Marie de France (ca 1160-1210) est une poétesse et une fabuliste de la « Renaissance du XIIe siècle », la première femme de lettres en Occident à écrire en langue vulgaire. Elle appartient à la seconde génération des auteurs qui ont inventé l’amour courtois.
Ses courts récits en vers appelés Lais – que proposent, traduits en français contemporain par Philippe Walther, les Éditions Gallimard dans la collection « Folio + Collège/poésie » – sont une adaptation en langue d’oïl de la matière de Bretagne (il s’agit de légendes chantées en breton sur la rote ou la harpe, voire la vièle, par des bardes, lesquels étaient, en Bretagne, en Cornouailles et au Pays de Galles, des officiers de cour garants de la notoriété du prince qu’ils servent).
Il est impossible de savoir dans quel milieu linguistique a grandi la future poétesse ni même en quelle langue elle a elle-même écrit. Les huit principaux manuscrits qui la font connaitre au chartiste contemporain sont des copies postérieures à sa mort rédigées tantôt en anglo-normand, principale langue littéraire du XIIe siècle après la langue d’oc, tantôt en francien, voire en picard.
Ses lais ont rencontré un immense succès de son vivant dans toutes les cours de France et d’Angleterre dont ils célèbrent l’idéal chevaleresque, puis, la mode de la chevalerie expirant durant la guerre de Cent Ans, ils ont été oubliés.
À la suite d’une première traduction en anglais, le mouvement romantique et l’engouement pour les études de l’ancien français les ont fait redécouvrir au XIXe siècle et ils sont aujourd’hui des classiques.
En revanche, ses fables inspirées d’Ésope ont été lues sans discontinuer du XIIe au XVIIIe siècle, en raison d’une vivacité caractéristique qui a été imitée, en particulier par La Fontaine.
Marie dite de France demeure cependant une énigme, dont rien n’est connu que les écrits et le prénom.
Ses lais sont des récits d’amour et d’aventure.
Dans la chambre d’un château ou dans une forêt profonde, le monde des fées s’y mêle à l’univers courtois : le roi Arthur ainsi que Tristan et Yseut font une apparition, des enfants abandonnés cherchent leurs parents, des êtres féériques viennent s’unir aux mortels, mais surtout, dames et chevaliers connaissent les joies de l’amour et la douleur de la séparation…
Au centre de toutes ces histoires, l’amour pousse au dépassement de soi et permet aux héros et aux héroïnes de s’accomplir. Le plus souvent, il s’agit d’amour contrarié par la société et neuf des douze lais[1] racontent des amours adultères. Le plus court, mais peut-être le plus beau de ces textes, Le Chevrefoil, reprend ainsi l’histoire de Tristan et Iseut telle que l’auteure l’a lue dans la version de Thomas de Bretagne [2].
L’ouvrage se complète d’un dossier rédigé par Mathilde Grodet, agrégée de lettres modernes et docteure en littérature médiévale, qui a défendu une thèse sur les récits courtois aux XIIe et XIIIe siècles.
PÉTRONE
Lais
– texte intégral par Marie de France, traduction de Philippe
Walter, dossier par Mathilde Grodet, Paris, Éditions Gallimard, collection « Folio+ Collège/poésie »,
novembre 2019, 201 pp. en noir et blanc au format 12,5 x 17,8 cm
sous couverture brochée en couleurs, 4 € (prix France)
[1] Guigemar, Équitan, Le frêne, Bisclavret, Lanval, Les deux amants, Yonec, Le rossignol, Milon, Le pauvre malheureux, Le chèvrefeuille et Éliduc.
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_de_France_(po%C3%A9tesse)