« Un banquier est toujours en liberté provisoire. » (Raymond Poincaré)

Excellemment scénarisé et bellement exécuté, le premier tome de la bande dessinée intitulée Le banquier du Reich (chez Glénat à Grenoble) retrace l’action, entre le 13 novembre 1923 et le 20 janvier 1939, de Hjalmar Schacht.

Ce financier allemand hautement diplômé [1] et très imbu de sa personne, né à Tinglev dans l’Empire allemand (aujourd’hui au Danemark) le 22 janvier 1877 et mort à Munich le 3 juin 1970, créa le Rentenmark (1923) avant d’être le président de la Reichsbank (1924-1930 et 1933-1939) et le ministre de l’Économie du Troisième Reich (1934-1937).

Accusé d’être impliqué dans l’attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler, Schacht fut interné dans divers camps de concentration (notamment Ravensbrück et Dachau) jusqu’à la fin de la guerre. Il fut inculpé, puis acquitté par le Tribunal de Nuremberg.

Pendant la Première Guerre mondiale, il fut parmi les organisateurs de l’économie de guerre, en Belgique notamment.

Après la défaite, Schacht contribua principalement à juguler l’hyperinflation et à créer une nouvelle monnaie, le Rentenmark, puis le Reichsmark, lorsqu’il fut commissaire à la monnaie de la République de Weimar entre la fin de 1923 et durant l’année 1924. Son système permit de facto de réduire la dette publique allemande.

Il devint ensuite président de la Reichsbank et contribua à l’élaboration du plan Young, destiné à réduire les réparations de guerre auxquelles l’Allemagne était astreinte après le traité de Versailles. Mais, en raison de désaccords majeurs sur la mise en place de ce plan, il démissionna de la Reichsbank le 7 mars 1930 et se brouilla avec le chancelier centriste Heinrich Brüning.

C’est lors d’un dîner auquel il fut invité par Hermann Göring, le 5 janvier 1931, qu’il rencontra Adolf Hitler.

Attiré par le programme et la conviction de ce dernier, sentant qu’il pouvait jouer un rôle et assurer ainsi sa propre carrière, il se rapprocha du NSDAP entre 1930 et 1932, sans pour autant adhérer au parti nazi.

Au pouvoir, Hitler nomma Schacht président de la Reichsbank le 17 mars 1933, puis ministre de l’Économie en 1934. Il développa alors une politique mercantiliste fondée sur de grands travaux, comme la construction d’autoroutes, financés par l’État.

Parmi ses créations les plus spectaculaires, citons le « bon MEFO », une monnaie parallèle reposant sur la création d’une société imaginaire, la Metallurgische Forschungsesellschaft, m.b.H., ou « MEFO », dont les titres servirent de monnaie d’échange convertible en Reichmarks sur demande et qui lui permirent de lever plus de dix millions de Marks-or.

Il fut renvoyé du ministère de l’Économie à sa demande en novembre 1937, à cause de différends portant notamment sur l’importance des dépenses militaires, qui créaient de l’inflation, et de relations conflictuelles avec Hermann Göring. Il conserva son poste à la tête de la Reichsbank jusqu’en 1939 et fut ministre sans portefeuille jusqu’en 1943, titre essentiellement honorifique [2].

Saluons les indéniables qualités de cette bande dessinée en tout point remarquable, tant sur le plan graphique que sur celui de l’information historique et de la mise en scène.

Et vivement la suite !

PÉTRONE

Le banquier du Reich (tome 1), scénario de Pierre Boisserie & Philippe Guillaume, dessins de Cyrille Ternon et couleurs de Céline Labriet, Grenoble, Éditions Glénat, février 2020, 56 pp. en quadrichromie au format 24 x 32 cm sous couverture cartonnée en couleurs, 14,50 € (prix France)


[1] De l’Université Louis-et-Maximilien de Munich, de l’Université de Leipzig, de l’Université Humboldt de Berlin, de l’Université de Paris et de l’Université de Kiel où il obtient un doctorat d’économie avec une thèse sur le mercantilisme.

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Hjalmar_Schacht

Date de publication
jeudi 5 mars 2020
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