François Rouquet est professeur d’histoire contemporaine à l’université de Caen-Normandie et directeur du laboratoire HisTeMé (ex-Centre de recherche d’histoire quantitative) où il anime l’équipe « Seconde Guerre mondiale ». Il est également membre du conseil scientifique du mémorial de Caen et du comité de rédaction de la revue Genre & Histoire. Ses travaux portent sur le genre, les guerres mondiales et le cinéma.
Directeur de recherche au CNRS, Fabrice Virgili travaille au sein de l’UMR « Sorbonne-Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe ». Il est spécialiste du genre et des guerres mondiales. Membre de l’association Mnémosyne et du comité de rédaction de la revue Clio. Femmes, Genre, Histoire, il anime également l’équipe « Genre & Europe » du laboratoire d’excellence « Écrire une histoire nouvelle de l’Europe » (EHNE).
Ils ont fait paraître aux Éditions Gallimard, dans la collection « Folio histoire », un essai monumental (820 pages !) et remarquablement documenté intitulé Les Françaises, les Français et l’Épuration dans lequel ils se penchent avec recul et sagacité sur l’un des sujets les plus controversés de l’après-Seconde Guerre mondiale en France [1].
Écoutons-les :
« “Alors que l’orage s’éloigne, une tâche immense s’impose à tous les Français : celle de refaire notre belle France que les nazis ont souillée de leur présence.” Cet écho du Travailleur de l’Oise en octobre 1944 illustre la démarche de ce livre : s’attacher non plus à la seule étude politique et institutionnelle de l’épuration, mais, dans la veine d’une historiographie renouvelée, aux Françaises et aux Français face à l’événement.
Il y a une évidente dimension populaire de l’épuration. Il s’agit non pas du catalyseur des « excès de la foule » qui déborderait les nouvelles autorités, mais au contraire d’un mouvement antérieur à l’installation du pouvoir politique à la Libération. Deux dynamiques coexistent en effet dès le début de l’Occupation. L’une, en France, souterraine, mais qui s’étend, lente et silencieuse, menace les traîtres et, l’heure venue, veut les tuer ; l’autre, à Londres, puis dans les autres terres d’exil, réfléchit à la justice et à ses normes et prépare des ordonnances.
Ces dynamiques, disjointes, se conjuguent finalement au moment de la libération des territoires dans une grande diversité de situations. Cette histoire sociale de l’épuration prend en considération également la question du genre : les relations entre les femmes et les hommes ne sont pas seulement perturbées durant la guerre, leurs identités respectives le sont également et durablement. La volonté de régénération de la patrie et des mœurs, notamment des mœurs féminines, explique l’ignominie des tontes.
C’est donc dans un cadre géographique et social élargi que cet ouvrage envisage l’épuration : du village au pays tout entier, jusqu’au continent et à l’Empire ; de l’intimité du domicile et de la famille au bureau, à l’usine ou au champ, de la rue au tribunal, des maquis aux prisons. »
Une somme incontournable sur le sujet !
PÉTRONE
Les Françaises, les Français et l’Épuration– De 1940 à nos jours par François Rouquet et Fabrice Virgili, Paris, Éditions Gallimard, collection « Folio histoire », avril 2018, 820 pp. en noir et blanc + 8 pp. de photographies en quadrichromie au format 11 x 17,8 cm sous couverture brochée en couleurs, 12,10 € (prix France)
[1] La Belgique attend toujours une recherche historique équivalente, qui remettrait en perspective dans sa globalité l’une des causes profondes du divorce entre la Flandre et les parties francophones du pays, cause sur laquelle les uns ont jeté le manteau de Noé et que les autres ont érigée en tabou…