Journaliste et écrivain, spécialiste de la littérature du XIXe siècle, Arnould de Liedekerke (1950-2003) collabora au Figaro Magazine, à Lire et au Magazine littéraire. Son ouvrage La Belle Époque de l’opium (anthologie littéraire de la drogue, de Charles Baudelaire à Jean Cocteau), paru en 1984, fut unanimement salué par la critique.
Les Éditions de La Table Ronde à Paris ont ressorti dans leur collection de poche « La petite Vermillon » son remarquable essai biographique intitulé Talon rouge[1] – Barbey d’Aurevilly, le dandy absolu dans lequel il s’est penché sur le cas du « connétable des lettres » Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889), écrivain catholique, polémiste redoutable, contempteur du siècle, exilé, paria et parangon du dandysme à la vie aussi élégante que désordonnée, dont l’œuvre multiforme influença celles de Léon Bloy, Joris-Karl Huysmans, Octave Mirbeau, Paul Bourget ou encore Georges Bernanos et suscita l’admiration de Marcel Proust dans La Prisonnière (1923, posthume).
Issu d’une ancienne famille normande catholique, paysanne et contre-révolutionnaire, docteur en droit de l’université de Caen (1833), admirateur de Lord Byron, de Joseph de Maistre, d’Honoré de Balzac, de Stendhal, de Baudelaire (pour Les Fleurs du mal), de Flaubert (pour Madame Bovary) et de Théophile Gautier (pour Émaux et camées), Barbey d’Aurevilly laissa à ses contemporains le souvenir d’un polémiste implacable et virtuose dont les victimes furent Victor Hugo, George Sand, Madame de Staël, Jules Michelet, Prosper Mérimée, Ernest Renan, Théophile Gautier et Gustave Flaubert (pour leurs autres écrits), les Goncourt, Émile Zola, les Parnassiens, les bas-bleus, l’école naturaliste, l’Académie française et Sainte-Beuve, du beau linge qu’il étala joyeusement au pilori de ses détestations incluant la philosophie des Lumières, le positivisme, le matérialisme et l’idéologie dominante du progrès[2].
Bien que réactionnaire, il rédigea des romans et des nouvelles qui choquèrent par leur peinture sans merci des ravages de la passion et du péché : Une vieille maîtresse (1851), L’Ensorcelée (1852), Un prêtre marié (1865), Les Diaboliques (1874), Une histoire sans nom (1882), textes dans lesquels le sadisme tient une place de choix.
En parfaite empathie avec l’objet de son étude, l’auteur de cette biographie passionnée apparaît, lui aussi, dans un style qui fait mouche à tous les coups, comme un parfait bretteur des lettres.
Il est vrai qu’« Arnould de Liedekerke était un homme de qualité doublé d’un honnête homme, un aristocrate dont toute la personne était noble. Il y avait en lui quelque chose du Guépard, celui de Lampedusa et celui de Visconti. Quelqu’un de rare. » (Pierre Assouline)[3]
PÉTRONE
Talon rouge – Barbey d’Aurevilly, le dandy absolu par Arnould de Liedekerke, Paris, Éditions de La Table Ronde, collection « La petite Vermillon », février 2019, 351 pp. en noir et blanc au format 10,7 x 17,7 cm sous couverture brochée en couleurs, 8,90 € (prix France)
Œuvres de Jules Barbey d’Aurevilly
Romans
– Une vieille maîtresse, 1851
– L’Ensorcelée, 1852
– Le Chevalier Des Touches, 1864
– Un prêtre marié, 1865
– Une histoire sans nom, 1882
– Ce qui ne meurt pas, 1884
Nouvelles
– Le Cachet d’onyx, rédigé en 1831
– Léa, 1832
– L’Amour impossible, 1841
– La Bague d’Annibal, 1842
– Le Dessous de cartes d’une partie de whist, 1850 (reprise dans Les Diaboliques)
– Le Plus Bel Amour de Don Juan, 1867 (reprise dans Les Diaboliques)
– Une page d’histoire, 1882 (et sous le titre Retour de Valognes. Un poème inédit de Lord Byron), 1886
Recueil de nouvelles
– Les Diaboliques, 1874
Poésies
– Ode aux héros des Thermopyles, 1825
– Poussières, 1854
– Amaïdée, 1889
– Rythmes oubliés, 1897
Essais et textes critiques
– Du Dandysme et de Georges Brummel, 1845
– Les Prophètes du passé, 1851
– Les Œuvres et les hommes, 1860-1909
– Les Quarante Médaillons de l’Académie, 1864
– Les Ridicules du temps, 1883
– Pensées détachées, Fragments sur les femmes, 1889
– Polémiques d’hier, 1889
– Dernières Polémiques, 1891
– Goethe et Diderot, 1913
– L’Europe des écrivains (recueil d’articles rassemblés en 2000)
– Le Traité de la Princesse ou la Princesse Maltraitée, 2012
Mémoires, notes et correspondance
– Correspondance générale (1824-1888), 9 volumes de 1980 à 1989
– Memoranda, Journal intime 1836-1864
– Disjecta membra (cahier de notes), 1925
– Omnia (cahier de notes), 2008.
[1] Expression française dont les origines remontent au XVIIIe siècle où les courtisans étaient les seuls à porter les talons rouges considérés comme une marque de noblesse.Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle que « talon rouge » prit le sens figuré pour désigner celui qui aurait les prétentions aux belles manières. (Source : http://www.expressions-francaises.fr/expressions-t/2823-talon-rouge.html)
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Barbey_d%27Aurevilly
[3] https://www.lexpress.fr/culture/livre/un-dandy-de-l-ancien-regime_807603.html