« La guerre est donc divine en elle-même, puisque c’est une loi du monde. » (Joseph de Maistre)

Historien et romancier italien [1], Alessandro Barbero (°Turin, 1959) enseigne l’histoire médiévale à l’université du Piémont-Oriental de Vercelli. Il a notamment écrit Le Jour des Barbares et Waterloo, publiés en français par Flammarion dans la collection « Champs ».

C’est chez le même éditeur et dans la même collection que paraissent ses Histoires de croisades (2010) dans une nouvelle version rebaptisée Sacrées guerres – Petite histoire des croisades et du jihad par

En voici la présentation :

« Nous avons tous entendu parler des croisades, nous connaissons les noms de Godefroi de Bouillon, de Richard Cœur de Lion ou de Saladin ; nous savons qu’elles ont eu lieu au Moyen Âge et qu’il y en eut plusieurs – cinq, sept ou peut-être neuf. Mais en avons-nous une idée bien claire ? Le thème se prêtant à l’actualisation, la question mérite d’être posée. Ces événements sanglants, notre civilisation les a d’abord célébrés avec un immense enthousiasme.

Plus récemment, nous en avons eu honte, mais certains, en Occident comme en Orient, persistent à les voir avant tout sous leur jour épique. Lire ces histoires de croisades, c’est comprendre comment les chrétiens du XIsiècle se mirent à penser que la guerre pouvait être sainte et comment les musulmans redécouvrirent la notion de jihad ; c’est aussi « une extraordinaire occasion de voir nos ancêtres à travers le regard des autres ». »

Et voici un extrait :

(À propos des Francs, les croisés, vus par un chef musulman, Ousâma Ibn Mounqidh)

Qu’ils soient bizarres, cela ne fait aucun doute : ils sont grossiers et ignorants, aux yeux des Turcs comme des Byzantins. Ousâma nous donne des témoignages de leur grossièreté et de leur ignorance, par exemple dans la pratique de la médecine. Il raconte que, pendant une période de trêve, un certain chef croisé lui demanda de lui envoyer un médecin, parce qu’il y avait des malades que les médecins francs ne parvenaient pas à guérir ; l’émir envoya donc un médecin, un Arabe chrétien nommé Thabit.

Mais le médecin « revint après moins de dix jours. Nous lui dîmes : Tu n’as pas tardé à guérir ces malades ! Et il raconta : Ils m’ont présenté un chevalier qui avait un abcès à une jambe et une femme atteinte de consomption. J’ai fait un emplâtre au chevalier, l’abcès s’est ouvert et s’est amélioré. J’ai prescrit un régime à la femme pour rafraîchir son tempérament. Voilà alors qu’arrive un médecin franc, qui s’exclame : Ce médecin ne sait pas soigner ses patients ! Se tournant vers le chevalier, il lui demande : Que préfères-tu, vivre avec une seule jambe ou mourir avec les deux ? L’homme ayant répondu qu’il préférait vivre avec une seule jambe, il ordonna : Amenez-moi un chevalier vigoureux et une hache bien aiguisée. Et moi » – c’est toujours le médecin arabe qui raconte –, « j’assistais à la scène. Il posa la jambe de l’homme sur un billot de bois et dit au chevalier : Donne-lui un grand coup de hache et tranche-la net. Alors, sous mes yeux, il lui donna un premier coup puis, comme elle n’avait pas été coupée, un second coup. La moelle de la jambe gicla, et le patient mourut à l’instant.

Après avoir examiné la femme, il dit : Cette femme a un démon dans la tête, qui est tombé amoureux d’elle ; coupez-lui les cheveux. On les lui coupa, et elle recommença à manger leur nourriture pleine d’ail et de moutarde, si bien que la maladie reprit de plus belle. Le diable est entré dans sa tête, estima alors le médecin ; prenant un rasoir, il fit une entaille en forme de croix, le cerveau sortit par cette ouverture jusqu’à l’apparition de l’os, qu’il frotta avec du sel ; et la femme mourut à l’instant. Je demandai alors : Avez­ vous encore besoin de moi ? Ils répondirent que non, et je partis, ayant appris de leur médecine ce qu’auparavant j’ignorais. »

Une lecture que l’on fera suivre, pout être édifié davantage, de Les Croisades vues par les Arabes d’Amin Maalouf…

PÉTRONE

Sacrées guerres – Petite histoire des croisades et du jihad par Alessandro Barbero, ouvrage traduit de l’italien par Jean-Marc Mandosio, Paris, Éditions Flammarion, collection « Champs », [2010], mai 2018, 125 pp. en noir et blanc au format 10,8 x 17,8 cm sous couverture brochée en couleurs, 6 € (prix France)

TABLE

I. Qu’est-ce que les croisades ?

II. L’épopée

III. Entre guerre sainte et jihad

IV. L’Occident vu par les « autres »

Chronologie

Pour aller plus loin


[1] En 1995, il a fait paraître chez Mondadori Bella vita e guerre altrui di Mr. Pyle gentiluomo (La Belle Vie ou les Aventures de Mr Pyle, gentilhomme, Gallimard, 1998), Prix Strega 1996, traduit en sept langues.

Date de publication
mardi 3 mars 2020
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