plus mauvais sous les tropiques. Comme la plupart des choses. »
Bien entendu, l’auteur profite de son récit pour décrire au passage la société coloniale britannique, son orgueil, son incompréhension des mœurs de la population indigène et son arrogance guindée, mais aussi le climat tropical, pesant, avec ce qu’il induit de putride, et le comportement de certains autochtones qui s’accommodent et profitent de la situation générale.
À l’instar, mutatis mutandis, de l’Azizah de Niamkoko [1] d’Henri Crouzat…
PÉTRONE
L’attaque du Calcutta-Darjeeling par Abir Mukherjee, traduction
de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle, Paris, Éditions
Gallimard, collection « Folio policier », octobre 2020, 456 pp.
en noir et blanc au format 10,8 x 17,8 cm sous couverture brochée
en couleurs, 8,50 € (prix France)
[1] Azizah de Nimakoko est un roman de l’architecte français Henri Crouzat (1911-1966), publié pour la première fois en 1959. L’auteur, qui s’y inspirait librement de sa propre expérience au Togo, l’a dédié ainsi : « À tous les ennemis que ce livre va me faire, bien cordialement », en raison de sa description acide à la fois des Africains et des colons. Niamkoko est un nom inventé en prenant les premières lettres des noms de Niamey, Conakry et Cotonou.