Nell Kimball naît en 1854 dans une petite ferme de l’Illinois. Sans doute sa verdeur, son bon sens et sa rudesse trouvent-ils leurs racines dans son enfance fruste et misérable. Afin d’échapper à la pauvreté, elle se prostitue à Saint-Louis.
En 1880, elle devient tenancière de maison close, d’abord à La Nouvelle-Orléans, puis à San Francisco, pour revenir à Storyville, quartier réservé de La Nouvelle-Orléans, qui est fermé en 1917.
Elle meurt en 1934, deux ans après avoir rédigé ses Mémoires d’une maîtresse américaine, qui ne sont publiés que quarante années plus tard aux États-Unis, pour des raisons de censure, et dont les Éditions Les Belles lettres ont donné récemment une traduction française dans la collection « Le goût de l’Histoire » dirigée de main de maître découvreur par Jean-Claude Zylberstein.
Ainsi qu’il le fait savoir en quatrième de couverture, « les Mémoires de Nell Kimball ne sont pas la « philosophie dans le bordel ». Cette « madam » au vocabulaire terriblement cru, brutal, tout en décrivant les maisons closes qu’elle a fréquentées, analyse, dissèque, avec un réalisme aigu, son époque.
Extraordinaire documentaire sur la vie quotidienne aux États-Unis depuis la guerre de Sécession au début de l’ère moderne, ce livre, œuvre d’une femme intelligente, dure, sans illusions, nous révèle la face cachée d’une Amérique en proie à la révolution économique et aux bouleversements des mœurs ».
Extrait :
Pendant toutes ces années, je ne suis jamais tombée enceinte. Emma Flegel nous avait indiqué quelques recettes à employer avant ou après, pour éviter que ça ne nous arrive. Quand, d’aventure, une putain se voyait en cloque, il y avait une pilule noire qu’on trouvait dans toutes les pharmacies et qu’on prenait pendant trois jours, avec des bains chauds, et en général tout rentrait dans l’ordre. « Tombée du toit », c’était l’expression qu’on employait quand une fille avait du retard.
Dans le métier, nous apprenions à examiner mine de rien le client, pour voir s’il n’avait pas attrapé le petit ou le grand casino. Nous étions de très bonnes comédiennes, capables de simuler à fond le plaisir, jusqu’à l’orgasme explosif, gigotant convulsivement, criant des mots d’amour, roulant la tête sur l’oreiller. La plupart du temps, nous ne ressentions rien ; nous nous occupions la tête en pensant aux beignets de morue trop salés du déjeuner ou à la manière la plus distinguée de se chausser pour aller se promener dans le parc le dimanche qui venait.
Instructif…
PÉTRONE
Mémoires d’une maîtresse américaine – L’histoire d’une maison close aux États-Unis (1880-1917) par Nell Kimball, traduction de Michel Pétris, Paris, Éditions Les Belles Lettres, collection « Le goût de l’Histoire » dirigée par Jean-Claude Zylberstein, septembre 2019, 474 pp. en noir et blanc au format 12,5 x 19 cm sous couverture brochée en couleurs, 15 € (prix France)
TABLE DES MATIÈRES
Présentation par Stephen Longstreet
PREMIÈRE PARTIE
DÉBUTS DANS LA VIE
1. Ma dernière maison
2. Naissance
3. Croissance
4. Je pars
5. Saint-Louis
6. Chez les Fiegel
DEUXIÈME PARTIE
ÇA MONTE ET ÇA DESCEND
7. La vie d’une maison
8. En regardant autour de moi
9. Le commerce de la chair
10. Les pendants du flambeur
11. Cocotte, enfin…
12. … Pour un homme et un seul
13. Konrad, la fin
TROISIÈME PARTIE
LES DEUX FACES DU MONDE
14. Le vrai dessous des choses
15. Je me marie
16. Ma vie avec monte
17. Un mauvais moment à passer
18. Les malfrats de New York
19. Le cercle rouge, encore
20. Le delta
21. Storyville, si vous voulez
QUATRIÈME PARTIE
MADAME
22. Les ennuis commencent
23. La clientèle du Golden Gate
24. Les affaires
25. Un client exceptionnel
26. Les sœurs Everleigh
CINQUIÈME PARTIE
LA FIN
27. Retour à la Nouvelle-Orléans
28. Une lourde erreur
29. On ferme