Paul Morand, né le 13 mars 1888 à Paris VIIIe et mort le 23 juillet 1976 à Paris XVe, était un écrivain, diplomate et académicien français.
« Nouvelliste de génie et romancier fulgurant, emblème de la modernité littéraire des années 1920, Paul Morand fut aussi l’un des plus grands voyageurs de son temps, à la fois protagoniste nostalgique d’un monde en train de disparaître et témoin désabusé de l’émergence du tourisme de masse. Traversant l’espace et le temps, ses récits de voyages possèdent le parfum inimitable de l’évasion, du désir et du rêve. »[1]
Sous la houlette d’Olivier Aubertin, les Éditions Robert Laffont à Paris ont publié dans leur célèbre Collection « Bouquins » un épais recueil intitulé Bains de mer, bains de rêve et autres voyages rassemblant des œuvres célèbres, qui ont forgé l’image cosmopolite de Morand (Rien que la terre, Air indien…), et des textes plus brefs – reportages, chroniques ou préfaces (Conseils pour voyager sans argent, Méditation sur la vitesse…) – devenus introuvables et, pour une partie d’entre eux, restés inédits.
Ils entraînent le lecteur « de la route des Indes au Siam, de l’île de Pâques aux rivages de l’Angleterre et de l’Amérique, (…) [mais aussi à travers] la Suisse et Venise, escales qui sont pour l’écrivain autant de points d’ancrage dans un parcours marqué par le goût de l’urgence, la griserie de la route, l’enchantement des Bains de mer et le feu des soleils du Sud. Toute la terre est là ; tout Morand aussi, sa curiosité jamais rassasiée, nourrie par un regard vif et percutant, un style aussi serré qu’éblouissant »[2].
« Morand est un tireur d’élite, souligne Nicolas d’Estienne d’Orves dans sa préface. Jamais de mitraille, mais un seul trait juste, précis, implacable. Il saisit au sens premier du terme : il attrape une image, une scène, la ligote pour mieux la libérer en mots, et le voyage se fait livre. »
On n’omettra cependant pas de rappeler que ce très brillant auteur eut aussi quelques facettes bien ternes, à savoir son attitude durant la Seconde Guerre mondiale et sa proximité avec le régime de Vichy (admirateur de Pierre Laval, il fut nommé ambassadeur de la France collaborationniste à Bucarest en 1942 avant d’être exfiltré en Suisse à l’instigation de Jean Jardin en 1944), de même que son homophobie et son antisémitisme (qui ne l’empêchèrent cependant pas d’aduler Marcel Proust et d’entretenir plus tard des liens d’amitié avec Jean-Louis Bory).
Sa longue correspondance avec Jacques Chardonne contient assez de critiques venimeuses sur leurs contemporains – dont Charles de Gaulle, André Malraux, François Mauriac, Josette Day – pour qu’ils en interdisent la publication.
« Tout cela dans trente ans ne blessera plus », croit Chardonne qui la dépose en 1967 à la bibliothèque de Lausanne, où elle est consultable depuis 2000. Gallimard la publie en trois tomes dans sa collection Blanche à partir de 2013. Le premier tome couvre leurs échanges de 1949 à 1960. Le deuxième de 1961 à 1963. Le troisième n’a pas encore paru.
« Les deux crocodiles n’ont rien renié de leur vichysme d’antan. Morand y peste contre “l’enjuivement” de l’Académie Goncourt, traite tel écrivain de “merde juive”. Sa phobie antisémite n’a d’égale que sa détestation des homosexuels, tombant au niveau de graffiti de vespasienne […] L’aigreur colérique s’accentue au fil des années 1960, mêlée à la nostalgie. » (François Dufay, Le soufre et le moisi. La droite littéraire après 1945. Chardonne, Morand et les hussards, Paris, Perrin, 2006, p. 140) [3].
