Histoire du bien manger…

Docteur en médecine au parcours prestigieux [1], Jean Vitaux est une mémoire vivante de la science du goût. Président de l’Académie des gastronomes (au fauteuil de Curnonsky), archiviste du Club des Cent, membre d’un nombre incalculable d’associations gourmandes, cet épicurien patenté se double d’un scientifique chevronné au savoir gastronomique étourdissant. Il est correspondant de l’Institut (Académie des sciences morales et politiques, section histoire-géographie).

Après avoir publié notamment La gastronomie (2007), La mondialisation à table (2009), Histoire de la peste (2010), Les petits plats de l’histoire (2012), Le dessous des plats (2013), Florilège des œuvres gastronomiques de Grimod de la Reynière (2014), Au risque de manger (2015, avec Marc Spielrein) et Histoire de la lèpre (2020), il revient sur le devant de la scène éditoriale chez Robert Laffont avec un monumental Bouquin de la gastronomie présenté par l’écrivain et journaliste français Nicolas d’Estienne d’Orves.

Extrait de sa préface :

« À travers les textes fondateurs de la gastronomie française, Jean Vitaux nous offre une plongée riche, gourmande et rigoureuse dans notre imaginaire culinaire. On découvrira, au gré de ces pages, comment nos aïeux du XVsiècle dégustaient du bouillon de tétine de truie agrémenté de fromage vieux et de girofle. On se souviendra qu’avant d’être un prophète abscons, Nostradamus fut un théoricien du sucré dans son Traité des confitures. On ira saluer Rabelais, dont le nom même a donné un adjectif synonyme de plaisir et d’excès. On appréciera les doux aphorismes d’Alexandre Dumas, pour qui la truffe embellit tout ce qu’elle touche et le vin [est] la partie intellectuelle du repas. On suivra les pas de l’admirable La Reynière, fils de fermier général, neveu de Malesherbes et créateur des premiers guides gastronomiques. On retrouvera bien sûr l’incontournable Brillat-Savarin, qui sut si bien mettre les saveurs en mots dans sa Physiologie du goût. On fera des pas de côté chez Maupassant, Proust, Flaubert, Balzac, Zola, Daudet, qui décrivirent par la fiction les habitudes alimentaires d’un siècle où la cuisine devint bourgeoise et qui vit la naissance de la restauration telle qu’on la pratique encore aujourd’hui. On savourera la prose de Marcel Rouff, de Joseph Delteil ou du merveilleux Jean-François Revel. On verra à quel point les plaisirs de la table n’ont jamais cessé d’être le terrain de querelles opposant anciens et modernes, celles-ci culminant au cœur des années 1970 avec ce Manifeste de la nouvelle cuisine lancé par Henri Gault et Christian Millau qui mit à bas un siècle de suprématie du gras. »

Voici une recette extraite des Délices de la Campagne (1655) par Nicolas de Bonnefons :

Œufs à la coque

« Une méthode pour faire de bons œufs à la coque sans montre ni minuteur ! »

Chacun a sa manière pour cuire l’œuf à la coque ; l’un le met dans le poêlon sur le feu avec de l’eau froide, & aussitôt qu’elle a jeté son premier bouillon, il le retire ; l’autre veut que l’eau bouille avant d’y mettre l’œuf, puis il compte jusqu’au nombre de deux cents prononcés distinctement, & après il tire l’ œuf hors de l’eau ; ces deux manières ne sont si certaines que celle-ci qui est beaucoup meilleure, à cause qu’elle cuit l’œuf également jusqu’au milieu, au lieu que les autres deux premières ne font que saisir le blanc de l’œuf, & le moyen [jaune] n’est pas souvent échauffé. Je dirai donc que la plus certaine façon de le bien cuire. & la plus aisée à pratiquer, est de mettre sur le feu deux pintes d’eau dans un poêlon, & quand elle commencera à vouloir jeter son premier bouillon, y mettre les œufs, en même temps ôter le poêlon de dessus le feu, & le poser à terre proche des chenets, & quand l’eau sera assez refroidie pour pouvoir tirer les œufs de dedans avec la main sans vous incommoder, ils seront en leur parfaite cuisson.

Un ouvrage plein d’astuces !

PÉTRONE

Le Bouquin de la gastronomie par Jean Vitaux, préface de Nicolas d’Estienne d’Orves, Paris, Éditions Robert Laffont, collection « Bouquins », octobre 2020, 1064 pp. en noir et blanc au format 13,2 x 19,8 cm sous couverture brochée en couleurs, 31 € (prix France)

TABLE DES MATIÈRES

Le bonheur du ventre, par Nicolas d’Estienne d’Orves

Avant-propos, par Jean Vitaux

AVANT 1500

Taillevent : Le Viandier (c. 1380)

Le Ménagier de Paris (1394)

XVIe SIÈCLE

Bartolomeo Sacchi : Platine en françoys (1505)

François Rabelais : Gargantua (1534), Pantagruel (1532)

Michel de Nostredame (Nostradamus), Traité des confitures (1555)

Michel de Montaigne : Essais (1580), Journal de voyage en Italie par la Suisse et l’Allemagne en 1580 et 1581

