Marie Noël, nom de plume de Marie Rouget, née le 16 février 1883 à Auxerre et y décédée presque aveugle dans la nuit de Noël 1967, est une poétesse française dont le procès en béatification a été ouvert le 23 décembre 2017 par l’Église catholique à l’occasion du 50e anniversaire de sa mort.
Femme passionnée et tourmentée, elle n’est souvent connue que pour ses œuvres de « chanson traditionnelle » (Les Chansons et les Heures), au détriment de ses écrits plus sombres dont la valeur littéraire et la portée émotive sont pourtant plus fortes, notamment le poème pour l’enfant mort, véritable « hurlement » (titre d’un autre de ses poèmes) d’une mère écartelée entre sa souffrance quasi animale et sa foi en Dieu appelant à l’acceptation. Le déchirement entre foi et désespoir, qui culmine dans un cri blasphématoire aussitôt repenti, est ici particulièrement poignant, selon la lecture que fait Jeanne-Marie Baude des Notes intimes de la poétesse [1].
Elle entretint une importante correspondance avec des intellectuels de son époque : Henry de Montherlant, François Mauriac, Jean Cocteau, Colette, la princesse Bibesco [2].
La poétesse, romancière, nouvelliste et essayiste belge Colette Nys-Mazure [3] (°1939) a rassemblé, dans une anthologie intitulée Le chants des jours – Une année en poésie (Paris, Desclée de Brouwer), 365 extraits de l’œuvre de Marie Noël à lire comme un calendrier tout empreint de lucidité, d’interrogations et d’espoir.
Extraits :
22 avril – Un papillon pareil à nous
Un papillon…
Une étrange fantaisie de papillon… bien étrange, hier soir.
La nuit tombante. La lampe allumée. Il est entré dans la cuisine, appelé par la lumière. Pas un des plus grands. Ni des plus petits… Un des plus ternes. Un papillon gris, fané, vieux… Un flocon de poussière allée.
2 août – Désir du Paradis
Enfant, ce fut le Paradis, j’inventais des aventures saintes pour y arriver plus vite ; J’attendais le soir dans mon lit une miraculeuse maladie – qui m' »allait venir prendre ; je jouais à la balle au mur pour interroger la balle sur l’année, le mois, le jour de la semaine où j’allais bientôt être morte et entrer chez Dieu.
Et comme j’étais très maladroite, la balle tombait. Je mourrais à la fleur de l’âge.
28 décembre – Aimer même dans la nuit
L’heure terrible où Dieu n’est pas vrai et où je continue à l’aimer quand même.
La foi de la charbonnière, en quelque sorte…
PÉTRONE
Le chant des jours – Une année en poésie par Marie Noël, choix de textes par Colette Nys-Masure, Paris, Éditions Desclée de Brouwer, octobre 2019, 144 pp. en noir et blanc au format 11,1 x 17,8 cm sous couverture brochée en couleurs, 8,90 € (prix France)
Œuvres de Marie Noël
Le Cantique de Pâques, musique liturgique, 1918.
Les Chansons et les Heures, 1922.
Noël de l’Avent, 1928.
Chants de la Merci, 1930.
Le Rosaire des joies, 1930.
Chants sauvages, 1936.
Contes, 1944.
Chants et psaumes d’automne, 1947.
Petit-Jour, 1951.
L’Âme en peine, 1954.
L’Œuvre poétique, Paris, Stock, 1956.
Notes intimes, 1959.
La Rose rouge, 1960.
Chants d’arrière-saison, 1961.
Publications posthumes
Le Cru d’Auxerre, 1967.
Le Chant du chevalier, 1969.
L’Œuvre en prose, Paris, Stock, 1976.
Le Chemin d’Anna Bargeton, Paris, Stock, 1986.
Almanach pour une jeune fille triste, Paris, Desclée de Brouwer, 2011.
J’ai souvent de la peine avec Dieu : Correspondance avec l’Abbé Mugnier suivie de Ténèbres, Paris, Le Cerf, 2017.
Lettres des Temps Fous : correspondance avec Raphaël Périé. Auxerre, Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne, 2018.
Textes de Marie Noël publiés dans le Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne
Journal août-septembre 1914, 1982, pp. 5-21.
Une lettre inédite à Henri Pourrat, 1988, pp. 203-205.
Une lettre inédite à sa cousine Suzanne Coutant à propos des Chants de la Merci (1930), 1989, pp. 301-303.
Une note inédite, 1989, pp. 304-305.
Henri Charlier et le Jugement de don Juan, 1991, pp. 193-195.
Le Jugement de Don Juan : Miracle, 1993, pp. 185-211.
Trois inédits, 1999, pp. 317-320.
Quelques textes. Supplique à saint Germain, Pour Roger Lafagette et Raphaël Périé, 2001, pp. 431-449.
Hommage à Albert 1er de Belgique, 2003, pp. 255-259.
Inédit,
2004, p. 365.
[1] Paris, Le Cerf, 2012.
[2] Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_No%C3%ABl
[3] Titulaire d’un diplôme en romanistique de l’Université catholique de Louvain, elle s’est ensuite orientée vers l’éducation, notamment à l’université de Lille.