En dépit de ces bassesses, Paul Morand n’en demeure pas moins, comme Louis-Ferdinand Céline, un écrivain de grand talent à la tête d’une œuvre remarquable qui témoigne de son temps avec un brio incontestable…
PÉTRONE
Bains de mer, bains de rêve et autres voyages par Paul Morand, édition établie et présentée par Olivier Aubertin, préface de Nicolas d’Estienne d’Orves Paris, Éditions Robert Laffont, Collection « Bouquins », mai 2019, 1 057 pp. en noir et blanc au format 13,4 x 19,9 cm sous couverture brochée en couleurs, 32 € (prix France)
Œuvres de Paul Morand
Poèmes
– Lampes à Arc, Paris, Au Sans Pareil, 1920, puis René Kieffer, 1926, lithographies de Frans Masereel
– Feuilles de Température, Paris, Au Sans Pareil, 1920
– Poèmes complets (1914-1924), Paris, Au Sans Pareil, 1924
– Poèmes, Toulouse, Éditions Richard, 1928
– U.S.A., poèmes, Paris, Au Sans Pareil, hors-commerce, 1928
Nouvelles et recueils de nouvelles
– Tendres Stocks, 3 nouvelles, préface de Marcel Proust, Paris, N.R.F., 1921, 1924, avec des eaux-fortes de Chas Laborde
– Ouvert la nuit, 6 nouvelles, Paris, N.R.F., 1922, 1923, 1924, édition illustrée de 6 aquarelles de Dufy, Favory, de La Fresnaye, Lhote, Moreau, Dunoyer de Segonzac ; La Gerbe d’Or/N.R.F., 1927 ; Éditions Populaires, 1951
– Fermé la nuit, 4 nouvelles, Paris, N.R.F., 1923 et 1935, avec des illustrations de Pascin – Prix de La Renaissance 1923 présidé par Colette
– La Fleur double, Paris, Émile-Paul, 1924, avec un frontispice de Daragnès
– Les Amis nouveaux, Paris, Au Sans-Pareil, 1924, avec eaux-fortes de Jean Hugo) ;
– Les Plaisirs rhénans (Düsseldorf, librairie Léocadia, s.d., avec 7 lithographies érotiques de Gaston-Louis Roux – ouvrage imprimé sans son accord, dont il fit pilonner une partie – cette nouvelle parut dans L’Europe galante, 1926
– Mr. U, Paris, Éditions des cahiers libres, 1927
– East India and Company, 12 nouvelles parues initialement en anglais à New-York en 1927 puis en français, Paris, Arléa, 1987
– À la Frégate, Paris, Les Éditions du Portique, 1930
– Les Rois du jour, Flèche d’Orient, Paris, N.R.F., 1932
– Rococo, Paris, Grasset, 1933
– Affaires de cœur, avec Abel Bonnard, Colette et Abel Hermant, Paris, Éditions Nativelle, 1934
– Les Extravagants (Milady suivi de Monsieur Zéro), N.R.F., 1936
– Feu M. le Duc, Genève, Milieu du Monde, 1942
– Le Bazar de la Charité, Genève, Club des bibliophiles, 1944, illustrations de Paul Monnier
– À la Fleur d’Oranger, Vevey, Éditions de la Table Ronde, 1945
– Le Dernier Jour de l’Inquisition, Vevey, Éditions de la Table Ronde, 1946
– Le Coucou et le Roitelet, Paris, Éditions du Tambourinaire, 1954
– La Folle Amoureuse, Paris, Stock, 1956
– Fin de siècle, Paris, Stock, 1957
– Le Prisonnier de Cintra, 5 nouvelles, Paris, Fayard, 1958
– Parfaite de Saligny, Paris, Stock, 1958
– Nouvelles du cœur, Paris, Gallimard, 1965
– Nouvelles des yeux, Paris, Gallimard, 1965
– Les Écarts amoureux, Paris, Gallimard, 1974
– Nouvelles complètes, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2 tomes, 1992
Romans
– Lewis et Irène, Paris, Grasset, 1924, Émile-Paul, 1925, avec des illustrations d’Oberlé, 1926
– Flèche d’Orient, Paris, Gallimard, 1932
– France-la-doulce, Paris, N.R.F., 1934
– Bug O’Shea, Paris, Laboratoires Deglaude, 1936
– L’Homme pressé, Paris, Gallimard, 1941
– Montociel, Rajah aux Grandes Indes, Genève, Éditions du Cheval Ailé, 1947
– Le Flagellant de Séville, Paris, Fayard, 1951
– Hécate et ses chiens, Paris, Flammarion, 1954
– Tais-toi, Paris, Gallimard, 1965
– La Dame Blanche des Habsbourg, Paris, Robert Laffont, 1963
– Les Extravagants, scènes de la vie de bohème cosmopolite (écrit en 1910-1911, édition posthume en 1986 à Paris chez Gallimard)
– Romans, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2005
Chronique du XXe siècle
– I. L’Europe Galante, 14 nouvelles (Europe), Paris, Grasset, 1925 ; Vertès, 1927 (avec des lithographies en noir) ; Ferenczi, 1928
– II. Bouddha Vivant (Asie), Paris, Grasset et Calmann-Lévy, 1927 ; Paris, Aux Aldes, 1928, avec des eaux-fortes d’Alexieiff ; Ferenczi, 1928
– III. Magie Noire (Afrique), 8 nouvelles, Paris, Grasset, 1928 ; Flammarion et Ferenczi, 1930
– IV. Champions du Monde (Amérique), Paris, Grasset, 1930
Essais et portraits d’écrivains et de personnages historiques
– De la vitesse, Paris, Éditions Kra, 1929
– 1900, Paris, Les Éditions de France, 1931 ; Flammarion, 1942
