Après avoir obtenu un doctorat d’histoire à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales et soutenu une thèse en histoire de l’art médiéval, Sophie Brouquet (1957) a été conservateur des Antiquités et Objets d’Art en Corrèze. Elle s’est tournée ensuite vers l’enseignement et a été affectée à l’Université de Dijon, puis à celle de Rennes II avant de devenir professeur d’histoire médiévale à l’Université de Limoges et enfin à l’Université de Toulouse II.
Elle a publié de nombreux ouvrages, notamment La Vie quotidienne au Moyen Âge (Éditions Ouest-France, 2003), Sur les pas des papes d’Avignon (Éditions Ouest-France, 2005), Chevaleresses. Une chevalerie au féminin (Perrin, 2013), L’Histoire des femmes pour les Nuls (First, 2013), « De moi, pauvre, je veux parler ». Vie et mort de François Villon (Albin Michel, 2016) ou encore Capétiennes. Les reines de France au Moyen Âge. Xe-XIVe siècles (Ellipses, 2020).
Ainsi que l’été dernier, chez Perrin, un remarquable essai à contre-courant consacré à Isabelle de France, reine d’Angleterre qui a remporté le prix Historia de la biographie historique.
Isabelle de France (vers 1295, Paris – 22 août 1358, Hertford) est la fille du roi de France Philippe IV le Bel et de son épouse Jeanne Ire, reine de Navarre. Elle fut reine en tant qu’épouse d’Édouard II, le roi le plus méprisé de toute l’histoire de l’Angleterre.
Elle était connue à son époque pour sa beauté, son habileté diplomatique et son intelligence. Elle n’a cependant jamais été surnommée la « Louve de France » par ses contemporains, mais bien en 1757 et fort calomnieusement par le poète gallois Thomas Gray (1716-1771) dans Le Barde, texte par lequel il créa l’image de la « Louve de France, aux crocs implacables, qui déchirent les entrailles de son compagnon mutilé ».
Isabelle vint en Angleterre à douze ans, dans une période de conflit grandissant entre le roi et la puissante faction des barons du royaume : son nouvel époux comblait notoirement de grâces son favori le comte de Cornouailles, Pierre Gaveston, au détriment des anciennes familles du royaume. Cependant, Isabelle apporta son soutien à son mari dans ces premières années, usant de ses relations avec la cour de France pour asseoir du même coup sa propre autorité dans son pays d’adoption.
Après la mort de Gaveston en 1312 tué par les barons, Édouard II choisit un nouveau favori, Hugues le Despenser (le Jeune), et tenta de se venger. Il en a résulté la guerre des Despenser en 1322, et une période de répression à l’intérieur du royaume. Isabelle ne pouvait accepter le nouveau favori et, en 1325, le couple royal fut au bord de la rupture.
Voyageant en France sous le prétexte d’une mission diplomatique, Isabelle entama une relation adultérine avec le baron de Wigmore, Roger Mortimer. Tous deux convinrent de déposer Édouard II et de se débarrasser de la famille Despenser. En 1326, la reine revint en Angleterre avec une petite armée de mercenaires et l’armée royale fit rapidement défection. Isabelle déposa Édouard II et devint régente au nom de son fils aîné, proclamé roi sous le nom d’Édouard III et très admiré de son peuple.
Beaucoup supposent qu’Isabelle fut par la suite l’instigatrice de l’assassinat de son mari. Le gouvernement d’Isabelle et de Roger Mortimer commença à chanceler, en partie à cause des dépenses excessives de la régente, en partie également à cause de sa façon, efficace mais impopulaire, de résoudre les problèmes récurrents comme la situation militaire en Écosse.
En 1330, Édouard III, reprenant son pouvoir, déposa Mortimer à son tour et le fit exécuter. La reine ne fut pas poursuivie et vécut encore longtemps entourée de beaucoup de considération, mais loin de la cour d’Angleterre, jusqu’à sa mort en 1358[1].
Au fil du temps, Isabelle devint une figure de « femme fatale » dans la littérature[2], habituellement représentée comme une femme belle, mais cruelle et manipulatrice, et comme une épouse rebelle, hypocrite, adultère, tyrannique et sanguinaire.
Ces qualificatifs péjoratifs relèvent évidemment de la légende noire, née dans un contexte où les femmes évoluaient au sein d’un monde dominé par les hommes et leur violence, une légende que l’ouvrage passionnant de Sophie Brouquet dissipe avec verve et conviction, en s’appuyant sur un large savoir et de très solides sources médiévales.
Une magnifique réhabilitation, 662 ans après la mort de cette reine que l’on disait punie pour l’éternité !
PÉTRONE
Isabelle de France, reine d’Angleterre par Sophie Brouquet, Paris, Éditions Perrin, collection « Biographies », août 2020, 380 pp. en noir et blanc au format 14 x 21 cm sous couverture brochée en couleurs, 23 € (prix France)
TABLE
Introduction
1. La fille du roi de fer
2. Mariage et couronnement
3. « Nous étions trois dans ce mariage »
4. Un vrai couple
5. Isabelle à Paris
6. La grande mortalité
7. Les nouveaux favoris
8. Les Contrariants
9. Étrangère en son royaume
10. Le défi d’Isabelle de France
11. Adultères et complots
12. L’invasion
13. Un couple au pouvoir ?
14. Les deux morts d’Édouard II
15. Apogée et chute d’une reine
16. La bonne dame de Rising
Conclusion
Les principaux acteurs des événements
Chronologie
Itinéraires d’Isabelle de France
Notes
Sources et bibliographie
Index
[1] Source principale : https://fr.wikipedia.org/wiki/Isabelle_de_France_(1295-1358).
[2] À l’instigation malveillante du dramaturge élisabéthain Christopher Marlowe (1564-1593) dans sa tragédie Édouard II écrite en 1592.