Diplômé de la prestigieuse université de Cambridge où il a obtenu son doctorat d’histoire, Ronen Bergman (°1972, Tel-Aviv) est avocat et l’un des plus grands spécialistes du renseignement.
Analyste senior en politique et dans le domaine militaire pour Yedioth Ahronoth – le quotidien le plus lu en Israël – et journaliste au New York Times Magazine, il est l’auteur de plusieurs livres sur le Mossad et connaît un succès planétaire avec son essai au titre inspiré d’une citation du Talmud [1], Lève-toi et tue le premier – L’histoire secrète des assassinats ciblés commandités par Israël, encensé dans le monde entier et publié dans sa version française par les Éditions Grasset à Paris.
Il s’agit du premier ouvrage de grande envergure « sur les programmes d’assassinats ciblés menés par les services du Mossad [2], du Shin Bet [3] et de l’armée israélienne. Depuis les mois qui ont précédé la création de l’État jusqu’aux menaces les plus contemporaines, Israël s’est appuyé sur le renseignement et les opérations secrètes pour préserver sa sécurité en exécutant, sur son sol ou à l’étranger, ses ennemis.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, les Israéliens ont ainsi éliminé de manière ciblée plus d’individus que n’importe quel autre pays occidental. Il a fallu plusieurs décennies d’enquête à l’auteur pour réunir ces milliers de documents – dont beaucoup sont encore aujourd’hui classifiés – et pour mener des centaines d’entretiens avec des responsables du Mossad, des anciens Premiers ministres israéliens, ou encore des membres de commandos parfois célèbres, remontant ainsi toute la chaîne depuis les agents exécutants jusqu’aux plus hautes sphères politiques.
Bergman nous fait revivre les grands succès de ces opérations secrètes, certains échecs également, et écrit ainsi une histoire parallèle de l’État hébreu. » [4].
L’ouvrage s’ouvre par l’assassinat à Jérusalem en 1944 de Tom Wilkin, un officier anglais qui commandait l’Unité juive du Département d’enquête criminelle du Mandat britannique en Palestine, abattu par des militants sionistes radicaux du Lehi, et il se termine par l’injection létale administrée en 2010 dans sa chambre d’hôtel à Dubaï, par des agents du Mossad, à Mahmoud Al-Mabhouh, chargé de l’acquisition d’armes pour le Hamas.
Dans l’intervalle, Ronen Bergman narre par le menu 108 autres opérations secrètes menées pour éliminer des auteurs d’actes de terrorisme, des cadres politiques, des hauts gradés et des scientifiques de pays hostiles à l’État hébreu.
Parmi celles-ci, citons la traque des membres de Septembre noir, l’organisation terroriste palestinienne responsable en 1972 de la prise d’otages des Jeux olympiques de Munich [5], la mort à Berlin-Est en 1978 de Wadie Haddad [6] des suites d’un empoisonnement [7], la liquidation à Malte en 1995 du fondateur et dirigeant du Jihad islamique palestinien Fathi Shiqaqi qui reçut trois balles dans la tête, l’exécution en 2004 à Gaza au moyen de missiles du cheikh Ahmed Yassine, fondateur du Hamas, l’élimination, entre 2007 et 2012, de cinq experts nucléaires iraniens, tués par balles ou par l’explosion d’une bombe cachée dans leur voiture, ou encore l’assassinat, en 1990, à Bruxelles, de cinq balles de pistolet Makarov du Canadien Gérald Bull, spécialiste en balistique, qui s’était mis au service de Saddam Hussein pour construire un canon capable de frapper aussi bien Téhéran que Tel-Aviv.
Ajoutons enfin que ce livre aussi courageux qu’averti ne mentionne pas l’assassinat à Bruxelles le 1er juin 1981 de l’intellectuel palestinien et chrétien Naïm Khader, premier représentant de l’OLP auprès des autorités belges et européennes. Partisan de la création d’un État palestinien laïc et démocratique cohabitant pacifiquement avec Israël, Khader militait pour la paix et le dialogue et noua des relations d’amitié avec des membres de la communauté juive de Belgique tout en étant l’un des artisans de la reconnaissance de la cause palestinienne en Europe. On peut donc en conclure qu’il a été assassiné non pas par le Mossad, comme on l’par d’autres Palestiniens, extrémistes ceux-là…
PÉTRONE
Lève-toi et tue le premier – L’histoire
secrète des assassinats ciblés commandités par Israël par
Ronen Bergman, traduction de l’anglais par Johan-Frédérik Hel Guedj, Paris, Éditions Grasset, février 2020, 938 pp.
en noir et blanc+ 1 cahier de 16 pp. en quadrichromie au format 15,3 x 23,5 cm
sous couverture brochée en couleurs, 29 € (prix France)
[1] « Face à celui qui vient te tuer, lève-toi et tue le premier. »
[2] Ce nom désigne l’Institut israélien pour les renseignements et les affaires spéciales. Ses objectifs, sa structure et ses pouvoirs sont exemptés des lois constitutionnelles de l’État. Son activité est soumise à des procédures secrètes qui n’ont jamais été révélées et son directeur relève directement et uniquement du Premier ministre.
[3] Le service israélien de contre-espionnage et de sécurité intérieure.
[4] Extrait de la quatrième de couverture.
[5] Qui se solda par la mort de onze athlètes israéliens.
[6] En juin 1976, il avait organisé le détournement sur Entebbe du vol 139 d’Air France Tel Aviv-Paris après l’escale d’Athènes, détournement mis en échec par un raid sur le tarmac de l’aéroport de la capitale ougandaise mené par un commando israélien. Le colonel Jonathan Netanyahou, frère aîné du futur Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, y trouva la mort.
[7] Le poison avait été placé dans un tube de dentifrice que l’on échangea avec le sien.