– Papiers d’identité, Paris, Grasset, 1931
– Le Réveille-matin, Paris, Grasset, 1937
– Apprendre à se reposer, Paris, Flammarion, 1937, aujourd’hui Éloge du repos
– L’heure qu’il est, Paris, Grasset, 1938
– Isabeau de Bavière, Paris, Les Éditions de France, 1939
– Vie de Maupassant, Paris, Flammarion, 1942
– Excursions immobiles, Paris, Flammarion, 1944
– Adieu à Giraudoux, Porrentruy, Aux Portes de France, 1944
– Première visite à Marcel Proust, Genève, Éditions du Cheval Ailé, 1948
– Dostoïevski, annonciateur de l’Europe russe, essai, Genève, Éditions Pierre Cailler, 1948
– Giraudoux. Souvenirs de notre jeunesse, Genève, La Palatine, 1948
– Le Visiteur du soir, Marcel Proust, Paris, La Palatine, 1949
– Katherine de Heilbronn de Henri von Kleist, traduction et adaptation, Paris, La Parisienne, 1954 ; Denoël, 1956
– Fouquet ou Le Soleil offusqué, biographie, Paris, Gallimard, 1961 ; collection Folio/Histoire, 1985
– Monplaisir… en littérature, Paris, Gallimard, 1967
– Monplaisir… en histoire, Paris, Gallimard, 1969
– Discours de réception à l’Académie française, Paris, Gallimard, 1969
– L’Allure de Chanel, Paris, Hermann, 1976
Récits de voyage et portraits de villes
– Rien que la Terre, Paris, Grasset, 1926 ; Plon, 1929, puis Bruxelles, Éditions du Nord, 1929, illustrations de Pierre Falké
– Siam, Paris, Aux Aldes, 1926, illustrations de Galanis
La Semaine de Bath, Paris, Champion, 1925
– Le Voyage, Paris, Hachette, 1927
– Tableaux de Paris, textes de Paul Valéry, Paris, Émile-Paul, 1927, illustrations de Bonnard
– Syracuse USA, Paris, Grasset, 1928
– Paris-Tombouctou, documentaire, Paris, Flammarion – La Rose des Vents, 1928, dédié à André Derain
– Hiver Caraïbe, documentaire, Paris, Flammarion, 1929
– New York, Paris, Flammarion, 1930 et 1931, illustrations de Lubbers
– New York, le Jour et la Nuit, Paris, Flammarion, 1930
– Route de Paris à la Méditerranée, Paris, Firmin-Didot, 1931
– Air Indien, Paris, Grasset, 1932
– A.O.F. de Paris à Tombouctou, Paris, Flammarion, 1932
– Paris de nuit, avec 60 photographies de Brassaï, Paris, Arts et Métiers Graphiques, 1933
– Londres, Paris, Plon, 1933
– Bucarest, Paris, Plon, 1934
– Croisière du yacht Alphée (Y Cotnareanu, 1935
– Rond-point des Champs-Élysées, Paris, Grasset, 1935
– La Route des Indes, Paris, Plon, 1936
– Méditerranée, mer des surprises, Paris, Mame, 1938
– Florence que j’aime, Éditions Sun, 1959
– Bains de mer, bains de rêve, Lausanne, Guilde du Livre, 1960
– Le Nouveau Londres suivi de Londres 1933, édition revue et corrigée, photographies de Tony Armstrong-Jones, Paris, Plon, 1962
– Majorque, Barcelone, Noguer, 1963
– Le Portugal que j’aime, légendes, préfacé par Michel Déon, présenté par Jacques Chardonne, Éditions Sun, 1963
– Préface à La Suisse que j’aime de François Nourissier, Éditions Sun, 1968
– Venises, Paris, Gallimard, 1971
– D’autres Venise (Nicolas Chaudun, 2010, préfacé par Olivier Aubertin
– Rhin et Danube (Nicolas Chaudun, 2011, préfacé par Olivier Aubertin
– Bains de soleil (Nicolas Chaudun, 2011, préfacé par Olivier Aubertin
– So British! (Nicolas Chaudun, 2012, préfacé par Olivier Aubertin
– Carnets d’un voyage aux Antilles (novembre – décembre 1927), Passage(s), 2016
Chroniques
– Papiers d’identité, Paris, Grasset, 1931
– Mes débuts, Paris, Grasset, 1933
– Réflexes et Réflexions, Paris, Grasset, 1939
– Chroniques de l’homme maigre, Paris, Grasset, 1940
– Propos des 52 semaines, Milieu du Monde, 1942
– L’Eau sous les ponts, Paris, Grasset, 1954
Théâtre
– Le Procès de Fouquet précédé de Orléans et Bourgogne et suivi de Eugénie et Charlotte, Passage(s), 2018
Correspondance
En dépit des turpitudes que nous avons décrites ci-dessus, « Morand est tout entier dans ses lettres […] Cet incomparable épistolier offrait de fulgurantes visions sur la politique, les mœurs, l’histoire ou les élans du cœur. » (Prière d’insérer de Lettres à des amis et à quelques autres, préface de Michel Déon, présentation et notes de Ginette Guitard-Auviste, Paris, La Table Ronde, 1978).
Souvenirs
– Journal d’un attaché d’ambassade, 1916-1917, Paris, La Table Ronde, 1948 ; Gallimard, 1963 ; La Table Ronde, 1974
– Journal inutile, mémoires en 2 volumes, Paris, Gallimard, 2002
– Préface de Ce que je voulais vous dire aujourd’hui, choix de lettres de Jacques Chardonne avec deux lettres de Morand, Paris, Grasset, 1970, mais prépublication dans La Revue de Paris en 1968
[1] Quatrième de couverture.
[2] Id.