Dessiné par Philippe Bercovici sur un scénario d’Arnaud de la Croix qui s’est basé sur des sources nombreuses, La franc-maçonnerie dévoilée, un bel album savant paru aux Éditions Le Lombard à Bruxelles, se penche par le biais de 18 personnages-clés sur l’histoire de cet ensemble d’espaces de sociabilité sélectifs, les loges qui choisissent leurs membres par cooptation, qui se décrit, suivant les époques, les pays et les formes, comme une « association essentiellement philosophique et philanthropique », comme un « système de morale illustré par des symboles » ou comme un « ordre initiatique ».
Le premier de ces personnages, bien qu’il ne fut pas franc-maçon, est Villard de Honnecourt, un compagnon et maître d’œuvre du XIIIe siècle, célèbre pour son Carnet renfermant de nombreux croquis d’architecture, à présent conservé à la Bibliothèque nationale de France.
Suivent alors William Schaw (1550-1602), qui fut « Maître des Travaux » du roi Jacques VI d’Écosse, et dont on se demande s’il fut à l’origine de la franc-maçonnerie, puis Robert Moray (ca 1607-1673), le premier franc-maçon, Jean Théophile Désaguliers (1683-1744) qui fut grand maître de la Grande Loge de Londres, le philosophe écossais Andrew Ramsay (1693-1743) [1], le scientifique Benjamin Franklin (1706-1790), « L’Américain des Lumières », le baron Carl Gotthelf von Hund (1722-1776) qui fonda à Dresde en Allemagne une maçonnerie chevaleresque ayant pour finalité la restauration de l’ordre du Temple [2], Adam Weishaupt (1748-1830), le fondateur des Illuminati de Bavière [3], l’abbé Augustin de Barruel (1741-1820, jésuite), le premier complotiste [4], Honoré Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau (1749-1791), un figure franc-maçonne de la Révolution française, le compositeur Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), « l’enchanteur égyptien », Abd el-Kader ibn Muhieddine (ca 1808-1883), émir d’Algérie devenu franc-maçon à Alexandrie en 1864, la féministe française Maria Deraismes (1828-1894), Léo Taxil (1854-1907), principal auteur d’une mystification célèbre et de grande ampleur contre la maçonnerie, l’accusant de satanisme, l’écrivain britannique Rudyard Kipling (1865-1936), le nazi Heinrich Himmler (1900-1945), persécuteur des francs-maçons, l’Italien Hugo Pratt (1927-1995), dessinateur [5], voyageur et initié, et le Belge Tristan Bourlard (°1968), réalisateur des films La clef écossaise (2009) et Terra Masonica (2017).
Cet album parfaitement d’équerre se conclut par un glossaire illustré et une bibliographie qui permet d’en savoir plus encore…
PÉTRONE
La franc-maçonnerie dévoilée par Arnaud de la Croix et
Philippe Bercovici, Bruxelles, Éditions Le Lombard, octobre 2020,
336 pp. en quadrichromie au format 17,8 x 25,4 cm sous
couverture brochée en couleurs et à rabats, 22,50 €
[1] Le discours qu’il a prononcé en 1736 est considéré comme un des textes fondateurs de la franc-maçonnerie en général et de la tradition maçonnique française en particulier.
[2] L’ordre du Temple est un ordre religieux et militaire issu de la chevalerie chrétienne du Moyen Âge, dont les membres sont appelés les Templiers. Cet ordre fut créé à l’occasion du concile de Troyes, ouvert le 13 janvier 1129, à partir d’une milice appelée les Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon, du nom du temple de Salomon que les croisés avaient assimilé à la mosquée al-Aqsa (bâtie sur les vestiges de ce temple). Il œuvra pendant les XIIe et XIIIe siècles à l’accompagnement et à la protection des pèlerins pour Jérusalem dans le contexte de la guerre sainte et des croisades. Il participa activement aux batailles qui eurent lieu lors des croisades et de la Reconquête ibérique. Après la perte définitive de la Terre sainte consécutive au siège de Saint-Jean-d’Acre (1291), l’ordre fut, en France, victime de la lutte entre la papauté avignonnaise et le roi de France, Philippe le Bel.
[3] Les Illuminati de Bavière sont une société secrète allemande du XVIIIe siècle, fondée le 1er mai 1776 à Ingolstadt, qui se réclamait de l’Aufklärung et plus généralement de la philosophie des Lumières. Elle eut à faire face à des dissensions internes avant d’être interdite par un édit du gouvernement bavarois en 1785 et de disparaître peu après. De nombreux mythes et théories du complot ont prétendu que l’ordre survécut à son interdiction et qu’il serait responsable, entre autres, de la Révolution française, de complots contre l’Église catholique romaine ainsi que de la constitution du nouvel ordre mondial.
[4] Dans ses Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme (5 volumes), Barruel soutient une théorie du complot selon laquelle les Illuminés de Bavière ont infiltré la franc-maçonnerie et d’autres sociétés, comme les nouveaux Templiers et les Rosicruciens, afin de renverser les pouvoirs en place, aussi bien politiques que religieux, pour asservir l’humanité.
[5] Son personnage dessiné le plus connu est Corto Maltese, dans des albums parus entre 1967 et 1991.