XVIIe SIÈCLE

La Varenne : Le Cuisinier français (1651)

Nicolas de Bonnefons : Les Délices de la Campagne (1655)

Mme de Sévigné : Lettres (1671, 1679, 1689)

Boileau-Despréaux : Sur un repas ridicule (1666)

Massialot : Le Cuisinier royal et bourgeois (1691)

L. S. R. : L’Art de bien traiter (1693)

XVIIIe SIÈCLE

Lémery : Traité des aliments (1705)

Liger : Le Ménage des champs et de la ville (1714)

Vincent La Chapelle : Le Cuisinier moderne (1735)

J. Lebas : Festin joyeux (1738)

[Louis-Auguste de Bourbon] : Le Cuisinier gascon (1740)

Sieur Gilliers : Le Cannaméliste français (1751)

Maréchal duc de Richelieu : Menu d’un excellent souper tout en bœuf (1757)

Marin : Les Dons de Comus (1758)

La Nouvelle Maison rustique (1775)

Diderot et d’Alembert : Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, articles « Cuisine » du chevalier de Jaucourt (1778)

Menon : Les Soupers de la Cour (1755) et La Cuisinière bourgeoise (1788)

Veuve Mérigot : La Cuisinière républicaine (1795)

XIXe SIÈCLE

Berchoux : La Gastronomie (1803)

Grimod de La Reynière : Almanach des gourmands (1803)

Beauvilliers : L’Art du cuisinier (1816)

Brillat-Savarin : Physiologie du goût (1826)

[Horace Raison] : Code gourmand (1828)

Durand : Le Cuisinier Durand (1830)

Stendhal : Rome, Naples, Florence (1817), Mémoires d’un touriste (1838)

Louis de Cussy : L’Art culinaire (1843)

Antonin Carême (et Plumerey) : L’Art de la cuisine française au XIXe siècle (1843-1845).

Eugène Briffaut : Paris à table (1846)

Honoré de Balzac : La Comédie humaine (1842-1848)

Charles Monselet : La Cuisinière poétique (1859)

Alphonse Daudet : Lettres de mon moulin (1866)

Urbain Dubois : La Cuisine classique (1856), La Cuisine artistique (1872) et Cuisine de tous les pays (1868)

Baron Brisse : Les 366 Menus (1869)

Edmond et Jules de Goncourt et le siège de Paris (1870-1871)

Alexandre Dumas : Grand Dictionnaire de cuisine (1873)

Jules Gouffé : Le Livre de cuisine (1877)

Charles Gérard : L’Ancienne Alsace à table (1877)

Gustave Flaubert : Madame Bovary (1856), Salambô (1862), L’Éducation sentimentale (1869), Bouvard et Pécuchet (1881), Le Dictionnaire des idées reçues (1923)

Guy de Maupassant : Contes et Nouvelles (1880-1921), Bel-Ami (1885)

Lucien Tendret : La Table au pays de Brillat-Savarin (1892)

Joseph Favre : Dictionnaire universel de cuisine (1893)

Émile Zola : Les Rougon-Macquart (1871-1893)

Jean-Baptiste Reboul : La Cuisinière provençale (1895)

XXe SIÈCLE

Le déjeuner des Maires (1900)

Sénateur Couteaux : Le lièvre à la royale (1905)

Fulbert-Dumonteil : La France gourmande (1906)

Auguste Escoffier : Le livre des menus et Le Guide culinaire (1912)

Jules Maincave : Manifeste de la cuisine futuriste (1913)

Georges Spetz : L’Alsace gourmande (1914)

Avec les poilus au front pendant la guerre 1914-1918

Raoul Ponchon : La Muse au cabaret (1920)

Ali-Bab [Henri Babinski] : Gastronomie pratique (1923)

Pampille [Mme Léon Daudet] : Les Bons Plats de France (1924)

Marcel Rouff : La Vie et la passion de Dodin-Bouffant, gourmet (1924)

Marcel Proust : À la recherche du temps perdu (1909-1927

Mathieu Varille : La Cuisine lyonnaise (1928

Prosper Montagné : Les Délices de la table (1931)

Édouard Nignon : Éloges de la cuisine française (1933)

Édouard de Pomiane : Radio-Cuisine (1933-1936) et Vingt plats qui donnent la goutte (1938)

La gastronomie face aux restrictions (1940-1941)

Dictionnaire humoristique de la gastronomie (1941)

Curnonsky : À l’infortune du pot (1946)

Curnonsky et André Saint-Georges : La Table et l’amour (1950)

Paul Ramain : Mycogastronomie (1954)

Joseph Delteil : La Cuisine paléolithique (1964)

Gault et Millau : Manifeste de la nouvelle cuisine (1973)

Jean-François Revel : Un festin en paroles (1979)

ÉPILOGUE

Index des recettes

Bibliographie générale


[1] Successivement interne des hôpitaux de Paris (1975-78), chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris à l’hôpital Beaujon (1979-84), médecin libéral (depuis 1981), attaché en premier des hôpitaux de Paris (1985), il est aussi membre de la Société nationale française de gastro-entérologie, de la Société française d’endoscopie digestive et du Club français d’écho-endoscopie.

Date de publication
vendredi 30 octobre 2020
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