Émouvant à de nombreux égards, le roman choral de Claire Fercak (°1982) dédié à sa maman et intitulé Ce qui est nommé reste en vie [1] (Paris, Éditions Verticales) croise en 45 courts chapitres le sort balançant entre dévoiements de la mémoire, rêves fantaisistes, éclairs de lucidité, craintes diffuses et confuses d’un groupe de malades atteints d’une tumeur cérébrale incurable, le glioblastome, avec les réactions de leur entourage les visitant à l’hôpital, se confiant dans des groupes de parole et se préparant au deuil inéluctable.
Extrait :
« Vous craignez de chaque jour qu’il soit son dernier, alors vous lui dites que vous l’aimez, vous lui parlez. À qui parle-t-on à ce moment-là ? Au vivant que l’on aime, ce déjà-presque-mort dont on ignore ce qu’il entend, comprend ? À quoi ça sert ?
Vous vous adressez aux morts, les mots semblent nécessaires face à l’ébranlement, donnent une valeur au chaos, permettent de créer une relation avec le mourant.
Vous lui parlez, et vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez, vous l’embrassez.
Vous ne pouvez plus vous arrêter. »
Poignant de vérité…
PÉTRONE
Ce qui est nommé reste en vie par
Claire Fercak, Paris, Éditions Verticales,
janvier 2020, 156 pp. en noir et blanc au format 14 x 20,5 cm
sous couverture brochée en couleurs, 16 € (prix France)
[1] Ce titre est une phrase extraite du Livre contre la mort d’Elias Canetti (1905-1994, prix Nobel de littérature en 1981), un recueil posthume principalement composé d’inédits découverts après la disparition de l’auteur, dans lequel se mêlent notes, aphorismes, portraits et réflexions.