« La police, c’est un refuge pour les alcooliques qu’on n’a pas voulus à la SNCF et aux PTT. » (Coluche)

Les Éditions de La Table Ronde à Paris ont ressorti en version de poche l’un des chefs d’œuvre d’Antoine Blondin [1], son roman aux accents autobiographiques Monsieur Jadis ou l’École du soir (1970).

En voici l’argument :

Dans un fier sursaut de jeunesse, un quinquagénaire se laisse prendre dans une rafle de routine, à Saint-Germain-des-Prés. Conduit dans l’un des rares postes de police qu’il ne connaisse pas encore, on l’y retient pour une vérification d’identité.

Il voit alors surgir, sous le nom de Monsieur Jadis, le jeune homme qu’il a été, dans d’autres nuits, en d’autres temps, dans d’autres commissariats de police.

Le narrateur évoque ses souvenirs de jeunesse dans le Saint-Germain-des-Prés des années 1950 avec, pour fil d’Ariane, la fin de sa liaison avec Odile, une mélomane.

On trouve dans l’ouvrage des personnages hauts en couleur (les écrivains Vidalie et Silvagni, le sculpteur Dieulefils, la clocharde Popo), des scènes de bamboche qui se terminent toutes au commissariat, des morceaux de bravoure (les séances de pose du président Coty, la reconstitution de la bataille d’Austerlitz) et d’innombrables bonheurs d’expression qui ont établi la réputation de l’auteur.

Extrait de la préface de Christian Authier :

« Alors que la postérité d’Antoine Blondin est souvent trop réduite à des clichés – les Hussards[2], le brillant chroniqueur sportif, son goût des jeux de mots et des calembours, les frasques de comptoir et les dérives éthyliques de légende immortalisées notamment par l’adaptation d’Un singe en hiver par Henri Verneuil et Michel Audiard –, il faut revenir aux textes. Derrière la mythologie du chantre du Tour de France et des exploits rugbystiques des frères Boniface, sous le folklore de l’ivrogne bagarreur, il y a un merveilleux styliste qui dans ses meilleurs moments est l’un des purs écrivains de langue française. Reprenons ainsi Monsieur Jadis dont certaines pages semblent avoir été écrites pour être lues à voix haute, comme pour une dictée ou une prière. »

Une détresse immense, certes, mais jubilatoire !

PÉTRONE

Monsieur Jadis ou l’École du soir par Antoine Blondin, préface de Christian Authier, Paris, Éditions de La Table Ronde, collection « La petite vermillon », octobre 2020, 257 pp. en noir et blanc au format 10,8 x 17,8 cm sous couverture brochée en couleurs, 7,30 € (prix France)


[1] Licencié ès lettres de la Sorbonne, Antoine Blondin (1922-1991), romancier et critique littéraire, est aussi l’auteur de L’Europe buissonnière (1949, prix des Deux Magots), Les Enfants du bon Dieu (1952), L’Humeur vagabonde (1955), Un singe en hiver (1959, prix Interallié) et Certificats d’études (1977, rassemblant des essais sur Baudelaire, Balzac, Cocteau, Dickens, Dumas, Fitzgerald, Goethe, Homère, Musset, O. Henry, Perret, Rimbaud). Journaliste sportif également, il est l’auteur de nombreux articles parus notamment dans le journal L’Équipe. Entre 1954 et 1981, il suit pour ce journal vingt-sept éditions du Tour de France et sept Jeux olympiques, et obtient en 1972 le prix Henri Desgrange de l’Académie des sports. Ses chroniques sur le tour de France ont contribué à forger la légende de l’épreuve phare du sport cycliste. Buvant souvent plus que de raison, Blondin a évoqué avec des accents céliniens la passion de l’alcool dans Un singe en hiver, qu’Henri Verneuil a adapté en 1962 pour le cinéma sous le même titre, un film interprété par Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo. Il a marqué le quartier de Saint-Germain-des-Prés de ses frasques, jouant à la corrida avec les voitures, multipliant les visites dans les bars et collectionnant les arrestations dans un état d’ébriété avancée.

[2] L’expression « les Hussards » désigne un mouvement littéraire français des années 1950 et 1960 qui s’opposait à l’existentialisme sartrien alors tout-puissant et portait l’amour du style et l’impertinence en étendard. Placé sous le patronage de Jacques Chardonne et Paul Morand, le noyau dur du mouvement comptait Antoine Blondin, Michel Déon, Jacques Laurent et Roger Nimier, son chef de file, dont le roman Le Hussard bleu a donné son nom au mouvement. (Source consultée : Wikipédia)

Date de publication
dimanche 13 décembre 2020
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